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Service des Juifs canadiens au cours de la Seconde Guerre mondiale

Plus de 17 000 hommes et femmes de la petite communauté juive de 168 000 habitants du Canada au moment de la guerre ont servi en uniforme pendant le conflit, risquant leur vie pour la paix et la liberté.

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Introduction

Le Canada a joué un rôle important en aidant les Alliés à remporter la victoire lors de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux groupes qui composent la société diversifiée de notre pays se sont unis pour cette cause, l’un des plus importants étant les Canadiens d’origine juive. Plus de 17 000 hommes et femmes de la petite communauté juive de 168 000 habitants du Canada au moment de la guerre ont servi en uniforme pendant le conflit, risquant leur vie pour la paix et la liberté.

Les Juifs ont pris part à toutes les grandes batailles du Canada, de Hong Kong à Dieppe, d’Ortona au jour J et plus encore. Ils ont servi avec distinction et près de 200 d’entre eux ont reçu des décorations pour bravoure et d’autres citations officielles pour leur service exemplaire. Ces contributions ont toutefois coûté cher, près de 450 Canadiens juifs ont en effet perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Mise en contexte

La Seconde Guerre mondiale éclata au mois de septembre 1939 et, lorsqu’elle prit fin en août 1945, ses combats avaient fait rage sur des champs de bataille sanglants, sur des mers menaçantes et dans des ciels dangereux à travers le monde pendant plus de six ans.

Au fur et à mesure que l’Allemagne nazie envahissait et menait son occupation des pays voisins de l’Europe dans les phases initiales du conflit, il devint vite évident que seul un effort international massif pouvait vaincre cette puissante machine de guerre ennemie.

Dans le cadre d’une grande mobilisation nationale au Canada, de nombreux membres de la communauté juive de notre pays répondirent à l’appel pour servir. En plus de leur loyauté envers le roi et le pays, ils avaient une profonde motivation personnelle à prendre les armes pour aider à vaincre le régime nazi. Sous la direction odieuse du dictateur Adolf Hitler, l’Allemagne adopta de nombreuses politiques antisémites qui restreignaient cruellement les droits du peuple juif. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ce racisme virulent allait bientôt dégénérer en cauchemar avec l’Holocauste.

Au moment de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses familles juives de notre pays avaient alors émigré d’Europe à peine une ou deux générations plus tôt – et un nombre considérable de Canadiens juifs étaient en fait nés à l’étranger, ce qui signifiait qu’ils avaient souvent des liens étroits avec leurs anciens pays d’origine – des pays qui étaient maintenant dans la ligne de mire du régime nazi continuant de s’étendre en Europe. Ben Dunkelman [en anglais seulement], originaire de Toronto, qui se hissa au rang de major du Queen’s Own Rifles et débarqua à Juno Beach le jour J, s’exprimait sans doute au nom de nombreux Juifs lorsqu’il prononça : « Il était très clair pour moi que, en tant que loyal Canadien, il était de mon devoir de me porter volontaire pour combattre. En plus, en tant que Juif, j’avais une affaire spéciale à régler avec les nazis ».

Le soldat Ben Weider, une jeune recrue juive de Montréal, avec son fusil en 1942. Photo : domaine public

Près de 5 000 Juifs du Canada s’étaient enrôlés au cours de la Première Guerre mondiale de 1914 1918, et certains avaient aussi servi dans d’autres conflits antérieurs, de sorte qu’il existait une fière tradition de service militaire sur laquelle la communauté pouvait s’appuyer. Cet héritage de devoir et de sacrifice fut répété et surpassé au cours de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle un grand nombre de Canadiens juifs rejoignirent l’armée, la marine, les forces aériennes et la marine marchande.


Récits de Juifs

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Mobilisation sur le front intérieur

De nombreux chefs religieux et politiques juifs du Canada encouragèrent les jeunes membres de leur communauté à servir en uniforme pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils eurent recours à diverses stratégies, allant d’exhortations publiques et privées aux efforts créatifs de sensibilisation dans les médias. Le Congrès juif canadien, un groupe de défense influent qui allait être actif au sein de notre pays pendant près d’un siècle, établit ses propres bureaux de recrutement à Toronto et à Montréal et fit également connaître des récits héroïques de militaires juifs sur les champs de bataille. En 1944 et 1945, il publia même une série de bandes dessinées intitulées Jewish War Heroes, dans l’espoir qu’elles intéresseraient particulièrement les garçons et les jeunes hommes. En fin de compte, il y eut trois éditions de cette publication unique, chaque numéro contenant huit pages d’histoires passionnantes qui mirent en lumière l’héroïsme bien mérité des militaires juifs combattant aux côtés des forces alliées.

Il existait aussi d’autres formes de pressions, moins publiques, pour s’enrôler; avec de la parenté vivant souvent en Europe occupée, la guerre lointaine ne semblait pas aussi éloignée qu’elle aurait pu l’être pour d’autres Canadiens. En raison de ce lien, l’appel au service ressenti par de nombreux Canadiens juifs pouvait être très personnel. Alors que la plupart d’entre eux allaient servir dans l’armée de notre pays, des hommes comme William Nelson(un pilote élite de la Royal Air Force britannique) et Robert Mirvish (un officier radio de la marine marchande américaine) se joignirent aux forces des autres pays alliés.

Il existait aussi d’autres formes de pressions, moins publiques, pour s’enrôler; avec de la parenté vivant souvent en Europe occupée, la guerre lointaine ne semblait pas aussi éloignée qu’elle aurait pu l’être pour d’autres Canadiens. En raison de ce lien, l’appel au service ressenti par de nombreux Canadiens juifs pouvait être très personnel. Alors que la plupart d’entre eux allaient servir dans l’armée de notre pays, des hommes comme William Nelson(un pilote élite de la Royal Air Force britannique) et Robert Mirvish (un officier radio de la marine marchande américaine) se joignirent aux forces des autres pays alliés.

Plus d’un million de Canadiens servirent sur terre, en mer et dans les airs durant la Seconde Guerre mondiale. Comme leurs compatriotes non-juifs, environ 39 à 40 pour cent des hommes juifs remplissant les conditions requises décidèrent de s’enrôler. Quelque 280 femmes juives canadiennes servirent également en uniforme et comme leurs homologues masculins, elles le firent pour des raisons à la fois patriotiques et personnelles. Certaines d’entre elles, dont Sue (née Westheimer) Jacobs Ransohoff et Esther (née Bubis) Thorley, avaient perdu un mari ou un frère pendant la guerre et voulaient ainsi « prendre leur place » dans la lutte contre cet ennemi cruel. Bien que les femmes canadiennes n’aient pas pu servir dans des rôles de combat pendant le conflit, certaines jeunes femmes juives furent déployées à l’étranger pour appuyer les efforts des Alliés en Europe, ce qui les rapprocha de l’action ennemie et du danger qui en découlait.

