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Sergent (à la retraite) Marjorie (Worby) Stetson

Le sergent (à la retraite) Marjorie (Worby) Stetson est née à Montréal, au Québec. Elle se souvient d’avoir entendu des récits de guerre de son père, George Worby, qui a servi pendant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale. Le service de son père l’a incitée à s’enrôler dans le Service féminin de l’armée canadienne (SFAC) en 1942 à l’âge de 18 ans.

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Sergeant (Ret’d) Marjorie (Worby) Stetson

Dès son premier jour dans le SFAC, Marjorie voulait apporter sa contribution et acquérir de nouvelles compétences. Son père lui a dit que l’armée offre des possibilités et qu’elle devrait saisir tout nouveau rôle offert. « Je récurais les planchers ce premier jour lorsque l’on m’a demandé si je voulais prendre un cours en télégraphie. » Marjorie a tout de suite accepté et, le lendemain, elle a pris le train en direction de Kingston, en Ontario, avec une dizaine d’autres recrues.

Le jour suivant, Marjorie et d’autres membres du SFAC ont été transportées à une caserne à l’extérieur de Kingston où elles ont appris le code Morse. Marjorie a aimé son cours et elle était particulièrement bonne. Elle a rapidement été sélectionnée pour perfectionner ses nouvelles compétences acquises à Ottawa et a été affectée à la station spéciale de télégraphie sans fil no1. « Nous étions logées dans des casernes spéciales et on nous enseignait dans le plus grand secret. En d’autres mots, nous ne devions dire à personne ce que nous apprenions. » Marjorie a terminé tous ses tests à la station no 1 et est devenue de plus en plus compétente à une tâche particulière : écouter et copier le code Morse japonais, aussi connu sous le nom de « Code Kana ».

« J’ai demandé où les copies de notre travail étaient envoyées. La seule réponse que l’on m’a donnée était “Washington” et on me disait de ne pas poser plus de questions. »

Les compétences avancées de Marjorie l’ont amenée à l’autre bout du pays à Victoria, en Colombie‑Britannique, dans un petit bâtiment blanc situé sur une exploitation fruitière de prunes dans la forêt, selon la description de Marjorie. Ce bâtiment était en fait la station spéciale de télégraphie sans fil no3, lieu de travail de Marjorie pendant le reste des efforts de guerre. Son affectation précise consistait à localiser sur son récepteur un bon signal sans fil de la communication militaire japonaise dans le Pacifique, à bloquer ce signal et à transcrire le code japonais entendu sur papier au moyen d’une machine à écrire spéciale.

« Personne ne savait ce que nous faisions. Personne ne pouvait visiter notre station. » Pendant son temps à la station no 3, Marjorie est demeurée curieuse. « J’ai demandé où les copies de notre travail étaient envoyées. La seule réponse que l’on m’a donnée était “Washington” et on me disait de ne pas poser plus de questions. »

Marjorie Stetson, 1944
Marjorie Stetson, 1944

Marjorie a terminé son service en 1946 et, encore une fois, on lui a fait jurer de garder le secret. Peu après la guerre, elle a été invitée à St. Albans, au Vermont, pour une célébration marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des Canadiens de tous les secteurs des Forces armées canadiennes y ont assisté en uniforme et avec des drapeaux pour célébrer ce moment. C’est à cet endroit que Marjorie a rencontré son futur époux. « Nous nous sommes assis pour la réception et ce marin américain est entré par la porte… j’ai eu un coup de foudre. » Marjorie et Arthur Bartlett Stetson se sont mariés le 18 juin 1949. Ils ont vécu au Massachusetts pendant la plus grande partie de leur vie. M. Stetson est décédé en 2012, sans vraiment savoir l’ampleur réelle du service de Marjorie. « Il a toujours supposé que j’étais une commis de bureau. »

Marjorie a de bons souvenirs des relations durables qu’elle a tissées pendant son service dans le SFAC. « Les filles de la station no3 ont organisé une réunion tous les ans. Notre dernière réunion a eu lieu en 1982 à Ottawa, où nous avons pris des photos devant le Monument commémoratif de guerre du Canada. Nous étions neuf à cette dernière réunion. Nous sommes restés un groupe proche et nous vivions toujours avec notre secret. De ce que je sache, à 96 ans, je suis maintenant la seule de notre groupe qui est encore en vie. »

Quelques années après le décès de M. Stetson, Marjorie a découvert le livre Code Girls écrit par Liza Mundy. Cet ouvrage raconte comment l’armée et la marine des États‑Unis recrutaient des femmes pour aider à déchiffrer des codes. Nombre de ces femmes étaient affectées à Washington et étaient toutes tenues de garder le secret.

« Notre tâche était de copier, et la leur consistait à déchiffrer. Maintenant je sais ce qu’il advenait de nos copies. »

En lisant le livre, Marjorie a remarqué des parallèles entre le travail des femmes dans Code Girls et le travail du SFAC à la station no3. « Le livre décrivait comment un groupe de femmes travaillait à Washington pour déchiffrer des codes. Elles faisaient simplement leur travail et, à la fin de la guerre, personne ne leur a dit ce qu’elle faisait. Il est tout aussi mystérieux que ces femmes ne savaient pas d’où venaient tous les codes et que notre groupe n’a jamais su où nos copies étaient envoyées. »

Marjorie est convaincue que les codes qu’elle a copiés pendant la guerre ont été envoyés à Washington pour que les femmes qui y travaillaient puissent les déchiffrer. « Notre tâche était de copier, et la leur consistait à déchiffrer. Maintenant je sais ce qu’il advenait de nos copies. »

Marjorie souhaite raconter son histoire pour que les Canadiens, jeunes et âgés, soient au courant des contributions des membres du SFAC qui ont servi à la station no3. « Mes parents, mes proches et même mon propre époux n’ont jamais su ce que je faisais. Nous avons tous dit la même chose : nous travaillions simplement dans un bureau en tant que commis. Je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’avoir servi le pays jusqu’à ce que j’aie lu le livre de Liza. »

Après avoir été libérée du SFAC en 1946, Marjorie est rentrée chez elle à Montréal et a postulé un emploi civil au ministère des Transports. « J’ai dit au gars en service que je venais de travailler pendant quatre ans comme opératrice radio de première classe. Mais il a répondu qu’il n’embauchait pas de femme, parce que c’était un emploi d’homme. Je suis partie démoralisée. Mais que pouvais‑je dire? Tout était encore un grand secret. » Marjorie pense que son histoire devrait être écrite maintenant pour rendre hommage aux nombreuses femmes qui ont servi leur pays. « Personne ne savait ce que certaines d’entre nous avons accompli pendant la guerre et pour cette raison, personne n’a jamais dit merci… jusqu’à maintenant. »

Enfin, un conseil de Marjorie : « N’hésitez pas à demander à votre grand-mère ce qu’elle a fait durant la guerre. Elle pourrait avoir une histoire étonnante ou un grand secret à vous raconter! »

Marjorie réside actuellement à Concord, au Massachusetts, à l’extérieur de Boston et est âgée de 96 ans. Elle a trois fils, cinq petits‑enfants et cinq arrière‑petits‑enfants. Elle est très fière d’être une femme vétéran canadienne.


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