Sélection de la langue


Recherche sur veterans.gc.ca

Lieutenant R. Azzie's Journal

24 janv. 45
Hello mes vieux,

C'est aujourd'hui le 24 au soir et je viens de recevoir votre lettre du 4 janv. Pauvre vieille Mum. J'ai tellement été surpris de constater sur votre lettre que vous n'aviez pas compris mon cablogramme. Je ne pouvais pas mettre grand chose si ce n'est mon adresse d'outre-mer. J'espère que vous avez reçu ma lettre qui a suivie le cablogramme de près. Je suis aussi heureux qu'au jour ou j'ai écrit cette première lettre. Je répète les mêmes voeux et prie pour que vous soyez bien et en paix. Il fait bon au coeur mes vieux de vous savoir en paix et sauf après avoir vu ce qu'on voit ici. Chaque jour encore - sans aucun avertissement - les "V" bombes éclatent tuant des centaines de personnes et détruisant. Il fait bon au coeur aussi de songer que bientôt peut-être je ferai ma petite part active à vaincre l'ennemi et à rendre la paix aux malheureuses victimes qui l'ont innocemment perdue.

Vivez en paix mes beaux vieux, ne vous préoccupez pas inutilement et laissez à Dieu ce qui appartient à Dieu. Si Dieu veut que je vous retourne je vous retournerai, je vous aimerai mieux et saurai peut-être vous mieux le prouver. Je me serai contenté aussi... Oh maman, que de merveilles - que c'est beau voyager, voir, apprendre et s'instruire.

J'arrive d'un congé de neuf jours. J'ai couru l'Angleterre, et visité l'Écosse... Je voudrais ne jamais arrêter. Pourtant j'aime ma petite chambre ce soir. J'ai un foyer dans ma chambre, les charbons et les braises crépitent et je rêve à vous tous et je vous aime tellement bien. Je déteste vous accabler mais Reine, voudrais-tu m'envoyer les articles suivants ainsi que le muffler que ma belle maman m'a tricoté. C'est dommage que je ne l'ai pas eu ces jours-ci.

Un lighter un petit cheap (pas un Ronson) n'importe quel petit grément du 5¢, 10¢, 15¢. Souvent on a besoin de feu et les allumettes sont trempées. Un petit miroir qu'on peut accrocher...

Si tu pouvais trouver quelque chose de dur à casser, quelque sorte de verre, c'est pour me raser.. pas trop gros. Puis quelques paquets de lames à rasoir Gillette. À chaque fois que tu m'enverras quelque chose, tu peux toujours en mettre quelques paquets ainsi que une ou deux briques de savon de toilette. Est-ce que maman à trouvé un portrait pour envoyer à Utopia?

Il y a bien des choses dont on manque, je ne veux que le nécessaire... peut-être une petite boîte de poudre à face pour après la barbe!

La nourriture est bonne et je me plais. "À vaincre sans périls on triomphe sans gloire" !

Mon vieux "Pop" j'ai bien hâte de te conter mes voyages. Portez-vous bien et je vous prie ne vous occuper pas inutilement. Actuellement je fais la même chose ici qu'au Canada. J'ai reçu une belle lettre de Georgette ce soir. Elle m'a écrit auparavant mais je nai pas reçu la lettre. Envoyez vos lettres par avion autrement ça prend énormément de temps. Je voudrais pouvoir m'étendre beaucoup plus longuement ici, mais l'espace est restreint. J'étais très heureux d'apprendre que la maison est assurée. Comment vont les loyers? Georgette me dit qu'il fait très froid. Se lamentent-ils que c'est froid. Il fait froid partout cet hiver - spécialement quand on couche dehors. Je ne sais comment longtemps je serai ici.... j'espère qu'on m'envoie en Belgique ou en Hollande au lieu qu'en Italie. Je crois que je l'aurai aussi. Traverser la France, ce serait beau!