La contribution juive aux efforts de guerre de notre pays ne se limita pas au service en uniforme. Comme tant d’autres Canadiens, des membres de l’ensemble de la communauté juive se rassemblèrent pour s’engager sur le front intérieur et bon nombre d’entre eux achetèrent des obligations de guerre pour aider à financer les lourdes dépenses du gouvernement en temps de guerre, ainsi que pour réunir des fonds afin d’appuyer les hommes et les femmes qui allaient servir à l’étranger d’autres façons. La communauté juive du Canada se chargea de meubler les baraques récréatives des hommes dans toutes les bases militaires du Canada et de Terre Neuve, y compris en y mettant des équipements comme des tables de billard, des radios, des magazines, des stands de cigarettes et du mobilier. Sous la direction du capitaine Gurston Allen, dont la famille travaillait dans l’industrie cinématographique, le Comité de l’effort de guerre du Congrès juif canadien mit sur pied une unité cinématographique chargée de fournir des films pour les programmes d’instruction des militaires et aussi pour le divertissement. Samuel Bronfman, président de Seagram et président du Congrès juif canadien, fit don d’un yacht à la Réserve de la Marine royale canadienne pour l’instruction. Il fut baptisé NCSM Montréal ll.

Un centre de recrutement juif canadien à Montréal pendant la Seconde Guerre mondiale. Photo : les Archives juives canadiennes Alex Dworkin.

De nombreux Canadiens mettaient une touche populaire et personnelle en envoyant des colis réconforts contenant des aliments savoureux, des chaussettes chaudes, des cigarettes, des livres et d’autres gâteries pour égayer les journées des militaires loin de leur foyer. La communauté juive, encouragée par le Congrès juif canadien, veilla à ce que ses membres en uniforme reçoivent des articles supplémentaires particuliers, comme du salami casher et des brochures juives. Il est difficile de quantifier l’impact de ce genre de soutien personnel, mais William Rosenthal, un soldat montréalais de 20 ans, écrivit une note de remerciement pendant la guerre sur laquelle on peut lire : « Je, ou plutôt nous nous demandons parfois si vous réalisez tout ce que recevoir vos cadeaux représente pour nous. Recevoir du courrier de votre part, c’est comme revoir ce sceau casher encore une fois. Vos lettres et vos cadeaux nous font chaud au cœur, comme si le soleil n’avait jamais autant brillé pour nous. Vous entendre, c’est comme sentir le souffle du printemps ».

Un nombre considérable de Canadiens juifs se portèrent également volontaires pour travailler sur le front intérieur dans les industries liées à la guerre en pleine expansion. Avec un si grand nombre de jeunes hommes partis servir en uniforme, des gens de tous les milieux durent combler le grand vide laissé dans la main d’œuvre afin de produire les armes, les munitions, les navires de guerre, les avions et les autres équipements importants qui étaient nécessaires pour gagner la guerre. Norman Kendall, par exemple, participa à la construction d’avions à l’usine de Havilland à Toronto avant d’intégrer les forces aériennes et George Shnier, d’Emerson, au Manitoba, se chargea de diriger la société Gesco à Toronto, qui fournissait du caoutchouc mousse pour la fabrication de réservoirs. Il faisait sa part dans l’effort de guerre familial qui vit aussi trois de ses frères, Clifford, Norman et Jack, servir en uniforme.

Les frères Olfman en uniforme pendant la Seconde Guerre mondiale (de gauche à droite : Abraham, Jack, Solomon, Maurice et Hymie). Photo : Réseau du patrimoine juif canadien

Le saviez-vous?

De nombreuses grandes familles juives canadiennes virent plusieurs de leurs enfants s’enrôler pendant la Seconde Guerre mondiale. Nathan Feinstein et son frère cadet Sam d’Inverness, en Nouvelle Écosse, y perdirent tous deux la vie. Cinq frères de la famille Olfman de Kamsack, en Saskatchewan, servirent également. Six frères de la famille Weiss de Montréal s’enrôlèrent, tandis que six fils et une fille de la famille Hurwitz de Montréal portèrent également l’uniforme. Les Masers d’Ottawa comptaient également sept frères et sœurs qui prirent la décision de s’enrôler pendant le conflit.

Surmonter les difficultés

Le fait d’être juif – et militaire – au sein d’une société canadienne à prédominance chrétienne comportait autrefois un certain nombre de défis. Le Canada de la fin des années 1930 et des années 1940 n’était pas aussi inclusif qu’il l'est aujourd’hui. Par exemple, il existait des quotas pour les étudiants juifs dans de nombreuses universités de notre pays ainsi qu’une discrimination ouverte à l’embauche dans de nombreux domaines de travail. L’histoire tragique du MS Saint Louis, un navire transportant plus de 900 passagers juifs d’Allemagne cherchant refuge contre la persécution à laquelle ils étaient confrontés chez eux, illustre malheureusement les attitudes antisémites trop répandues au Canada de l’époque. Le navire se vit refuser l’accès à notre pays et ceux qui se trouvaient à bord furent contraints de retourner en Europe où beaucoup d’entre eux périrent dans les camps de concentration nazis.

C’est dans ce contexte plus large que de nombreux bénévoles juifs canadiens furent confrontés à l’antisémitisme officiel et non officiel après s’être présentés à leur bureau de recrutement local. Il fallut parfois beaucoup de persévérance pour porter l’uniforme et certains corps de l’armée présentaient plus d’obstacles que d’autres. Malheureusement, l’expérience du jeune Monte Halparin de Winnipeg (qui allait plus tard devenir célèbre en tant qu’animateur de jeux télévisés sous le nom de Monty Hall) n’était pas unique. Lorsqu’il essaya de s’enrôler dans le corps blindé au campus de l’Université du Manitoba, on lui fit remarquer : « Je ne crois pas qu’on prenne des Juifs ».

Au départ, l’Aviation royale canadienne avait une politique qui limitait expressément l’enrôlement aux recrues de « descendances européenne et britannique pures ». Ces lignes directrices étaient parfois utilisées afin de catégoriquement rejeter les volontaires juifs et les autres volontaires racialisés (surtout ceux n’ayant pas obtenu leurs papiers de naturalisation) avant que ces règlements discriminatoires ne soient levés en 1942. À cela s’ajoutait une forte tradition britannique et une conscience de classe au sein des forces aériennese, ce qui rendait généralement difficile l’enrôlement ou l’ascension dans les rangs de ceux qui n’étaient pas d’origine britannique. Malgré ces conditions, près de 6 000 Juifs canadiens servirent dans l’Aviation royale canadienne.

