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L'horreur

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Moyen : Vidéo
Propriétaire : Anciens Combattants Canada et Témoignages d'honneur
Durée : 9:02
Droit d'auteur ou de reproduction

Sujets – en ordre d’intervention

  • Herman Croteau
  • Rufin Gionet
  • Léonard Gionet
  • Roger Charbonneau
  • Benoît Roy
  • Edgar Doiron
  • Roch Daoust
  • Jacques Raymond
  • Simon Savoie

Transcription de la vidéo

j’ai commencé à poser ben des questions pis d’me dire à moi-même : « Combien de bombes à peu près que j’ai mis à bord d’un avion, pis combien d’innocents qui ont été tués en Allemagne par ça. » Ça, ça… Ça a dérangé. T’sais, tu bombardes pas un pays pis, pareil comme c’qui est arrivé à Hiroshima pis Nagasaki, hein ? Y a pas seulement qu’des soldats qui sont morts là, y’a des familles complètes, des enfants, une affaire terrible.

je me rappelle quand on arrivait pas loin de Caen, ils ont envoyé des avions, puis ils ont laissé tomber des petits papiers. On ramassait ça, ils disaient aux Français de, de sortir de Caen, tout de sortir de Caen parce que ça allait être bombardé. Puis, il y en a ben qui en avaient pas trouvé ou qui voulaient pas. Ben quand ils ont bombardé Caen, il y en a seize mille Français qui se sont fait tuer là.

Le plus dur, moi, c’était les enfants. Les enfants, ça faisait pitié, les enfants. Il y avait des familles complètes détruites dans la maison, c’est pas drôle. Les enfants, surtout, ils guettaient où ce que les Canadiens étaient, pour manger. Nous autres, on mangeait tout le temps dehors. Puis, quand ils venaient, ils ramassaient, ils mangeaient dans les poubelles. Il y avait quinze, vingt, vingt-cinq enfants qui venaient avec des petites chaudières, le matin, pour manger dans les poubelles. Il y avait des poubelles, puis ils fouillaient dans les poubelles. Pas drôle ces affaires-là. Il y a des familles qui étaient errantes, qui avaient toutes les maisons défaites, puis les parents tués, puis il y en a qui étaient pris tout seuls.

Ils étaient dans des caves puis les petits enfants sortaient, des petits enfants grands de même avec les mains en l’air, avec un petit pavillon blanc pour dire : « on se donne! », tsé…

Tu rentres dans un village puis, un village peut-être de 300, 400 personnes, il y a des vieux, il y a des jeunes et il y a des enfants et les Allemands, ils prenaient les belles femmes, là, envoye dans un camp pour le privilège des soldats. Et puis les vieillards, s'ils étaient trop malades, ils les tuaient. Et puis les enfants, bien, ils les envoyaient dans les camps de concentration.

C'était au camp d'concentration Stalag 12A. Là, y avait une tranchée, là, d'à peu près de trente pieds d'long, mets-en, peut-être cinquante pieds, pis douze pieds d'profondeur. Pis là, y avait un bulldozer, le matin, qui faisait l'tour des huttes. Ceux qui étaient morts, y les envoyaient dans boite, dans boite du bulldozer. Pis là, y v'naient tomber ça dans la tranchée. Des hommes, des femmes… Ça, ça va toujours rester gravé, pis j'le vois encore… des fois la nuit, j'le vois, j'les vois encore.

La fois que j'avais été à Auschwitz, là, ils ont été chercher le maire puis le curé de la place puis les notables de la place : Emmène dans le camp de concentration puis tu vas enterrer vos victimes. Ils les faisaient charrier par les pieds puis les mains puis ils garrochaient… J'ai vu une femme qui était mère. Elle pleurait, elle pleurait, elle pleurait. Travaille! Le gars lui donnait des coups de pied, là, puis : Envoye!