J'aime les gens et leur mentalité. L'Anglais est très spirituel. Il est distingué, la canne ou le parapluie à la main! Madame ou Mademoiselle est grande, blonde d'un blond d'or, svelte et souple, son petit panier au bras s'en va magasiner. Ils sont intéressants en conversation, très polis. J'écoute plus que je ne parle. J'ai appris que j'avais beaucoup à apprendre et à voir. C'est tellement beau, tellement merveilleux... les monuments, le progrès, le genre de vie et les commodités sans noms dans ces homes. Oh mes beaux vieux, je vous emporte partout , je vous aime plus et plus encore. Portez-vous bien. Tout va bien ici. Votre bébé vous embrasse bien fort.

24 janv. 45

Raph

2 févr. 45
Hello Mom,

Tout éclate, le ciel se déchire et la terre s'ouvre partout.. quel grondement, quel tonnerre, quel déchirement! C'est la guerre, c'est le front enfin. Dis à papa que malgré que parfois la terreur nous déchire et brise, je veux y rester, je veux venger ceux qui tombent à mes côtés, je sens le besoin de continuer aussi loin que Dieu me permettra d'aller. J'ai vu souffrir d'indicibles horreurs, j'ai vu râler, gémir, supplier et appeler aux secours... j'ai vu de longues processions de femmes, vieillards et enfants essayant de fuir leur foyer rasé, en pleine mitraillle, nu et souffrant, affamé, tâcher de reculer là où nous sommes passés. J'espère que jamais ces malheurs arrivent à mon beau petit coin de pays! Actuellement tout tremble, tout le ciel se déchire!!

Grâce à vos prières mes vieux, j'ai été très miraculeusement sauvé d'une explosion qui aurait tout englouti ainsi que mon peloton au complet. Par un miracle inexplicable, la bombe qui frappa l'édifice où j'étais n'a pas fait explosion! Merci mes vieux, c'est à vous, c'est à St-Joseph à ma bonne maman du ciel que je le dois. Je compte sur vous, sur eux.. Moi je n'y puis rien si ce n'est remercier et continuer d'espérer en avancant toujours. Mon moral est très haut, je semble même parfois m'y plaire.

À ma première mission j'ai pris six prisonniers! J'étais très content, peut-être aurai-je une chance de me changer de bas ce soir, après dix jours sans changement. Ce sera bien beau retourner chez-nous après toutes les horreurs vues, ici, c'est indicible! Je ne croyais pas que la guerre puisse être aussi horrible! Le moral des troupes est bon, bien que chaque pied est bien défendu et chèrement acquis..... nous faisons face à de très bonnes troupes ici. Nous avons tous nos moments de terreur, mais vient notre heure aussi.

Mais sous les bombardements on n'y peut rien... homme contre un enfer de feu et de tonnerre où vole l'acier... C'est beau à revivre... c'est terrible à vivre! Mais Dieu veille... je le remercie, je pense à vous... durant mes longues nuits, en attendant anxieusement le matin et le chant des oiseaux, je suis avec vous toujours. Je vous embrasse.

Raph

23 févr. 45
Bonjour mes vieux;

Ou plutôt : bonsoir! J'ai reçu vôtre cablogramme cet après-midi! Ce n'était même pas ton écriture Sol; et pourtant, comme il m'a fait du bien de lire quelques petits mots de toi...je sentais chez-vous de plus près.

À ce moment même je suis avec vous de toute mon âme. J'écoute avec presque des larmes aux yeux : "Connais-tu le pays où fleurit l'orange...le pays des fruits d'or..."