Les preuves suggèrent que la Marine royale canadienne était le corps le plus difficile à rejoindre pour les volontaires juifs; moins de 600 Juifs canadiens y furent acceptés. Au départ, des politiques de recrutement restrictives semblables à celles des forces aériennes avaient été mises en place et à cela s’ajoutèrent des liens durables avec la Royal Navy britannique et des attitudes démodées à l’égard des différentes classes sociales, ce qui rendit l’entrée dans les rangs des officiers particulièrement difficile pour les Canadiens juifs voulant assumer des rôles de leadership. De jeunes Juifs, comme Edwin Goodman et Ben Dunkelman de Toronto, furent refoulés par la marine, bien qu’ils aient été d’excellents candidats potentiels. D’ailleurs, Ben Dunkelman, ancien élève du prestigieux Upper Canada College et héritier de la riche famille propriétaire de Tip Top Tailors, était un marin de plaisance et possédait son propre yacht sur la baie Georgienne, mais même cette expérience antérieure ne lui permit pas de vaincre la discrimination du bureau de recrutement de la marine.

D’ailleurs, Ben Dunkelman, ancien élève du prestigieux Upper Canada College et héritier de la riche famille propriétaire de Tip Top Tailors, était un marin de plaisance et possédait son propre yacht sur la baie Georgienne, mais même cette expérience antérieure ne lui permit pas de vaincre la discrimination du bureau de recrutement de la marine.

L’Armée canadienne, elle, présenta le moins d’obstacles formels aux jeunes Juifs et Juives désirant se porter volontaires ou à ceux et celles appelés à servir leur pays en uniforme. Cela dit, même après avoir surmonté les embûches potentielles pour s’enrôler avec succès dans n’importe quel corps de l’armée, les Juifs rencontrèrent souvent des attitudes antisémites chez certains de leurs collègues de l’armée. Parfois, des insultes, des disputes et même des bagarres physiques éclataient après que des propos haineux ont été prononcés et que certains Juifs durent se défendre. Il faut noter, cependant, que les vétérans juifs ont fait remarquer que, malgré les préjugés qu’ils ont subis pendant qu’ils portaient l’uniforme, ils venaient rarement de ceux avec qui ils servaient directement. Le stress du champ de bataille ou le fait d’être dans un bombardier à des milliers de mètres au dessus du territoire ennemi avait une façon de rassembler même les groupes d’hommes les plus divers et de faire disparaître les différences perçues.

Les militaires juifs ressentirent d’autres fardeaux subtils et moins subtils lorsqu’il s’agissait d’observer leur foi religieuse personnelle. Bien qu’il y ait finalement eu 16 rabbins parmi les aumôniers de l’Armée canadienne, les services religieux hebdomadaires catholiques et protestants du dimanche étaient les seules options dans de nombreuses bases et parfois, les Juifs subissaient aussi des pressions de la part de leurs supérieurs pour y assister ou étaient punis pour avoir refusé d’y assister. L’obtention d’un congé pour les principales fêtes juives ou pour célébrer d’une autre façon ces événements spéciaux constituait un autre défi au début de la guerre, mais en 1943, des permissions spéciales étaient souvent accordées pour permettre aux militaires juifs de bien les observer, soit sur la base, soit dans les synagogues voisines.

Dans la mesure du possible, les aumôniers et les militaires juifs organisaient des funérailles respectant la religion des personnes décédées. Les pierres tombales des Juifs militaires étaient marquées différemment de celles de leurs camarades non-juifs dans les cimetières au pays et à l’étranger. Qu’il s’agisse de tombes individuelles de Canadiens juifs enterrés dans des endroits éloignés comme le Ghana et le Soudan, ou de petits groupes rassemblés dans de vastes cimetières de guerre canadiens comme Bény sur Mer près de Juno Beach et Cassino en Italie, la plupart de celles ci étaient gravées avec l’étoile de David (bien que plusieurs hommes juifs aient été enterrés sous une croix par erreur). De plus, les pierres tombales comportaient typiquement un passage hébraïque au bas, signifiant : « Que leurs âmes entrent à tout jamais dans la vie éternelle ».

Un autre défi plus logistique auquel les membres du service juif devaient faire face était d’essayer de suivre un régime casher. En effet, de nombreux vétérans juifs de la Seconde Guerre mondiale ont parlé des choix difficiles que cela impliquait. Bien que l’Armée n’eut pas fait grand-chose pour accommoder ces restrictions alimentaires, la communauté juive canadienne compléta leurs ravitaillements en envoyant des paniers de nourriture occasionnels et des repas faits maison dans les synagogues. De Vancouver à Halifax, les communautés juives locales avaient également à leur charge des clubs ou des cantines pour les militaires juifs où ceux ci pouvaient se procurer un repas casher, et où les aumôniers juifs distribuaient de la nourriture comme du matzah (pain sans levain) aux troupes du front, surtout pendant les fêtes religieuses comme Pessah. Alors que de nombreux Juifs évitaient du mieux qu’ils le pouvaient les offrandes non casher, certains en venaient à accepter la dure réalité qu’ils devaient enfreindre les règles ou souffrir de famine dans une armée où le porc était fréquemment au menu.

Ben Dunkelman (à gauche) à Toronto pendant la guerre. Photo : Archives juives de l’Ontario

L’expérience militaire plus large des militaires juifs reflétait en grande partie celle de leurs camarades non juifs, mais les croyances tordues de l’ennemi qu’ils combattaient signifiaient qu’ils avaient un fardeau supplémentaire à prendre en considération – que se passerait il s’ils étaient capturés?

L’ampleur de la politique odieuse de l’Allemagne nazie contre les Juifs était bien connue lors du débarquement des Alliés en Normandie, et les Canadiens de cette confession étaient, à juste titre, très inquiets du traitement qu’ils subiraient s’ils étaient faits prisonniers de guerre. Naturellement, certaines recrues choisirent de ne pas indiquer qu’elles étaient juives pendant le processus d’enrôlement afin qu’il soit plus difficile pour les ravisseurs potentiels de connaître leurs racines. D’autres décidèrent de changer leur nom, comme George Holidenke de Montréal qui s’enrôla sous le nom de George Holden, tandis que d’autres, comme Saul Shusterman de Toronto, jetèrent carrément leur plaque d’identité (communément appelée médaille d’identité) indiquant leur religion avant leur capture.

Il ne s’agissait là non pas d’une situation hypothétique; on estime que 85 militaires juifs canadiens furent faits prisonniers de guerre pendant le conflit. Ils faisaient souvent de leur mieux pour garder leur religion secrète, mais certains, dans un acte de fierté et de défi, en informaient même directement les gardes de leur camp. Parfois, leurs compagnons de guerre non juifs intervenaient pour empêcher leurs compagnons de couchette juifs d’être séparés et d’être potentiellement envoyés dans des camps de concentration.

Service dans l’armée

L’Armée canadienne était le plus important corps de l’armée de notre pays pendant la Seconde Guerre mondiale et, comme on pouvait s’y attendre, la plupart des Canadiens juifs qui servirent dans le conflit faisaient partie des quelque 700 000 hommes et femmes qui la composaient. On estime à 10 250 le nombre de soldats juifs qui servirent dans une grande variété de rôles et qui prirent part à tous les grands engagements auxquels les troupes canadiennes ont participé.

