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Le Canada et la Crête de Vimy

Site en France où le Soldat inconnu était inhumé

Lorsque la guerre éclate en Europe en août 1914, la population du Canada n'atteint pas sept millions d'habitants. Même s'il a la gestion de ses affaires intérieures, le Canada demeure juridiquement une colonie du Royaume-Uni au plan international. Lorsque la Grande-Bretagne déclare la guerre, le Canada se trouve automatiquement en guerre. À cette époque, les forces armées canadiennes sont peu importantes et mal équipées. L'Armée régulière ne compte que 3 100 hommes et la Milice, non permanente, bien que plus considérable en nombre, est pour ainsi dire sans instruction. Quoi qu'il en soit, le Canada soutient avec enthousiasme la mère patrie si bien que deux mois plus tard à peine, la Première division canadienne prend le chemin des combats en Europe.

Au cours de cette période, la guerre sur le front occidental sème la destruction en Belgique et en France, mais les forces françaises et britanniques parviennent à contenir l'avance allemande. Les combats entrent dans une impasse et, de part et d'autre, on creuse des tranchées afin d'accroître les chances de survie des combattants. L'Armée allemande s'empare alors d'un des points dominants de la région — qui sont peu nombreux dans ces plaines du nord de la France —, la crête de Vimy. La crête s'élève sur 61 mètres au-dessus de la plaine de Douai et depuis ce promontoire, les Allemands dominent le terrain sur des kilomètres autour et menacent le contrôle allié sur toute la région presque jusqu'à la Manche.

En 1915 et 1916, les Français d'abord, puis les Britanniques ensuite, essaient de s'emparer de la crête. En 1915, les Français y parviennent presque, mais sont repoussés par les Allemands et subissent d'immenses pertes. À leur tour, les Britanniques se portent à l'attaque et font exploser par endroit d'énormes mines sous les lignes allemandes afin d'ouvrir la voie à leurs hommes, mais sans succès. Les Allemands tiennent bon et renforcent même leurs défenses déjà formidables.

Dans l'intervalle, les Canadiens apprennent le métier de soldat à la dure. La Première division canadienne subit son baptême du feu en avril et en mai 1915 à Ypres, en Belgique. Elle fait les frais des premiers essais aux gaz destinés à briser les forces alliées. Les Canadiens tiennent bon, et allongent même leurs lignes de manière à couvrir une partie du front déserté par les forces coloniales françaises. Il s'agit là d'un moment de grande fierté dans l'histoire militaire canadienne, marqué également d'un lourd sacrifice.

Au cours de l'hiver 1915-1916, le Corps expéditionnaire canadien atteint trois divisions et commence alors son existence propre. Au printemps de 1916, le commandement en est confié au lieutenant-général Julian Byng, un officier britannique qui a les deux pieds sur terre. Byng apprend bien vite à respecter les Canadiens en même temps que ceux-ci apprennent à le respecter.

Sur la partie britannique du front occidental, la principale bataille qui est livrée cette année-là est la bataille de la Somme. De septembre à novembre, les trois divisions canadiennes mènent une série d'actions au cours de cette bataille qui s'étend sur cinq mois. En 1916, une quatrième division canadienne est constituée et en novembre, elle est envoyée au combat lors de la bataille de la Somme. Lorsqu'elle est versée au Corps canadien, la formation atteint alors son effectif complet.

Après la Somme, les Canadiens se retrouvent au front à la crête de Vimy et commencent leurs préparatifs en vue d'un assaut de grande envergure qui aura lieu au printemps. Tout au long de l'hiver, les Canadiens étudient le champ de bataille et s'entraînent en prévision de l'assaut. Derrière les lignes, on fait une réplique de la crête, avec du ruban blanc et des drapeaux. Chaque bataillon y repasse son plan d'attaque jusqu'à ce que chaque soldat le connaisse par coeur et sache exactement ce qu'il doit faire. Les Canadiens percent aussi des tunnels sous le No man's land, non pas pour y faire sauter des mines, mais pour que les troupes d'attaque lancent leur assaut tout près des lignes ennemies, sans subir de pertes.

Le 20 mars 1917, les Canadiens commencent un fort bombardement. Pendant des jours, les canons tonnent, affaiblissant sérieusement les lignes allemandes et démolissant leurs positions d'artillerie. Le 2 avril, le bombardement s'intensifie. Les Allemands donnent aux sept jours qui suivent le nom de « semaine de souffrance ». Finalement, le lundi de Pâques, le 9 avril, les Canadiens déclenchent leur attaque.

Appuyées par des tirs soutenus de l'arrière et à la faveur de vents qui charrient neige et grésil vers les lignes ennemies, les quatre divisions canadiennes se portent à l'assaut sur un terrain déchiqueté par les obus. Elles montent et assaillent la crête. Au milieu de l'après-midi, les Allemands ne conservent que deux points, la cote 145 et le Mamelon, qui seront enlevés de haute lutte dans les jours qui vont suivre. Les Canadiens avaient réalisé ce que ni les Français ni les Britanniques n'avaient pu réussir.