Elle chante comme Reine, elle me rappelle le petit salon, les vacances : Solyme, Germaine et Reine chantant, ou une réunion de Pétouques chantant..."Connais-tu le pays"...Si je le connais. "C'est ma veillée d'armes" mes vieux! Enfin j'y suis rendu. Demain je quitte le rêve, demain sans cesser de rêver pourtant, je prouverai ce dont je suis fait...Demain, sous l'oeil de Dieu et en songeant à vous je courrerai face au danger et front à l'espoir...et, je t'entendrai me murmurer ma vieille maman comme au temps ou ma grosse tête pesait lourdement sur tes genoux : "Le voyez-vous, au sein de la bataille, le front radieux traverser la mitraille....l'ennemi fuit, tout cède à sa valeur...Tu vois maman, je ne te cache rien, demain, demain si Dieu veut, je vivrai ce que j'ai rêvé. Et je sais que je le puis. Je le puis parce que tu me l'as appris, parce que tu me l'as démontré souvent...Sacrifices, peines, douleur...C'est du contentement, de la joie en réserve..."Viens avec nous petit, viens avec nous, viens!!

J'espère que cette lettre ne vous attristera pas, que vous aurez la même force et la même confiance en celui qui permet que ceci arrive. Si j'avais eu la liberté et la possibilité matérielle que j'ai ce soir, je vous aurais écrit tous les jours. Je vous prie de ne pas vous préoccuper si vous ne recevez pas ma malle aussi souvent. On a souvent le coeur à écrire, on a tant à dire, mais la condition dans laquelle on est nous transforme et tue nos nerfs : le froid, l'humidité - ou autre petit malaise qui rend amorphe et sans vie. J'espère recevoir toutes vos lettres qui sont actuellement en voie de m'arriver...Combien plus chères elles vont m'être là où je serai...Mes beaux vieux "Lous" portez-vous bien, espérez et attendez-moi. Je vous aime tous les jours davantage, de plus en plus. Ce qui partageait mon amour avec vous, je l'ai maintenant, alors il ne reste que vous. Si vous saviez comme je vous voudrais heureux, comme je voudrais pouvoir vous témoigner tout mon amour, toute ma reconnaissance...

Portez-vous bien...Que Dieu vous bénisse et protège.

Votre bébé qui vous embrasse

Raph

9 mars 45
Hello mes vieux,

Chocolat, thé, pommes, etc. ...mes gars ont reçu des paquets et évidemment...toute la famille partage. Hier soir nous avions une maison aussi...deux poulets au feu...malheureusement ils n'étaient pas cuits lorsque nous sommes allés nous coucher...Le premier levé fut moi et ma première pensée fut les poulets. Comme ils avaient bouilli toute la nuit, il ne restait plus d'eau et à peu près pas de poulet non plus. Ils avaient certainement rapetissé!! Nous avons nos beaux moments comme vous voyez. Et le bonheur des gens qu'on libère nous fait presqu'oublier nos fatigues et nos pieds meurtres! Nous sommes de nouveau en Hollande - pauvres gens, ils ont tellement soufferts, et ils n'ont pas fini. Il faut souvent brûler tout pour en chasser le "Boche"... il combat avec acharnement. Je suis bien mes vieux grâce à vos prières. Merci. Ce soir une lettre de Reine et une de Thérèse. Votre malle m'arrive très bien et j'en suis réjoui. Je porte le petit gilet de laine avec bonheur. C'est un bijou. Et le lighter fonctionne en perfection...Tout va. Je suis content que vous aviez reçu les petits sabots, j'espère que vous recevrez le reste. J'en enverrai un autre aussitôt que possible. J'espère qu'il vous parviendra...il y aura ce que je t'ai promis Sol...et c'est précieux, mais je doute s'il se rendra. Il appartenait à un petit officier autrichien que j'ai tiré moi-même, blessé, puis il faisait tellement pitié - la figure dans la boue que je suis arrêté pour le relever, l'asseoir à un arbre, le désarmer, puis, l'attaque fini je suis revenu à lui...lui ai donné à fumer...il ne pouvait parler mais ses yeux de tigre sont devenus d'un bleu acadien et tout mouillé de reconnaissance...pauvre malheureux. Normalement on n'a pas le temps de nous arrêter nous mêmes aux blessés...les stretcher bearers suivent derrière les troupes. Quatre de mes "petits gars" ont été blessés en cette attaque...je les aime tout comme s'ils étaient mes vrais enfants...et demain sera comme aujourd'hui, et ainsi de suite, sous l'oeil de Dieu, on va là où il nous guide. J'aime ma vie. Par moments la terreur nous étouffe. À d'autres on vole presque. Les hommes me connaissent bien maintenant...parfois ils me savent épuisé...mais lorsqu'ils me voient arriver en chantant et sautillant, les yeux brillants de joie, ils savent qu'on se prépare pour "action"!