David et Leo Heaps et leur père, A.A. Heaps, un député. Photo : Archives juives de l’Ontario.

De nombreux hommes juifs, comme Murray Bleeman originaire de Toronto, Jack Faibish originaire de Markinch (Saskatchewan), et Max Berger originaire de Sarnia (Ontario) – jeunes et désireux de faire leur part pour aider à vaincre le régime allemand – s’enrôlèrent e dans l’Armée canadienne en pleine expansion pendant les premières phases de la guerre. Certains volontaires juifs, dont les Torontois Barney Danson (disponible en anglais) et Ben Dunkelman (disponible en anglais), se retrouvèrent rapidement parmi les troupes canadiennes stationnées au Royaume Uni pour aider à défendre l’île contre l’invasion, laquelle représentait une menace très réelle en 1940, après que l’Europe occidentale eut été en grande partie conquise par les armées allemandes.

À l’automne 1941, le Canada envoya près de 2 000 soldats à Hong Kong pour aider à défendre la colonie britannique en Extrême Orient. Ce fut l’un des chapitres les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale pour notre pays. Les troupes japonaises envahirent l’île le 8 décembre 1941 et des soldats juifs, comme William Allister (disponible en anglais) de Montréal, Hymie Greenberg de Spedden, en Alberta, ainsi que David Golden (disponible en anglais) de Winnipeg, firent partie des Canadiens qui luttèrent courageusement deux semaines et demie contre un ennemi beaucoup plus nombreux et aguerri avant de finalement devoir se rendre le 25 décembre. Quelque 290 Canadiens, dont Hymie Greenberg, furent tués au combat et les autres, dont William Allister et David Golden, passèrent plus de trois ans et demi dans de durs camps de prisonniers de guerre japonais; une épreuve qui coûta la vie à 260 autres Canadiens avant la fin de la guerre et avant que ces prisonniers ne soient libérés.

La prochaine grande opération de l’Armée de terre canadienne allait aussi avoir des conséquences dévastatrices. Le 19 août 1942, près de 5 000 Canadiens débarquèrent en France occupée sur les plages autour de Dieppe, la ville côtière française. Des soldats juifs, comme David Hart (disponible en anglais) de Montréal, Maxwell London (disponible en anglais) de Toronto et Maurice Waldman (disponible en anglais) d’Assiniboia, en Saskatchewan, participèrent à la bataille. Prévu comme un raid pour tester les défenses allemandes, acquérir de l’expérience dans le montage de débarquements amphibies et recueillir des renseignements sur les communications ennemies, cette bataille se termina en catastrophe lorsque les défenseurs allemands firent payer un lourd tribut aux troupes alliées dès leur débarquement. En fin de compte, 916 Canadiens perdirent la vie lors du raid sur Dieppe et quelque 1 950 autres, dont Maxwell London et Maxwell Waldman, furent capturés et passèrent le reste de la guerre dans des camps de prisonniers de guerre allemands.


Monuments commémoratifs aux Juifs canadiens

Page principale sur les monuments commémoratifs
  • Montréal (Québec) Canada

    Monument commémoratif du cimetière Baron de Hirsch

    Situé dans le champ du Souvenir des vétérans du cimetière, il s’agit du plus gros monument canadien commémorant le service militaire de la communauté juive du Canada.

  • Calgary (Alberta) Canada

    Monument commémoratifs des militaires juifs de Calgary

    Ce monument commémoratif, érigé par la filiale de Calgary de l’Association des anciens combattants Juifs du Canada en 1977, est dédié aux militaires juifs de Calgary qui sont morts au combat au cours des deux grandes guerres mondiales.

  • Toronto (Ontario) Canada

    Parc commémoratif des anciens combattants juifs canadiens

    De la forme d’un obus d’artillerie divisé en quatre, le monument commémoratif des anciens combattants juifs est un lieu où les familles juives peuvent rendre hommage aux amis et aux membres de la famille qui sont tombés au combat et qui n’ont pas de stèle funéraire.

  • Winnipeg (Manitoba) Canada

    Cénotaphe de Hebrew Sick

    Ce monument commémoratif a été érigé à la mémoire des Canadiens, en particulier les juifs canadiens, tués au cours des deux grandes guerres mondiales.

  • Calgary (Alberta) Canada

    Plaque juive du Musée des régiments

    Ce mémorial, érigé par les militaires juifs de la localité, rend hommage à leurs concitoyens juifs tués pendant les deux grandes guerres mondiales.

  • North York (Ontario) Canada

    Monument commémoratif des anciens combattants juifs du Canada

    Ce monument rend hommage aux Juifs qui ont péri et qui ont servi dans les Forces canadiennes pendant les deux grandes guerres mondiales, pendant la guerre de Corée, et lors de toutes les missions de maintien de la paix et du conflit en Afghanistan.

  • Windsor (Ontario) Canada

    Monument Shaar Hashomayim

    Érigé par la filiale 352 de la Légion royale canadienne, ce monument commémoratif a été dédié, le 4 octobre 1970, aux Juifs de la région morts durant les deux grandes guerres mondiales.

  • Winnipeg (Manitoba) Canada

    Cénotaphe de Shaarey Zedek

    Le cénotaphe de Shaarey Zedek a été dévoilé le 11 septembre 1949 et a été érigé par la filiale du général Monash de la Légion royale canadienne avec l’aide du Congrès juif canadien.

  • New Westminster (Colombie-Britannique) Canada

    Monument de guerre au cimetière Schara Tzedeck

    Ce mémorial, inauguré le 4 novembre 1990, rend hommage à tous ceux qui ont servi au sein des Forces armées canadiennes.

  • Montréal (Québec) Canada

    Monument de guerre de la United Jewish Appeal Federation

    Ce monument de granite noir porte une inscription en anglais, en français et en hébreu, les symboles de l’Armée canadienne, de la Marine royale canadienne et de l’Aviation royale canadienne ainsi que deux étoiles de David.


L’Armée canadienne tira de précieuses leçons de ces premiers revers, et cette expérience durement acquise commença à porter fruit lorsque nos soldats passèrent à l’action pour la première fois dans le cadre d’une campagne à grande échelle en Europe. En juillet 1943, nos troupes faisaient partie de la force d’invasion alliée qui débarqua en Sicile, une île au sein de la Méditerranée. Il s’agissait du coup d’envoi de ce qui allait s’avérer être 20 mois d’efforts canadiens dans la campagne d’Italie. Des soldats juifs, comme Sam Sheps de Winnipeg, Carl Fried de Glace Bay (Nouvelle Écosse), et David Devor de Toronto, affrontèrent des défenseurs allemands aguerris dans des environnements exigeants parsemés de plaines chaudes et poussiéreuses, en passant par des montagnes enneigées et accidentées, sillonnées par des vallées de rivières et où toute progression se faisait au prix d’une lutte constante et mortelle.