J’ai été enterrer des morts. La première fois, on avait dit : « où est-ce qu’on va? » « Ah ben, embarquez dans le camion, en arrière ». On était plusieurs, mais on était quatre de notre groupe. On était, c’était pour enterrer les morts, les soldats morts. Ça faisait quatre, cinq jours qu’ils étaient au soleil. Pis on allait là, mais on avait l’ordre de tout, tout ôter. Pis on avait ses médailles, marquer son nom sur un chose. C’est pour donner ça pour soit ses parents… Si t’étais marié, c’était sa femme. Son nom pour le dossier. Puis tout le, tout qu’est que c’est qu’il y avait, les bagues, ôter les bagues, mais les montres, la montre, ôter ça, tout. Mais là on était tout… mais là la bague voulait pas s’ôter pis on était tous les quatre. Gauguin que je te disais. Il était, il est renvoyé, lui. Fallait couper le doigt, pis malgré t’es soldat, là, tu dis à la Croix-rouge, on est pas capable d’ôter ça, ben coupez le, ça presse, le bulldozer s’en vient. Fallait couper, on regardait au côté pour arracher après. Couper le…

Ça, ça m’a frappé ça. Quand une torpille frappe un bateau puis s’il y a un monsieur qui est debout, là, il était debout sur le deck en haut, ses bottines restaient là puis lui il montait, les lacets allaient pfftt, fit… On a ramassé les gars, puis le capitaine était en haut puis il disait : Eh, split the main bridge. Ça, ça veut dire sort tout le rhum qu’on a. Ça fait qu’on les sortait de l’eau... parce que l’eau est froide en tabarouette, puis on les enveloppait dans des couvertes. J’aime mieux ramasser des bleuets que de ramasser des gars dans l’eau, comprends-tu. Ça je n’ai pas aimé ça pantoute. Personne n’a aimé ça.

la pire chose qui peut arriver, c’est de voir un de nos chums se faire blesser, mais quand on voit surtout un type qui est à terre, puis on est, on est à côté, puis qu’il, il saigne, qu’il est après mourir, puis on peut pas l’aider, ça, c’est des cas qui sont pas facile, Ça, ça… il est à côté, puis j’en ai vu mourir, puis t’es à côté, puis tu peux pas parce que les Allemands sont, sont, sont retranchés, puis nous autres aussi, puis on n’a pas hâte d’avancer. Il y a des fois, ils se font tirer par des obus, un morceau d’obus, le type, là, j’en ai vu un à Zutfen, puis je me rappelle toujours, celui-là il m’a resté marqué, le cou, là, le morceau lui a rentré, il a eu un morceau, c’est brûlant, c’est du fer, de l’acier, là, il était après mourir, puis à chaque fois que le cœur bat, ça sort. J’ai resté marqué avec ça. Ça m’a pris je sais pas comment de jours avant que je puisse me défaire de ça.

On a trouvé des Canadiens. On a trouvé onze, juste en dehors de Caen. Le régiment de la Chaudière. Ils étaient attachés dans le dos, pis juste enterrés de ça. Pis c’est un tank qui a passé dessus, pis elle a tourné. En tournant, ben ils ont vu du kaki, pis il y en avait onze, les mains attachées dans le dos, les pieds, pis ils s’avaient fait tirer en arrière de la tête.

Des fois ça nous pogne de venir un peu plus guerrier, mauvais, qu’on a… On a une douzaine de nos, de nos gars de La Chaudière qui ont été fait prisonniers, puis ils ont été pendus. Ils les ont trouvé pendus après des arbres. Ça c’est la guerre, qu’on appelle cruelle, là, que des fois on voit pas dans les livres. Euh, mais, nous autres, la riposte a été un peu plus la même chose. C’est des choses qu’on voit pas tout à fait des fois dans les livres. Mais quand ils font des choses semblables, on fait la même chose. Quand on dit « la guerre c’est la guerre. »

Puis le soir, il y avait aucune, pas aucune lumière dans la ville de Londres. Tout était black-out. Quand les bombes tombions, des fois il en tombait quatre d’une nuit, là. Il y avait une femme l'autre bord avec un enfant dans les bras. On était moi puis mon chum, on était deux là, j’étais caporal dans ce temps-là. On était sur la rue. Puis elle a starté à courir avec l'enfant puis le truck lui a passé sur le dos drette devant nos yeux, là. Puis l'enfant avait une jambe coupée nette. Parce que quand on l'a ramassé, il n'avait pas de jambe là en toute. Elle venait nous amener son enfant, qu’on peuve le ramasser, mais le truck l'a jamais vue lui là, a passé sur le dos. Ça, ça rouvre les yeux, aie pas peur! Tu y penses, tu y penses longtemps.

Il y a des choses qu’on n’oubliera jamais. Il y a des choses qu’on n’oubliera jamais…

Interviewer - Comme quoi?

Ah! Des atrocités, puis des cadavres, des blessés…

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