Bientôt nous pourrons nous reposer je crois un peu...nous l'aurons mérité.

Portez-vous bien mes vieux Lous...espérez et continuez de prier bien. Vous êtes ma force, ma vie, tout mon espoir. Je serai tellement heureux de vous retourner. Et toi - mon gros Chou...dès que nous nous arrêterons j'essayerai de vous envoyer quelqu'argent. Sol, j'espère que mes paquets te parviennent tous.

Mon vieux pop je rêve à vous jour et nuit et me plais beaucoup en ce faisant...maman je vis vos vieilles chansons que j'aimais tant.

Bye mes vieux

Votre bébé

Raph

15 mars 45
Hello mes vieux,

Tout brille, tout chante, tout sourit. Dans une belle grande forêt où, il n'y a pas longtemps, nos hommes combattaient et tombaient bravement, l'on se repose de batailles bien gagnées. Le soleil est bien chaud, les feuilles jonchent partout le sol, les oiseaux babillent gaiement...chez-nous!!! Tout cet entourage fait rèver...et, on en a le temps enfin. Hier soir nous avons eu messe, confession, communion. Le père Hickey - un ami de Solyme - était ici. Il est bien charmant. Il est Major! Quelle paix, quel charme! Surtout après communion! Le soleil lentement tombait - doucement la nuit nous entoura pendant que les six aumôniers donnaient des absolutions - assis sur les souches, sur des caisses d'ammunition, adossé aux arbres etc., au loin les bruits des bombardements, le souvenir de nos derniers bombardements, et tout porte vers Dieu à le remercier, à le remercier encore. Oh, beaux vieux, que je vous dois beaucoup pour toutes les grâces que vous m'obtenez, pour les miracles que vous me valez!

Nous avons chassé le Boche au-delà du Rhin. J'ai vu le Rhin, j'ai vu l'autre rive d'où l'on nous bombardait. Nous le traverserons bientôt quand nous aurons reformé nos rangs, remplacé les disparus, et entrainé les nouveaux. Vous allez rire lorsque vous recevrez mes paquets...Je voulais envoyer quelque chose...alors, ce que j'avais. À l'avenir je n'enverrai que vrai souvenir. Sol, il ne te repugnera pas, de porter des souliers allemands - même si une "shrapnel" en a brisé le bout. Dans mon deuxième paquet il y a un drapeau nazi - déchiré et sale..."Comme le parti d'ailleurs - maman pourra le réparer! Il a flotté!! Puis quelques petites insignes. Dans le premier gros, il y a aussi un pack d'officier allemand. Ce sera bon pour aller à la chasse. Il y a aussi une musique à bouche...si vous rencontrez Leonide Soucy à St-Basile, c'est pour son fils qui m'avait demandé cela il y a bien longtemps...Au Canada je n'avais pu lui en trouver...Ce sera aussi un beau souvenir! Quant aux ustensiles, j'ai mis cela là sans penser! Est-ce que vous avez reçu les petits souliers pour Bertrand et Peter-James? Dites moi lorsque vous recevez mes paquets. J'ai beaucoup regretté de vous avoir demandé des cigarettes. C'était difficile en Angleterre. Ici on en a tant qu'on veut. Je fume plus que papa n'a jamais fumé!! De même, ne m'envoyez pas trop de paquets...Ou ils sont perdus, ou on a pas le temps d'en disposer. De temps à autre des bonbons, chocolats et macaroons...lames de rasoir, pas de cannages! Quelque chose qui peut se manger bien et vite!! J'ai été très chanceux jusqu'ici. J'aime cela beaucoup! Pour arme je n'avais qu'un revolver! Je me suis procuré une mitraillette allemande! Je leur donne de leur propres balles et à un taux qu'ils connaissent!!!