Sam Barry Sheps – Photo soumise par Operation Picture Me.

Pierre tombale du capitaine Sam Sheps au cimetière de guerre à Gradara (Italie). Photo soumise.

Laes contributions des militaires juifs en Italie auraient pu avoir des conséquences importantes. Mitch Sterlin de Montréal mena une résistance canadienne héroïque près d’Ortona et un bâtiment fut d’ailleurs baptisé en son honneur : le château Sterlin. Une peinture de lui et du « château » qu’il aida à défendre est exposée au Musée canadien de la guerre. Sam Boroditsky, de Winnipeg, était infirmier au sein de l’équipe de commando interarmées d’élite canado-américaine appelée Première Force de Service spécial ou mieux connue sous le nom de « Brigade des diables ». Il prit part à l’un des épisodes les plus dramatiques de la guerre lorsque son unité s’empara de Monte la Difensa, une position défensive clé située au sommet d’une montagne allemande du sud est de Rome, au cours de combats intenses au mois de décembre 1943.

Photo de Mitchell Sterlin – Tirée du West Hill High School Annual 1944 (Montréal). Photo fournie par l’Université McGill.

Pierre tombale de Mitchell Sterlin

L’un des chapitres les plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale eut lieu le 6 juin 1944, date que l’on baptisera plus tard le jour J. Quelque 14 000 soldats canadiens débarquèrent à Juno Beach, en France, dont Fred « Guts » Harris, de Toronto, qui fut le premier à débarquer de sa péniche de débarquement à Bernières sur Mer et qui fut immédiatement abattu par les tirs allemands. Le jour J ne fut que le coup d’envoi de la dure bataille de Normandie, laquelle opposait les attaquants alliés tentant d’étendre leur tête de plage en France occupée aux défenseurs allemands déterminés tentant de repousser à la mer les forces alliées.

Joe Gertel originaire de Montréal, Jack Marshall, originaire de Glace Bay (Nouvelle Écosse), et Abram « Moe » Arbour, originaire de Narcisse (Manitoba), comptent parmi les soldats canadiens qui participèrent à la libération de la France à la fin du printemps et à l’été 1944. Dick Steele de Toronto (né Moishe Kosowatsky à Montréal) était un dirigeant syndical qui se porta volontaire pour devenir membre d’un équipage de chars d’assaut canadiens, lequel dut faire face à de violents combats pour fermer la brèche de Falaise au mois d’août 1944 pendant les dernières phases du conflit en Normandie. Les Alliés triomphèrent dans la libération de la France, mais Dick Steele ne vécut pas assez longtemps pour voir cette victoire, car il fut tué lorsque son char fut touché par un tir allemand le 17 août 1944.

La bataille de l’Escaut fut la prochaine grande bataille de l’Armée canadienne dans le nord ouest de l’Europe. Cette lutte sanglante, l’une des plus âpres de toute la guerre, fit rage en Belgique et aux Pays Bas à l’automne 1944. Le principal port belge d’Anvers avait été capturé intact par les forces alliées et cette installation maritime serait absolument nécessaire pour décharger les nombreux approvisionnements dont les Alliés auraient besoin afin de vaincre les forces allemandes. Le problème était que l’ennemi contrôlait toujours les rives de l’estuaire de l’Escaut, situé entre Anvers et la haute mer. Nos troupes, composées de soldats juifs comme Samuel Moïse « Moe » Hurwitz de Lachine, Québec (un joueur de hockey d’élite), étaient chargées de repousser les forces allemandes de l’Escaut. Il fallut des semaines de durs combats dans un paysage plat sillonné de canaux, de digues et de basses terres inondées pour que nos troupes puissent mener à bien cette importante mission. Le sergent Hurwitz fut tué par balle après être sorti de son char endommagé dans l’Escaut à la fin octobre 1944.

Les Pays Bas et l’Allemagne furent le théâtre des dernières batailles des soldats canadiens en temps de guerre sur le sol européen à l’hiver et au printemps 1945. La bataille de la Rhénanie vit les forces canadiennes s’engager dans l’Allemagne de l’Ouest au cours d’une série d’opérations qui débutèrent à la fin de février, et la campagne de libération des Pays Bas battait son plein en avril. C’était le point culminant du conflit pour les forces canadiennes alors que nos troupes libéraient les villes néerlandaises les unes après les autres dans ce pays en proie à de longues souffrances et lequel avait été occupé par les forces allemandes pendant presque cinq ans. Bien que la guerre ait fait des ravages sur nos soldats jusqu’à la fin, les vétérans juifs, comme Gerald Levenston (disponible en anglais) de Toronto, parlèrent du soulagement et de la satisfaction qui accompagnèrent la reddition des Allemands. Le lieutenant colonel Levenston se vit confier la tâche de représenter le Canada lors d’une cérémonie de reddition le 5 mai 1945. Il eut également l’occasion d’instruire sèchement les troupes allemandes vaincues dans sa région sur « ce qu’elles pouvaient et ne pouvaient pas faire ».

Soldats canadiens célébrant un repas du Seder de la Pâque en Belgique au mois de mars 1945. Photo : Bibliothèque et Archives Canada PA-174319.

Le saviez-vous?

Les Juifs ont occupé une grande variété de postes dans l’armée canadienne, certains d’entre eux n’étant pas ce à quoi on pouvait s’attendre d’un soldat en uniforme. Johnny Wayne et Frank Shuster, deux jeunes humoristes juifs de Toronto, s’enrôlèrent en 1941 et s’amusèrent à divertir les troupes à la fois dans le « Canadian Army Radio Show » diffusé de Montréal et dans des émissions de variétés en direct au Canada et au Royaume Uni. Après le débarquement des Alliés en Normandie en 1944, ils furent rapidement envoyés en tournée dans le nord ouest de l’Europe avec leur spectacle judicieusement baptisé « Invasion Review » où ils cherchaient à amuser des troupes fatiguées désireuses de se libérer du stress du front.

Le sergent Johnny Wayne et le sergent Frank Shuster, deux comédiens juifs de Toronto qui se sont enrôlés dans l’Armée canadienne, enregistrent une émission radiophonique de la SRC au mois de janvier 1944. Photo : Bibliothèque et Archives Canada PA-152118.

Service dans les forces aériennes

Bien que l’Aviation royale canadienne ait d’abord eu des politiques de recrutement qui comprenaient des éléments ethniques et de citoyenneté restrictifs, surtout pour les officiers, un nombre impressionnant de Canadiens juifs devinrent aviateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En fait, près de 5 900 Juifs s’enrôlèrent finalement dans la Force aérienne, soit 2,6 pour cent de l’enrôlement total de ce corps à une époque où les Juifs ne constituaient que 1,5 pour cent de la population totale du Canada. Le devoir qu’ils avaient si résolument cherché à accomplir pouvait cependant être particulièrement dangereux. Environ 250 Juifs comptaient parmi les quelque 18 000 membres de l’Aviation royale canadienne qui perdirent la vie pendant le conflit.

