Touchante histoire d’amitié
Des héros se racontent
Transcription
J’ai une merveilleuse histoire à vous raconter.
Pendant ce tour-là, je m’étais liée d’amitié
avec une fille de là-bas qui avait mon âge.
Au début, je voulais que mes parents l’adoptent,
parce que tu veux aider.
On parlait d’aide humanitaire, tu veux aider.
Je voulais que mes parents l’adoptent, je voulais qu’elle
s’en vienne au Canada pour qu’elle puisse avoir une vie.
J’avais été souper chez eux,
j’étais sortie avec un adjudant-maitre du médical,
j’ai sorti quelques fois avec lui pour aller dans sa famille à elle,
pour parler avec sa mère.
Sa mère lui disait vas-y, prends ta chance, reste pas ici.
Elle ce qui avait, c’est que ses parents étaient Croate et Serbe.
Donc déjà là il y avait un problème.
Son père s’était fait assassiner et elle restait toute seule avec sa mère.
Sa mère disait vas-y, part, ils sont prêts à t’accueillir.
Mes parents étaient prêts à n’importe quoi.
En fin de compte, elle avait décidé de rester là-bas.
C’était difficile, et comme je disais, on avait pas de Facebook,
on avait pas d’ordinateur, on pouvait pas téléphoner
nulle part la plupart du temps.
Dans ce temps-là, téléphoner dans un pays étranger en 1993,
Bell Canada te chargeait 5 piastres la minute.
Moi je suis partie, je l’ai serrée dans mes bras,
quand j’ai fini mon tour et je lui ai souhaité la meilleure des chances.
En 1995, quand j’étais en Bosnie, le bataillon du Royal 22e
Régiment qui était en Croatie, dans cette région-là,
eux autres ont vécu l’offensive croate dans le secteur serbe où j’étais.
À partir de là, une fois je l’avais vue aux nouvelles
parce qu’ils montraient des soldats canadiens
et elle était devenue un peu traductrice,
elle parlait quand même assez bien anglais.
Après ça, rien.
Quand je suis retournée, on dirait que tu espères toujours.
Je me disais, qu’est-ce qui est arrivé?
L’offensive, elle était serbe, tu te poses des questions.
C’est comme un deuil que tu as à faire, à dire ils ont tué
je ne sais pas combien de milliers de Serbes pendant ce temps-là,
elle a dû y passer elle aussi, elle vivait là.
Pendant des années, ça a fait partie de ma thérapie,
ça a été mon deuil à moi à faire, parce que j’ai toujours pensé
que je n’avais jamais été capable de l’aider.
Je n’avais jamais pu lui donner ce que j’aurais voulu,
ce que j’aurais aimé pour elle.
Après toutes ces années-là, deux ans passés,
grâce à Facebook, je reçois une demande d’amitié.
C’est la journée de la St-Valentin, je suis chez nous,
sur mon divan, mes parents sont là,
mon chum, mon fils, tout le monde est là.
Souvent on reçoit des demandes d’amitié de M. Jos Blo
qui s’est fait voler son identité.
Je pars pour faire effacer.
Je regarde comme il faut, je regarde la photo.
La photo c’est mon amie Tanya qui m'a retrouvée via Facebook.
Je ne sais pas
parce que moi je ne connaissais même pas son nom de famille.
Je ne sais pas comment elle a fait pour se souvenir.
On est devenues amies.
Elle vit maintenant à Zurich, en Suisse.
Elle a réussi avant l’offensive de se sauver, de s'en aller en Serbie.
De la Serbie, elle a fait une demande de réfugié avec sa mère
pour s’en aller en Suisse ou quelque part en Europe.
Elle s’est retrouvée là-bas.
Maintenant elle est mariée avec un monsieur
qui vient du Portugal, elle a deux enfants.
J’ai pas arrêté de pleurer.
J’ai pleuré ce soir-là comme ça se peut pas
parce que j’avais fait un deuil.
Ça m’avait pris des années à faire un deuil
et je me retrouve avec elle, je lui ai envoyé un message.
Je lui ai dit si je ne me retenais pas, je prendrais l’avion à soir.
Tu ne peux pas savoir comment je suis contente,
en dedans de moi c’est.
J’ai retrouvé la personne
pour laquelle j’arrêtais pas de penser depuis 1993.
Description
Madame Grandmaison nous partage l’histoire touchante d’une amitié avec une jeune femme qu’elle a rencontrée en Croatie.
Julie Grandmaison
Madame Grandmaison est née à La Pocatière, au Québec et elle a grandi à Saint-Pacôme. Au moment de l’entrevue, elle était toujours en service avec les Forces armées canadiennes depuis 28 ans et avait le grade d’adjudant. Elle s’est enrôlée à 17 ans dans la réserve avec les Fusiliers de Rivière-du-Loup. Elle a servi entre autres en Croatie et en Bosnie et à différents endroits au Canada.
Catégories
- Médium :
- Vidéo
- Propriétaire :
- Anciens Combattants Canada
- Date d’enregistrement :
- 25 juillet 2018
- Durée :
- 4:56
- Personne interviewée :
- Julie Grandmaison
- Guerre ou mission :
- Forces armées canadiennes
- Emplacement géographique :
- Balkans
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- Date de modification :