J'espère que je pourrai l'emporter avec moi chez-nous. Avec le drapeau j'inclus aussi quelques pièces de monnaie - souvenir de la dernière guerre - inflation comme vous verrez par les montants...celle-ci n'a pas de valeur. Ici en Allemagne, nous employons une monnaie d'occupation. Nous n'avons d'autres dépenses que nos timbres et très peu d'autres petits articles semblables. Je suis très bien et très heureux. Vous souhaite la même chose.

Vos fils très aimant.

Raph

1 avr. 45
Bonjour mes vieux,

Il pleut en ce beau grand jour, c'est dommage pour un jour ci glorieux. Mais nous sommes joyeux et gais et bien portant. Nous songeons à Pâques aux repas qu'on a pris jadis en si bel entourage, aux cloches, à tout ce qui pourrait vous rendre un peu jaloux aujourd'hui. Mais non mes vieux, nous sommes bons soldats. On a défait le Boche hier et magistralement aussi...nous sommes à ses trousses, et nous saurons fêter aussi à notre tour lorsque tout sera fini.

Comment allez-vous mes vieux loups? Bien...Oh oui il le faut! Mais dites le moi si ce n'est pas le cas, j'aime mieux tout savoir. Ce matin - après une semaine je me suis lavé et rasé de ce coté ci du Rhin...Ça devait être bien beau ici, mais là où nous avons passé...Attila aurait figuré l'un petit gars! Dans ce secteur le Boche frappe encore avec férocité...nous aussi! J'aime beaucoup mes hommes...ce sont presque tous de vrais petits "djabes". J'ai quelques souvenirs à vous envoyer après ces dernières rencontres...j'espère que vous les recevrez...Avez-vous reçu les autres?.. Sol, j'essayerai de t'envoyer un revolver allemand..si tu ne le veux pas, tu pourras me le garder, ou le donner à Gaby en souvenir. Tu pourras trouver de l'ammunition chez nous : 9 mm.

Je prie avec vous...mais vos prières me soutiennent et me préservent et me font heureux. Les miennes sont trop courtes trop intermittentes, et... ce n'est pas la même chose que vous mes vieux loups, mon bon grand Sol, ma chère Reine...Vas-tu faire quelque chose à la maison ce printemps...Oh que ce serait beau si je pouvais aller un mois. Mais je manquerais beaucoup de fun ici...et, il faut - comme papa me le disait souvent faire bien et finir ce qu'on a commencé. Courage mon vieux "Pop"...je suis votre exemple, je marche sur vos traces...on commence à me connaître aussi. Mom, j'ai de bon esprit Péttouque, de la gaiété et du rire dans mes répliques et mes actions.

Je n'ai pas envoyé aucun souvenir à Georgette encore...je n'ai rien trouvé.

J'espère vous dire bientôt...je vous verrai aussi bientôt j'espère.

Bye mes vieux Loups, mon gros Chou de Reine, mon bon vieux Sol.

Votre bébé vous embrasse

Raph

7 avr. 45
Mes bons vieux parents;

Je viens de recevoir votre paquet ce soir...quelle joie de recevoir quelque chose de vous. C'est tellement meilleur que tout autre, tellement comme chez-nous!! Une boîte de chocolat, du savon - j'en aurai pour la duration - des lames de rasoir, le miroir...Merci beaucoup!