Les aviateurs juifs canadiens participèrent aux opérations dans tous les grands théâtres de la guerre aérienne, mais beaucoup, comme Dave Waterman (disponible en anglais) de Calgary et Meyer Greenstein de Toronto, firent partie du Bomber Command. Opérant à partir de bases situées à l’est de l’Angleterre, les équipages d’avions effectuaient des bombardements périlleux au-dessus de l’Allemagne et de l’Europe occupée, cherchant à détruire des cibles telles que des usines et des ponts. Effectuant souvent des raids nocturnes à bord de gros avions de guerre quadrimoteurs, comme les bombardiers Halifax et Lancaster, ils traversaient bravement les barrages d’artillerie antiaérienne allemande et les tirs meurtriers des avions de combat ennemis. Les faibles chances de survie en faisaient l’un des postes les plus dangereux qu’un militaire pouvait assumer pendant la guerre, et 42 pour cent de ceux qui servaient dans le Bomber Command ne survécurent pas à leur période de service… ce qui donne à réfléchir. Michael Jacobs, de Montréal, qui effectua sa période de service en réalisant plus de 30 frappes aériennes au dessus de l’Europe avant de perdre la vie dans un accident d’entraînement en Angleterre en février 1943, parlait sans doute pour bien d’autres soldats lorsqu’il écrivit à sa femme Sue : « Mon Dieu, parfois j’ai peur dans ces avions ».

Les aviateurs juifs avaient en effet fait bien plus que leur part dans ce poste difficile. Certains, comme le pilote Clifford Shnier originaire du Manitoba, faisaient partie des équipages « Pathfinder » qui ouvraient la voie lors des missions nocturnes du Bomber Command. Ces hommes naviguaient au-dessus de milliers de kilomètres carrés de campagne assombrie afin de trouver leurs cibles en contrebas pour la principale force de bombardiers qui suivait. Albert Garshowitz (disponible en anglais), de Hamilton, en Ontario, faisait partie des équipages sélectionnés pour participer aux missions de bombardement très importantes, mais exceptionnellement dangereuses des « Briseurs de barrages » en mai 1943; ces missions consistaient à endommager les barrages allemands dans la vallée de la Ruhr afin de causer des dégâts importants et de couper l’alimentation électrique de l’industrie lourde de guerre qui y opérait.

Des membres juifs de la Force aérienne servirent au sein d’équipages d’avions bombardiers. Il est toutefois intéressant de noter que de nombreux Juifs devinrent navigateurs ou observateurs aériens. Ceux qui avaient obtenu de bonnes notes en sciences à l’école secondaire ou à l’université – une cohorte comprenant de nombreuses recrues juives – étaient souvent dirigés vers ces métiers spécialisés qui s’appuyaient beaucoup sur les mathématiques. Leon Kagna (disponible en anglais), d’Edmonton, Nathan Issacs, de Toronto, et Ray Silver (disponible en anglais), de Windsor, en Ontario, occupèrent tous ces types de rôles au Bomber Command.

Les aviateurs juifs servirent aussi en dehors du Bomber Command. Certains, comme Bill Zelikovitz, d’Ottawa, et Nathan Berger, de Montréal, volèrent à bord d’avions de transport Dakota servant à larguer des parachutistes alliés en France occupée à l’aube du jour J. D’autres membres d’équipage des Dakota canadiens, dont Norman Cohen (disponible en anglais) de Toronto, servaient à l’autre bout du monde au sein d’escadrons de transport de l’Aviation royale canadienne en Birmanie, menant des opérations contre les forces japonaises en Asie du Sud Est. Des aviateurs, comme Tim Pervin de Montréal et Lawrence « Duke » Abelson d’Ottawa, volaient également avec des escadrons de chasseurs pour combattre les avions de chasse ennemis afin d’obtenir le contrôle aérien.

Carte d’identité de Nathan Louis Berger

Le commandement de l'aviation côtière, qui a vu des avions de guerre alliés frapper des cibles ennemies en mer, est un autre domaine dans lequel les aviateurs canadiens ont servi. Les aviateurs Alfred Brenner de Toronto et Sydney Shulemson (disponible en anglais) de Montréal, hautement décorés, patrouillaient le ciel au large des côtes de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, afin d’attaquer les navires, les avions de guerre et la marine marchande allemands. La bataille de l’Atlantique fut au cœur de la Seconde Guerre mondiale, et le commandement de l’aviation côtière y joua un rôle important pour aider les Alliés à prendre le contrôle des mers.

Dans le cadre du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique plus de 132 000 recrues des forces aériennes des pays du Commonwealth du monde entier s’entraînèrent au Canada, loin du ciel dangereux du territoire tenu par l’ennemi. Alors que la plupart des aviateurs juifs voulaient faire partie d’un équipage d’avions, ceux qui étaient rejetés pour des raisons médicales (comme une mauvaise vue), y compris Leo Guttman de Montréal, se retrouvèrent à assumer des rôles importants comme celui de mécanicien dans les bases du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique. En raison d’une blessure à l’œil subie dans sa carrière de hockeyeur avant la guerre, Mitch Pechet (disponible en anglais) de Cupar, en Saskatchewan, servit d’instructeur de vol pour former les jeunes aviateurs qui allaient combattre l’ennemi. Il joua également pour les équipes de hockey de l’Aviation royale canadienne. Certains aviateurs juifs, comme Maurice Lipton de Sydney, en Nouvelle Écosse, occupèrent également des postes clés de direction. Après avoir gravi les échelons pour commander un escadron de chasseurs de nuit en Écosse, Maurice Lipton revint au Canada pour diriger tout l’entraînement aérien qui eut lieu dans notre pays au cours des dernières phases de la guerre. À la fin de la guerre, il reçut la prestigieuse Croix de l’Aviation.

Un des Havilland Tiger Moth. Unité de photographie des Forces canadiennes PL-3581.

Le Royal Air Force Ferry Command attira également des aviateurs juifs comme Sam Donen de Winnipeg. Des équipages du Royal Air Force Ferry Command pilotaient des bombardiers nouvellement construits de l’Amérique du Nord vers l’Europe, où ils pouvaient être utilisés dans la lutte contre les Allemands. Ces avions survolaient l’Atlantique Nord ou une route plus au sud, mais toujours au dessus d’eaux isolées où les marges d’erreur étaient minces. Certains membres d’équipage perdirent d’ailleurs la vie en raison de conditions météorologiques difficiles ou de problèmes mécaniques au cours de ces voyages dangereux et sur de longues distances.

