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Moyen : Vidéo
Propriétaire : Anciens Combattants Canada et Témoignages d'honneur
Durée : 10:20
Droit d'auteur ou de reproduction

Sujets – en ordre d’intervention

  • René Lanouette
  • Rufin Gionet
  • Jacques Raymond
  • Adolphe Williams
  • Hermel Pelletier
  • Normand Silver
  • Edgar Doiron
  • Rudolphe Blanchard
  • Roger Charbonneau
  • Guy Jobin
  • Emmanuel Gaudet

Transcription de la vidéo

On était pas préparés pour revenir, tsé. C’est drôle à dire, mais on dirait qu’on était pas prêts. On aurait dit que, pour moi, pareil comme si j’avais pas été fait pour revenir, tsé. Il aurait fallu que je reste là, tsé. Me semblait que mon ouvrage était pas fini, tsé. Mais ils ont décidé la guerre est finie, bon. C’est ben beau tout ça, mais là tu vois, tu t’en vas en civil. Ça te tente tu d’être en civil? Ça fait cinq ans que t’es dans l’armée, ça fait quatre ans que t’es dans l’armée.

Dans l’armée, t’es pas libre. Tu te lève à c’t’heure là, tu marches par là, tu tournes à gauches, tu tournes à droite, puis tu vas pas là. Ça fait que tu viens que t’es pris. Tu peux plus rien décider par toi-même. C’est pas ben quand tu viens dans la vie civile, parce que t’es trop habitué à te faire mener. T’es trop habitué à te faire dire fais ci, fais ça. Mais quand tu sors de l’armée, c’est pas eux qui vont te dire, c’est toi faut qu’il dit je fais ci, je fais ça. Ça change pas mal les…

Quand tu rentres dans l’armée, tu fais un entraînement qui évolue. Mais quand tu reviens à la vie civile, ça coupe carré. L’armée coupe carré puis là, là t’es comme tout le monde, puis faut que tu te trouves une job. C’est ça qui est dur.

Au bout de un mois, un mois et demi, j’ai signé mon, ma décharge honorable, puis j’ai retourné à l’ouvrage, parce que la loi canadienne disait que fallait que tu reprennes ton travail que t’avais laissé.

Su' l'bateau, y nous disiont tout' les belles affaires qu'on y allait avoir, l'ouvrage, c'était… On avait la priorité su' l'ouvrage et pis que y aurait pas d'misère à s'avoir des jobs, pis des choses de même. Mais quand on a arrivé, là, c'tait pas tout à fait' la même chose. D'l'ouvrage, y en avait pas.

Moi je pouvais pas rester dans l’armée, j’avais pas d’instruction. Il aurait fallu que j’aille à un cours universitaire. Là peut-être que j’aurais resté, faire une carrière pour, peut-être. Ça m’aurait tenté, mais j’avais pas d’instruction. J’avais juste une sixième année, c’était pas les chars, ça. C’était bon pour faire de la chair à canon, puis c’est tout. tout ceux qui ont resté au Canada, ils se sont trouvé des jobs. Nous autres quand on est arrivés avec nos médailles, toutes les jobs étaient prises, il y avait plus rien. Moi, ils ont dit qu’ils me donneraient une maison, là, je l’attends encore. Je l’aurai jamais, je le sais.

On n’était pas bien, bien vus, les soldats. On aurait dit, on aurait dit qu’ils cherchaient à nous éviter, je sais pas trop.

Beaucoup de monde, ils nous disaient qu’on était des vauriens, des bums, c’est pour ça qu’on s’était enrôlés, c’était pas trop gai. On étaient refusés de rentrer dans certains endroits. Ils nous disaient allez vous en chez vous, enlevez votre uniforme puis on va vous laisser rentrer.

… je me sentais malheureux.

On était préparés, quand la guerre était finie, on avait des genres de psychiatres qu’on, aujourd’hui il y en a de toutes les sortes mais, qu’ils nous disaient de, après la guerre est finie, amusez-vous, changez vous les idées, vous allez avoir des séquelles qui vont rester pour quelques uns. D’autres moins, d’autres pire. Moi, j’ai été nerveux, ma mère disait que je donnais des coups dans les murs, la nervosité, puis…

Puis moi j’étais chez nous, après la guerre, tsé, j’ai pris un an de repos pour essayer de me remettre en, en forme. J’avais perdu beaucoup de poids…

J’étais pas serviable. Premièrement, je mangeais pas, je dormais pas, je faisais rien. Tsé, j’étais saigné à la corde. J’ai fait quatre pays à quatre pattes. J’étais usé… mentalement, puis mon corps en avait souffert.

On n’a pas été suivis quand on a sorti de l’armée. On a sorti de l’armée malade, tsé, on pouvait pas… Puis, on allait voir les médecins. Je suis pas le seul, parce qu’on était tout pareil, pis on s’est parlé en… Puis le médecin disait : « vous avez pas rien, il disait, pis il disait non, c’est à cause vous voulez pas travailler, trop paresseux, va travailler, pis ». Mais on n’allait plus le voir le médecin après, là, c’était fini. Mais j’ai été cinq ans, me lever, pis je pouvais pas déjeuner, ni manger.

J'tais vraiment dangereux. J'ai dit à Papa, j'ai dit : « Tiens… Mon revolver, pis ma munition… allemands… Ma baïonnette… Cachez-moi ça… » parc'que j'dis : « J'sais pas qu'est-ce que j'peux faire… »

J'étais mauvais quand je suis revenu chez nous. Eh saint… Je partais le vendredi, là, puis il fallait que je me défoule de ma méchanceté, comprends-tu. Je montais à Ottawa House, au coin de la rue Eddy puis Principale, c'est un building du gouvernement qu'il y a là, et j'allais vider la place, tous les vendredis.