Mes vieux, je ne cesse de remercier le ciel de m'avoir donné de si bons vieux parents dont les mérites accumulés m'apportent toutes sortes de bénédictions et de miracles. Depuis la traversée du Rhin nous avons marché, bataillé presque jour et nuit... Dans ma compagnie, je suis le seul officier..de ceux qui sont venus avec moi - qui n'ait pas été blessé. Oh, que vous êtes bons! Que le ciel vous aime. J'y ai passé prêt souvent...on reconnaît même partout ici que le cas du boulet de canon qui ne fit pas explosion près de ma chaise est un miracle qu'on raconte partout. Et il est maints autres cas - non aussi éclatants - pareils! Et je suis heureux - fatigué ou reposé, sec ou mouillé, affamé ou plein mon ventre...nous avons nos temps durs...nous avons nos temps durs! À Emmerich c'était très dur...ici à Deventer c'est un enfer!! Mais, mon étoile brille...on semble bien m'aimer pour ma gaité, mon entrain, mon enthousiasme...J'aime le champs, j'aime la poudre, j'aime ma vie. J'ai couvert beaucoup de contrée déjà. Comme vous voyez par le dernier nom de ville mentionné, je suis en Hollande maintenant, le pays des digues, des moulins à vent paisibles et romantiques, des longues plaines, des paysans modestes - leurs gros sabots de bois - qui crient et pleurent de joie sur notre chemin que nous libérons.

Puis nous avons à peine le temps d'arrêter. Nous poussons plus loin... Nos pleurs coulaient mais notre oeil abattu..brillait encore lorsqu'on volait aux armes et vos belles vieilles chansons, elles ont été croquées sur le vif...combien vraies elles sont.

Si vous voyez Georgette...dites-lui que je suis fatigué, que je suis bien, que j'écrirai dès qu'un peu de temps libres; nous arrêterons bientôt pour un repos je crois...Soit j'ai un beau Luger pour toi que j'ai conquis hier...Oh, quelle charge, quelle bataille hier...le commandant était charmé...j'avais le feu plein l'âme...

Bye mes vieux

vous embrasse

Merci Raph

5 juill. 45
Hello Mom,

Viens de te lire avec plaisir... C'est bien beau te lire, te savoir debout, rêver en te lisant, revoir tant d'autres personnes, tant d'autres lieux que tu rappelles à ton souvenir. Le soleil me brûle le ventre pendant que je te griffonne sur mes genoux. Je viens de me faire ramoner par "batman" pour avoir resté trop longtemps au soleil et m'être fait brûler le dos.

Il m'a massagé le dos, puis prédit que j'allais bruler cette nuit et que ce serait bon pour moi.

Nous sommes en Allemagne, dans Aurich. Le camp est immense, les édifices très imposants, tout en brique gros, des parcs, des jets d'eau, gymnasiums, salles de jeux, champs de jeux, salles de douches, etc...etc... c'est pour la Marine allemande. Avec une organisation pareille, pas surprenant qu'ils avaient une telle armée. Leurs supermen lavent les planchers et travaillent dans le camp ici... il faut admirer leur culture physique, leur muscles, leur physical fitness. On se demande par quel miracle on a vaincu de pareils légionnaires!

La politique de non fraternisation n'est pas trop dure encore puisqu'on sort peu, et puisqu'il n'y a pas grand chose en ville... du moins, je n'ai pas rien recontré d'épatant encore! C'est peut-être mieux ainsi. Mais cette politique est insensée.. on nous punit beaucoup plus, non les Allemands qui se fichent pas mal et rient de nous. De plus ils seraient prêts à se faire amis à coopérer... si la non fraternisation dure trop longtemps, ils sont acerbes, toqués etc. ...

Nous aurons beaucoup de travail ici pour nous garder occupés!.. de la garde, de l'entraînement, de l'éducation c.a.d. enseigner école et métiers divers aux soldats.