Cet été-là, le général Byng est promu et pour la première fois, le Corps canadien est commandé par un Canadien, le lieutenant-général Sir Arthur Currie. Il avait été l'un des artisans du plan d'attaque de la crête de Vimy et le roi Georges V le récompense sur le champ de bataille même en le faisant chevalier. Currie commande les Canadiens pour la durée de la guerre et il se mérite la réputation d'un des meilleurs commandants du côté allié.

La crête de Vimy est demeurée aux mains des Alliés jusqu'à la fin de la guerre. Les Canadiens ont livré d'autres batailles et remporté d'autres victoires, notamment à Amiens et au Canal du Nord, mais c'est véritablement avec Vimy qu'ils ont acquis leur réputation de soldats de premier ordre.

La crête de Vimy constitue aussi un point tournant pour les Canadiens. En effet, beaucoup d'entre eux s'étaient enrôlés pour venir en aide à la mère patrie. Toutefois, à mesure que la guerre avance, ils prennent de plus en plus conscience qu'ils sont Canadiens. Ce sentiment s'est cristallisé sur la crête de Vimy. Le brigadier-général Alexander Ross, qui commandait un bataillon à Vimy, fait part de ses sentiments tandis qu'il regardait les Canadiens se porter au combat ce matin-là : « Le Canada de l'Atlantique au Pacifique défilait. Je me suis dit qu'au cours de ces quelques minutes, je venais d'être témoin de la naissance d'une nation. » Nombreux sont les autres témoins de la scène qui partagent son avis.

Mais le prix à payer a été énorme. Près de 3 600 tués et plus de 7 000 autres blessés. En outre, les combats dans le secteur au cours des mois qui ont précédé et suivi la bataille ont fait gonfler les listes de morts et de blessés. Les cimetières derrière des lignes n'en finissaient plus de s'agrandir à mesure que les Canadiens enterraient leurs morts.

Les champs de bataille sont des endroits où règne la cruauté et, bien sûr, nombreux sont les morts qui ne sont jamais retrouvés ou identifiés. Les corps sont perdus sur le champ de bataille ou tellement mutilés qu'il n'est plus possible de les identifier. Certains de ces morts non identifiés se trouvent dans des cimetières militaires avec la mention : « Soldat de la Grande Guerre, connu de Dieu seul ». Des 68 000 Canadiens tués au cours de la Première Guerre mondiale, près de 20 000 n'ont pas de sépulture connue. Des milliers ont aussi connu le même sort au cours de la Seconde Guerre mondiale et pendant la guerre de Corée.

Lorsque la guerre a pris fin, la position du Canada dans le monde avait changé fondamentalement. Le Canada n'était plus une simple colonie, mais un partenaire dont la contribution à la victoire alliée avait été considérable. Lors des négociations menant au traité de Versailles, en 1919, le Canada avait son représentant. Lorsque la Société des Nations a été formée peu après, le Canada en faisait partie. En 1931, le Canada a obtenu son indépendance entière et complète de la part du Royaume-Uni par le Statut de Westminster, qui lui conférait la maîtrise totale de ses affaires étrangères.

Au Canada, les effets de la bataille de la crête de Vimy ont continué de se manifester après la guerre. La crête est devenue le symbole de la compétence des Canadiens sur le champ de bataille et de la contribution canadienne à la cause des Alliés. Le Canada était une nation.

Dans les années 20, lorsqu'il a été décidé de construire un grand monument commémoratif en France pour marquer le sacrifice des Canadiens au cours de la Première Guerre mondiale, on ne s'est pas demandé longtemps où il fallait le construire. Un magnifique monument commémoratif a été érigé dans le parc canadien sur la côte 145, le point le plus élevé de la crête de Vimy. La France avait déjà reconnu l'importance de la crête de Vimy pour le Canada et, en 1922, avait cédé à perpétuité au Canada 91 hectares sur le sommet de la crête. Sur les murs du monument commémoratif sont inscrits les noms de plus de 11 000 Canadiens qui ont donné leur vie en France et qui n'ont pas de sépulture connue. Un autre monument commémoratif à Ypres rend hommage à près de 7 000 Canadiens qui ont perdu la vie dans des circonstances similaires en Belgique. Le Monument commémoratif de Vimy a été consacré en 1936 et domine depuis ce jour la campagne française. Se trouvent autour des dizaines de cimetières canadiens, certains à quelques mètres de distance, d'autres à quelques kilomètres.

C'est de l'un de ces cimetières qu'un soldat canadien inconnu, connu de Dieu seul, fut choisi pour être rapatrié au Canada et représenter les dizaines de milliers de Canadiens qui ont perdu la vie au cours de la guerre. Le soldat inconnu repose dans un endroit d'honneur en face du Monument commémoratif de guerre du Canada, au coeur d'Ottawa, la capitale nationale.

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