Émilie Létourneau a grandi à Rouyn-Noranda, au Québec (population de 40 000 habitants). Ses origines sont peut-être humbles, mais son ambition et son esprit d’aventure étaient tout autre. À l’âge de 17 ans, Émilie s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes (FAC). Elle a servi en tant qu’officier du génie des systèmes maritimes dans la Marine royale canadienne un peu moins de onze ans.
« Le temps que j’ai passé dans la Marine a été agréable, dit-elle. J’ai pu voyager beaucoup. Première formation au Royaume-Uni, puis deux déploiements dans l’Arctique et un dans la mer des Caraïbes. J’ai eu beaucoup de plaisir à parcourir les ports avec des amis. Dans l’ensemble, mon expérience s’est avérée très bonne. »
Émilie a étudié en génie à l’école et affirme avoir aimé utiliser ce qu’elle a appris sur un navire de guerre. « Nous recevions un appel indiquant que quelque chose se produisait à un certain endroit. Ensuite, nous nous dépêchions pour essayer de rencontrer un contact au bon endroit, explique-t-elle. C’était stressant, et très excitant. »
Diriger en tant que femme
L’expérience d’Émilie comme femme dans l’armée a été majoritairement positive. Elle attribue cela, en partie, à sa persévérance. « Je suis le genre de personne qui se bat pour ce qu’elle veut, et je pense qu’on le voit tout de suite, » dit Émilie.
« Je crois que les gens se sont rendu compte rapidement que j’avais ma place là aussi, et que j’étais là pour aider. »
Pourtant, elle reconnaît qu’être une femme dans les FAC était parfois difficile, surtout comme officier féminin. « Lorsque j’étais à bord du NCSM Ville de Québec, le service d’ingénierie était probablement composé à 95 pour cent d’hommes et j’étais leur chef, » dit Émilie. Quand elle ne disait pas aux membres de son équipe comment faire leur travail, Émilie était responsable de les diriger et de s’assurer que les missions étaient bien remplies.
Émilie admet s’être mis beaucoup de pression. « Je me voyais comme une jeune femme ayant une expérience limitée, et je dirigeais des gens qui étaient sur le navire depuis beaucoup plus longtemps que moi. »
Mais elle a commencé à comprendre qu’elle était une bonne chef à cause de ses idées et de son point de vue, pas de son genre. Une fois qu’elle a compris, Émilie n’avait aucun problème sur le navire comme femme ou chef.
Explorer une nouvelle liberté
Émilie a consacré plus de dix ans aux FAC avant de se sentir prête à faire la transition vers la vie civile. Elle a été libérée en juillet 2017. « Le jour de ma libération, je me suis sentie vraiment bien, dit-elle. En rentrant chez moi, je me suis arrêtée à un magasin, j’ai acheté une tondeuse à cheveux et j’ai rasé la moitié de ma tête. Je ne sais pas pourquoi. Je ne l’avais pas prévu. C’était pour moi une façon de dire maintenant je peux faire ce que je veux quand je veux. »
Sa décision de couper ses cheveux était spontanée, mais Émilie dit qu’elle a en fait planifié de manière très diligente sa transition. Elle étudiait déjà pour obtenir une maîtrise, qui était partiellement payée par le ministère de la Défense nationale, et elle avait commencé à chercher un emploi à Ottawa.
Malgré une planification minutieuse, Émilie admet que la vie militaire à laquelle elle était habituée lui manquait : « Je me suis enrôlée à 17 ans. Depuis un très très jeune âge, une structure m’était imposée, et puis, soudainement, je n’en avais plus. »
Trouver une famille
Émilie dit que sa transition a aussi été difficile parce qu’elle était seule. Elle avait l’habitude de voir des visages familiers sur le navire tous les jours, et ce n’était soudainement plus le cas. Elle s’ennuyait de faire partie d’une équipe. Émilie a décidé de chercher une autre communauté, et elle en a trouvé une dans le sport organisé.
Elle joue maintenant pour les Wolves d’Ottawa. Cette équipe fait partie de l’organisation, qui vise à promouvoir l’inclusivité et la diversité par le sport. Émilie remercie le club de l’avoir aidée à établir certaines des relations les plus importantes pour elle, notamment avec sa meilleure amie, Nadine, et sa partenaire, Vanessa.
« Ce qui m’a vraiment beaucoup aidé a été de trouver une communauté grâce à mon équipe de rugby, dit Émilie. Cette équipe de rugby est réellement devenue une famille. »
Se considérer un vétéran
Émilie a eu du mal à se considérer comme un vétéran pendant longtemps : « Pour moi, un vétéran était quelqu’un qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et qui était maintenant plus âgé et avait beaucoup de médailles. Ce sont les personnes que l’on voyait à la télévision le jour du Souvenir. »
Maintenant, elle se rend compte que ce sont de fausses idées.
« J’étais prête à donner ma vie pour le Canada, et je crois que cela me donne le droit de dire que je suis un vétéran. »
Conseil sur la transition
Commencez à planifier tôt. C’est le meilleur conseil que donne Émlie aux militaires qui envisagent la transition.
« Un jour, vous allez vous réveiller et ce sera votre dernier jour dans les Forces armées canadiennes et, si vous n’êtes pas prêts, vous ne saurez pas quoi faire. » Pour Émilie, trouver le nécessaire comme un endroit où vivre et une source de revenus l’a aidée à se sentir moins anxieuse.
Elle recommande également de rester active. « Quand on fait partie des Forces armées canadiennes, il faut toujours maintenir un certain niveau de forme physique, » dit-elle. « Quand on arrête de s’entraîner, on le ressent physiquement et mentalement. »
Émilie garde des souvenirs impérissables de sa carrière dans la Marine. Mais grâce au rugby, à ses bons amis et à une partenaire qui la soutient, elle se réjouit à l’idée d’entreprendre un nouveau chapitre de sa vie.