J'attends que tout soit définitivement organisé pour voir un peu. Actuellement, il n'y a absolument rien à faire!

Je n'ai pas reçu le paquet de Reine encore. Est-ce qu'elle m'a envoyé des cigarettes. J'aimerais que vous m'en envoyez assez souvent! C'est l'argent courant ici... je paierai tout. L'autre argent ici, ou en Hollande ou ailleurs ne vaut à peu près rien, on est susceptible de perdre sa valeur d'un jour à l'autre. Mais avec des cigarettes on s'achète le nécessaire qu'on peut trouver ici... du thé, encore mieux! Alors, si vous m'envoyez un paquet vous pouvez inclure du thé, on peut obtenir un peu de chocolat ici. J'aime encore beaucoup les peanuts ou les noix. Si je puis aller en Angleterre avant longtemps, je vais vous envoyer tout ce que j'ai d'argent afin de payer un peu -Sol et peut-être quelques réparations. Je ne saurais vous dire comment j'aimerais aller chez nous, vous voir tous, puis faire tous ces petits travaux.

Ne t'occupe pas ma bonne maman même si ça ne va pas trop bien avec Georgette même si je rencontre ici de bien charmantes "belles" je n'oublie pas!! Pop mon vieux "rough" quelque chose me dit que je te brasserai un peu bientôt. Portez-vous bien mes beaux et chers vieux.

Votre bébé vous embrasse.

Raph

24 août 45
Hello mes vieux,

Il pleut presque tous les jours dans cette triste partie de l'Allemagne, triste comme l'âme de tous ces malheureux qui ont perdu la guerre, qui nous demandent chaque jour si nous resterons ici longtemps, s'il est vrai que la Russie prendra toute l'Allemagne, comment ils seront chauffés cet hiver. Ils n'ont pas de bois ni charbon...et très peu de nourriture. Et, il fait déjà froid ici. Beau vieux Lou, pourrais-tu me tricoter un beau petit sweater comme celui que tu m'avais tricoté et que je ne puis trouver nulle part. Puis, mon beau gros chou, si tu m'envoies quelques choses veux-tu y inclure une couple de "globe" pour ma flashlight...tu te rapelles! Quelques barres de savons, du thé & café...pas de lames de rasoir. Il y en a ici. Quand je saurai davantage, peut-être te demanderai-je autres choses, lorsque je saurai où nous passerons l'hiver...en ce moment il tombe quelque chose du ciel qui ressemble presqu'à de la neige. Si vous voyiez ces malheureux gens, ces pauvres vieilles gens et des milliers de petits enfants (fruits des demandes de Hitler) à demi-habillés...et l'hiver qui s'en vient, et il n'y a rien pour chauffer encore, et je crois qu'il y aura des misères sans nous. La leçon est dure mes bons vieux, et la leçon que j'apprend ici ne se lit pas...elle se voit et on l'éprouve en soi-même.

Beaux vieux je suis tellement reconnaissant à Dieu de vous servir là où vous êtes et dans l'état où vous êtes...Mon bon vieux Sol...Reine cette bonne maman, et vous autres, Germaine et Thé...et leurs beaux petits enfants.

J'aime les enfants plus que jamais, plus je réalise que peut-être jamais j'aurai mes propres. On me connait très bien déjà ici et les vieilles gens sourient avec tendresse de me voir toujours entouré d'une clique sans nombre de ces charmants petits enfants! Je me plais n'importe où je suis et je suis reconnaissant de ce qui m'est donné chaque jour et de tout ce que vous avez fait pour moi. Je regrette de ne pas pouvoir vous donner ce que vous désireriez: Être auprès de vous mais, s'il est quelque chose autre je vous prie de me le dire. Je songe à vous à chaque instant, je vous désire très fort, je vous aime follement et vous embrasse avec tout cet amour, toute cette folie...

Votre bébé

Raph.

Date de modification :