Pendant tout ce temps, le personnel au sol s’occupait des tâches importantes qui permettaient aux avions de rester en l’air. Sans des hommes comme Israel YamronIsrael Yamron (disponible en anglais) de Winnipeg, stationné sur l’île de Vancouver, qui aida à l’entretien d’hydravions militaires, les opérations des forces aériennes auraient été interrompues. D’innombrables Juifs jouèrent également d’autres rôles de soutien, notamment Melville Neuman de Regina, qui entretenait des émetteurs radio au Cap Breton, en Nouvelle Écosse, et Rose Goodman de New Glasgow, en Nouvelle Écosse, qui œuvrait à titre d’officière de la Division féminine de l’Aviation royale canadienne. Elle servait comme adjudante au sein d’une base aérienne à Claresholm, en Alberta.

Il fallait en effet beaucoup de courage pour parcourir le ciel face à tant de dangers, mais les aviateurs juifs relevèrent non seulement ces défis, ils y excellèrent. Certains d’entre eux, comme Bill Novick (disponible en anglais) et Sydney Shulemson de Montréal, Melville Isenberg (disponible en anglais) de Toronto et Harry Knobovitch de Montréal, reçurent la Croix du service distingué dans l’Aviation, une décoration « ...décernée aux officiers et adjudants pour un ou plusieurs actes de vaillance, de courage ou de dévouement au devoir accompli pendant des opérations aériennes actives contre l’ennemi ». Joe Bodnoff, mitrailleur aérien d’Ottawa, reçut la Médaille de l’Aviation pour avoir aidé à couler le sous marin allemand U 1244 au mois de juin 1944 et pour ses actions immédiatement après. Lorsqu’après avoir été abattu, son Canso s’écrasa en mer à la suite de la contre attaque du sous marin, il essaya de maintenir ses compagnons d’équipage en vie dans un canot pneumatique dans la mer du Nord glaciale au large des côtes de la Norvège. Lorsque les hommes furent finalement repêchés 21 heures plus tard, trois des huit hommes, dont le pilote David Hornell étaient morts de froid. Hornell reçut par la suite la première Croix de Victoria décernée à un membre de l’Aviation royale canadienne.

Davy Conter de la Nouvelle-Écosse (au centre) pose avec son équipage de bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale. Photo gracieuseté du Dr Howard Conter

Le saviez vous?

L’entraînement au vol pendant la Seconde Guerre mondiale se déroulait peut être loin de la menace d’une action ennemie, mais il était tout de même très dangereux pour nos aviateurs. En effet, quelque 460 recrues canadiennes perdirent la vie dans des accidents d’avion qui se produisaient dans les bases du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique partout au pays. Au moins 20 Juifs faisaient partie de ces malheureux, dont Norman Kendall de Toronto, qui perdit la vie en juin 1942 lorsque son avion s’écrasa dans une grange du sud ouest de l’Ontario.

Service dans la marine

Environ 100 000 hommes et femmes servirent dans la Marine royale canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Moins de 600 d’entre eux étaient membres de la communauté juive, soit moins de 0,6 pour cent de l’effectif total de la marine. La marine s’avéra être le corps de l’Armée canadienne dans lequel les Juifs ont le moins souvent servi, ce qui reflétait les politiques officielles et officieuses de l’époque qui avaient tendance à décourager le recrutement de personnes d’origine non britannique. Très souvent, un marin juif se trouvait être le seul juif à bord de son navire de guerre.

Ceux qui persévérèrent pour s’enrôler dans la marine eurent droit à des services variés. Beaucoup, comme Gerald Rosenberg de Hamilton et Israël « Ichy » Glassman de Montréal, naviguèrent à bord de navires de guerre de la Marine royale canadienne, assurant la tâche difficile d’escorte des convois marchands de l’Atlantique Nord entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Le service dans la bataille de l’Atlantique pouvait être extrêmement dangereux car les sous marins allemands (connus sous le nom de U boot) étaient constamment à la recherche de navires alliés à couler afin d’interrompre l’apport vital d’hommes et de ravitaillement à travers l’océan vers la Grande Bretagne. Certains marins juifs, comme le frère de Moe Hurwitz, Harry Hurwitz de Montréal, servirent également sur le très périlleux passage de Mourmansk, lequel voyait des navires de guerre escorter des convois de navires de transport vers les ports glacials de l’Arctique soviétique afin d’aider notre allié enfermé dans un combat à mort sur le front de l’Est.

Même lorsque les U boot n’étaient pas sur les lieux, les marins ne pouvaient jamais baisser leur garde sur un océan Atlantique instable. Les mers étaient souvent agitées, surtout l’hiver, et malmenaient les corvettes relativement petites qui constituaient la plus grande partie de la flotte de la Marine royale canadienne. Le brouillard épais aggravait les risques, et les collisions avec les autres navires dans leurs convois constituaient un danger constant. Lorsque les navires coulaient, les enjeux étaient considérables; l’Atlantique pouvait être si glacial que la mort due au froid survenait en quelques minutes pour tout marin malheureux se retrouvant plongé dans l’eau.

Quelques U-boot allemands, y compris le U 130, qui se trouve au large de la côte de la Nouvelle Écosse sur cette photo, se sont rendus à la MRC après la fin de la guerre, en mai 1945. Photo : LAC PA-171391

Alex Polowin d’Ottawa se souvient avoir servi à bord du destroyer NCSM Huron pendant une attaque contre des navires allemands lancée par une demi douzaine de navires de guerre canadiens et britanniques dans la Manche au mois d’avril 1944. Un torpilleur allemand fut coulé et deux autres endommagés. Pourtant, sur le chemin du retour au port en Angleterre, le Huron fut accidentellement percuté par le NSM Ashantide de la Royal Navy. Le destroyer endommagé réussit cependant à retourner en toute sécurité à Plymouth pour y être réparé, et celui ci retourna au combat pour le jour J.

Le fait d’être coulé par un sous-marin allemand pouvait également avoir d’autres conséquences dangereuses. Harry Hurwitz survécut au naufrage du NCSM Athabaskan lorsque le destroyer canadien fut torpillé au large des côtes françaises le 29 avril 1944. Il fut fait prisonnier par les Allemands, mais pas avant d’avoir jeté son collier avec l’étoile de David et son portefeuille contenant des prières juives. Il passa le reste du conflit en captivité comme prisonnier de guerre, mais il réussit à cacher son identité religieuse aux gardes. Il participa à diverses activités de résistance des prisonniers alliés dans son camp, y compris en mettant subrepticement de la terre dans le café des officiers allemands.

Le NCSM Athabaskan durant la Seconde Guerre mondiale. Photo : Musée impérial de la guerre A-22987.

Quelques marins juifs participèrent à d’autres tâches en mer pendant la guerre. Celles ci incluaient notamment les opérations navales qui eurent lieu aux alentours du jour J, soit le 6 juin 1944. Par exemple, une massive flotte alliée emmena des soldats sur les plages de Normandie, en France, alors que la libération de l’Europe occidentale avait finalement commencé. Les navires canadiens, avec des membres d’équipage juifs comme Maurice Novak de Montréal, jouèrent des rôles intéressants, comme celui d’escorter les remorqueurs alliés tirant les grands éléments préfabriqués du port artificiel « Mulberry » à travers la Manche après le débarquement du jour J.