Quand j’suis arrivé chez moi là, à Buckingham, j’ai rentré dans la cuisine, pis l’salon là, pis j’ai été obligé d’sortir au bout d’une demi-heure. J’étais pas accoutumé dans une maison de dix par dix ou douze par douze, t’sais, des grands espaces. Pis un moment donné, j’suis assis dans la salle à dîner, j’parlais avec mes frères, mes sœurs, pis mon père, ma mère, pis j’ai été obligé d’sortir. J’me sentais compressé parc’que j’avais jamais été dans un appartement d’la grandeur d’une chambre là, comme icit là. J’aurais été assis là, là, pis un moment donné, j’filais mal. Pis j’ai dit à mon père : « J’vas sortir un peu m’aérer… », pis l’lendemain, j’tais correct.

J'm'en allais au théâtre avec une fille, elle était smart, j'marchais… Passe devant où y avait un dry clean et pis elle m'a lâché d'la steam, ça a fait pfit ! au d'ssus d'ma tête. C't'ait dans l'printemps, pis y avait ça d'slush sur la rue, pis j'ai fessé la face là-d'dans assez vite. C'était… Ça avait resté, ça, là, le train d'un obus qui v'nait, pis tu t'jetais à terre pour ta protection. Pis ça, ça avait fait l'même train.

Ça faisait à peu près un an que j’étais revenu à Montréal, j’étais sur la rue Ste-Catherine, dans le bout de chez … il a passé un avion au bout de chez Eaton, là… On était deux, on s’est jetés à plein ventre dans le plein milieu de la rue Ste-Catherine. On pensait que c’était un raid, tsé. Tsé, ça s’est fait vite. Le subconscient a travaillé, bang, il s’est jeté à terre.

C’est pas de quoi qui est beau à conter, j'ai rentré dans chambre à Papa, pis y m'avait jamais dit où qu'y avait caché ça, j'les ai trouvés, sans l'réveiller. On était assez habitués de pas faire de bruit… J'ai trouvé le revolver, pis la baïonnette, pis j'ai sorti. Pis, y avait une école en face de chez nous, une école… une ancienne école que c'est que j'allais, moi. J'ai commencé à être… j'avais pris d'la boisson, j'ai tout' cassé les vitres qui étaient dans l'école… cassé les fenêtres. J'ai été m'rapporter au syndic d'école, dans c'temps-là. J'ai dit : « Faites pas v'nir la police, rien en toute… » J'ai dit : « J'm'en vais payer… Faites-la réparer, j'vais tout' payer quoi est-ce que c'est que j'ai brisé… »

Pour me guérir de ça, mon père a écrit à mon oncle Moïse qui avait une ferme. Et puis le lendemain matin, mon oncle Moïse m'attendait avec deux chevaux de selle puis une jument pour charrier le bagage puis il m'a emmené à peu près comme 20 milles de chez lui à travers le plein bois, là, dans le parc de la Vérendrye. Puis là j'ai bien dormi, comprends-tu, je dormais paisible, là. Il n'y avait rien pour m'achaler, rien, rien, rien, pas de lecture, pas de télévision, pas de radio, il n'y avait rien, en plein bois. Je vivais la vie des Indiens. Puis j'ai pris le train à peu près une semaine après puis j’ai descendu. Quand mon père et ma mère m'ont vu arriver, j'avais le visage souriant puis ça ne me tentait plus de me battre, ça ne me disait rien de me battre. Pourquoi me battre puis blesser quelqu'un, tu sais? Et là, j'ai jamais frappé quelqu'un depuis ce temps-là, jamais.

Moi je touche pas aux armes, hein. Parce que j’ai un gendre, moi, que… chez eux il a des armes, puis tout barrées, puis des fois il m’amène, puis j’y dis : « ah oui, elles sont belles ». J’ai jamais touché à une arme, moi, puis j’en toucherai jamais parce que je sais pas qu’est-ce que mes mains vont faire, tsé. Tout d’un coup mon cerveau déclenche, je sais pas moi. Parce que ça tire, ça (rire). Ah oui, dans les premiers temps que je travaillais dans la bottine, on faisait des souliers de femmes, puis ça avait un talon à un moment donné. J’accrochait le talon, avec le… eh! Je tirais avec la… sur la bottine! Pareil comme si ça serait un trigger, un chien! (rire) Puis, c’était un talon avec une bottine. Pour moi c’était encore tsé, les mains étaient encore là! Ah oui, on dirait que ça partait pas, ça.

Ça te laisse toujours avec certaines nervosités. Tsé c’est… C’est pour ça que tu vois très peu de soldats qui parlent de la guerre. On n’aime pas parler de ça. Ça rappelle…

Il faut être capable de le raconter. Il y en a bien qui sont pas capables, il y en a bien qui pleurent, il y en a qui… J’ai de mes types, moi, à tous les onze novembre, qui viennent au cénotaphe puis ils partent à pleurer le moment qu’ils jouent le last call. C’est sûr qu’on reste marqué.

T’es fier d’être revenu, tellement qu’tu… Tu sais pas comment… Comment t’dire. Comment… Le lendemain là, c’est… Ça prend du temps à réaliser, là, que c’est fini. C’est ça, j’pense. Pas facile.

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