On compte parmi les marins juifs canadiens décorés pour leur courageux service, l’officier marinier Irv Kaplan (disponible en anglais) de Montréal, lequel fut cité à l’ordre du jour pour ses efforts lorsque le NCSM Valleyfield coula au sud de Terre Neuve en mai 1944. Il fut de nouveau cité à l’ordre du jour lorsque son nouveau navire, le NCSM Assiniboine, coula trois chalutiers armés allemands au large des côtes françaises en août 1944. L’officier marinier Max Abramson de Calgary est un autre marin juif canadien décoré. Il fut cité à l’ordre du jour pour avoir aidé le NCSM St Croix à couler un sous marin allemand dans l’Atlantique en juillet 1942.

Les dangers du service en mer persistèrent jusqu’à la fin de la guerre en Europe, et les marins juifs se retrouvèrent au cœur de l’action jusqu’à la fin. Ralph Zbarsky, de Saskatoon, était membre d’équipage à bord du NCSM Esquimalt lorsque le dragueur de mines fut torpillé par un sous-marin près du port d’Halifax le 16 avril 1945. Tragiquement, Zbarsky mourut de froid après avoir passé des heures dans les eaux glaciales printanières de l’Atlantique, victime du naufrage du dernier navire de guerre de la Marine royale canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Photo de Ralph Zbarsky. Cet extrait est gracieusement fourni par les Archives juives canadiennes Alex Dworkin, qui détiennent le droit d’auteur de ce volume. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec les Archives nationales du Congrès juif canadien.

Même s’ils étaient parfois considérés membres d’un service inférieur, les marins juifs canadiens participèrent aussi à la bataille de l’Atlantique aux côtés de la marine marchande, la flotte des navires de transport alliés transportant le matériel de guerre essentiel de l’Amérique du Nord à l’Europe. Même si bon nombre de ses membres étaient trop jeunes, trop âgés ou inadmissibles au service militaire, le fait d’être un marin de la marine marchande était l’une des façons les plus dangereuses pour une personne de servir pendant la Seconde Guerre mondiale, car ses navires étaient les cibles privilégiées des Allemands. Plus de 90 marins juifs, dont John Lazarus de Montréal et Somer James de Toronto (qui se vit mériter des décorations pour ses actes de bravoure lorsque le port italien où son navire était amarré fut attaqué par l’ennemi en 1943), servirent en tant que marins marchands pendant la Seconde Guerre mondiale. Au moins 19 de ces hommes perdirent la vie.

Le saviez-vous?

Lorsque l’action devenait intense pendant la guerre, les Canadiens juifs, comme la plupart des militaires, entonnaient souvent avec ferveur leurs prières. Lorsque sa frégate attaqua un sous marin ennemi en novembre 1944, Ed Rasky de Toronto, préposé à l’infirmerie à bord du NCSM Antigonish pendant la traversée de l’Atlantique Nord, courut à son poste de combat et récita le Shema (disponible en anglais) (une prière juive traditionnelle généralement dite en temps de grand péril) au moment où les grenades sous marines de son navire de guerre étaient lancées sur la cible.

Médailles

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Victoire, sacrifice et héritage

La Seconde Guerre mondiale prit fin en Europe le 8 mai 1945 (jour de la Victoire en Europe), tandis que le jour de la Victoire sur le Japon eut lieu quelque trois mois plus tard, soit le 15 août 1945. Ce conflit sanglant coûta la vie à des dizaines de millions de personnes, dont plus de 45 000 Canadiens en uniforme. Près de 450 Canadiens juifs perdirent la vie dans l’effort pour vaincre les forces de la tyrannie qui avaient envahi et occupé une grande partie de l’Europe et de l’Asie de l’Est.

Michael « Moe » Resin s’entretient avec des prisonniers à Bergen Belsen après la libération du camp en 1945. Photo : musée de l’holocauste de Los Angeles

Certains Canadiens juifs durent vivre un chapitre extrêmement difficile de leur service militaire alors que les combats en Europe touchaient à leur fin. De l’Italie et de la France à la Belgique, aux Pays Bas et à l’Allemagne, les aumôniers et militaires juifs du Canada aidèrent les survivants de l’Holocauste lors de leur libération après des années de dures persécutions, à réunir les familles brisées et à restaurer des synagogues profanées. Jack Marcovitch de Montréal, par exemple, contribua à l’arrestation de Josef Kramer, le célèbre commandant du camp de Bergen-Belsen, également connu sous le nom de Bête de Belsen, au mois d’avril 1945. Il aida également à libérer le camp de concentration de Vught en Hollande et y trouva un livre de prières appartenant à une famille juive hollandaise assassinée qu’il préserva avec respect pour le reste de sa vie. Comme le raconta plus tard son fils Don, le désir de son père de préserver cet héritage parmi tout ce qui avait été laissé derrière par les Juifs persécutés des Pays Bas se résumait au fait qu’il « n’avait pas pu les prendre tous ». D’autres hommes, comme Michael « Moe » Resin, un photographe servant dans l’Aviation royale canadienne en reconnaissance, offrirent des chocolats et des bonbons à des survivantes à Bergen Belsen. Il les aida également à écrire à des proches dans le monde entier. Sol Goldberg (disponible en anglais) de Hamilton puisa dans l’important stock de fournitures de l’armée pour aider les civils juifs locaux désespérés, avec l’encouragement tacite de son commandant.

L’histoire des Juifs qui aidèrent les Alliés à gagner la guerre est une histoire fière. En fin de compte, au moins 10 pour cent de la communauté juive du Canada, dont 39 pour cent de tous les hommes admissibles, portèrent l’uniforme. La conclusion du conflit ne représente cependant pas la fin de leur histoire de service militaire. Des hommes et des femmes de la communauté juive continuèrent de servir au sein des forces armées du pays au fil des décennies, depuis la guerre de Corée aux efforts internationaux de soutien de la paix et à la guerre froide, en passant par la défense des frontières du Canada et les combats dans les plaines arides de l’Afghanistan. On estime aujourd’hui à 680 le nombre de Juifs qui servent actuellement dans les Forces armées canadiennes régulières, ce qui représente un pour cent de leur nombre total, avec un plus grand nombre servant également dans la Réserve. Aux braves Canadiens juifs qui ont servi et sont morts à la défense de la paix et de la liberté au fil des ans, disons leur : « Que leurs âmes entrent à tout jamais dans la vie éternelle ».

Avez-vous un lien personnel ou familial avec les militaires juifs de l’Armée canadienne? Partagez vos récits dans les médias sociaux!

Anciens Combattants Canada remercie sincèrement Ellin Bessner, auteure de Double Threat: Canadian Jews, the Military, and World War II, pour son aide inestimable dans l’élaboration de ce site Web.

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