En 1944, Le Lcol C.N. Mitchell, V.C., M.C., commandant du Centre d’instruction A6 du Corps canadien du génie, a eu l’idée d’ériger un monument à la mémoire de tous les sapeurs. Il voulait que ce monument soit conçu et réalisé par des sapeurs. Il a demandé au Major Williams de concevoir le cénotaphe et au Major Davies, de choisir l’emplacement et d’aménager un parc commémoratif. Le Major N.B. Gillies, géologue, devait quant à lui choisir le site d’où serait extrait un bloc de pierre convenable d’une seule pièce. Le Major T. A. V. Tremblay, commandant de l’escadre de pontage, a été désigné pour transporter le bloc de pierre et établir le camp d’extraction.
Le Maj Williams a présenté sa première maquette en 1945 : une colonne à 12 côtés posée sur un socle carré, avec une grenade à chacun des quatre coins. Trois marches menaient au cénotaphe. La hauteur du monument était de 16 pieds et 6 pouces, et le socle mesurait 4 pieds et 10 pouces de côté. Le 24 janvier, une expédition menée par le Lcol Mitchell, le Maj Gillies et plusieurs autres a permis de trouver le site d’extraction, soit la paroi d’une falaise en bordure du lac Harrison, à environ 22 milles de l’emplacement choisi pour le cénotaphe.
La roche choisie était de la monzonite, un agrégat de feldspath plagioclase et de hornblende qui ressemble à du granit. Quelques heures après le retour de l’équipe au camp, l’ordre a été donné d’entreprendre « l’opération Granit ». Le lendemain, on a établi le camp d’extraction. Le lieutenant T.H.E. Copps, mineur et prospecteur expérimenté, a entrepris l’extraction. À la fin de mars, le plus gros du travail d’extraction était terminé.
Le bloc de pierre pesait « à peine » 42 tonnes. On a dû le transporter jusqu’au parc commémoratif pour les dernières opérations de taille et de façonnage. On a décidé de transporter l’énorme bloc sur un radeau Bailey à flotteurs jusqu’à Cannor Bay, sur le fleuve Fraser (près de Chilliwack), puis à bord d’un véhicule surbaissé jusqu’à sa destination. Sous le commandement du SQM Ozmun, un char Valentine obsolète a été converti en véhicule surbaissé. L’escadre de pontage a construit un radeau Bailey muni de cinq flotteurs, et des rampes de chargement ont été aménagées sur le site d’extraction et à Cannor Bay, sous la direction du Lt D.R. Young. Au matin du 16 mai 1945, sous le commandement du Major Tremblay, l’énorme bloc de pierre a été transporté sur la rivière Harrison et le fleuve Fraser. L’opération s’est déroulée sous une pluie torrentielle. Normalement, les spécialistes du génie jubilent lorsqu’ils trouvent du gravier, mais pas cette fois. À quelques milles seulement du point de déchargement, le radeau s’est échoué sur un banc de gravier au milieu du fleuve. Tous les efforts pour libérer le radeau ont été vains. Le Major Tremblay a jeté l’ancre pour la nuit, et il a signalé l’incident au Lcol Mitchell. Assisté du Maj Davies, le Lcol Mitchell est parti à la recherche d’un remorqueur très puissant. Avec Davies à bord, le remorqueur est arrivé à la rescousse. En dégageant le radeau, celui-ci a failli être submergé. Au point de déchargement, on s’est aperçu que la plupart des flotteurs étaient à moitié remplis d’eau.
Le 18 mai 1945, une fois le bloc de pierre déchargé au centre du parc commémoratif, la taille a commencé. Des tailleurs de pierre expérimentés, soit le Sgt é.-m. Crowe, le Cpl Bloomfield, le Cpl Thatcher et le Sap Forster, ont été désignés pour tailler et façonner le matériau brut et lui donner sa forme définitive. Le modèle a été modifié à deux reprises à cause de défauts découverts dans la pierre. Le nombre de côtés de la colonne est passé de 12 à 8, et finalement, en raison d’autres défauts, elle a pris sa forme actuelle. Le socle a été considérablement réduit, mais la hauteur du monument n’a pas changé.
Les quatre hommes ont travaillé par tous les temps jusqu’au début de l’année suivante. Ils étaient très fiers de leur travail. À la fin de février 1946, les marches étaient en place, le socle et le chapiteau de pierre étaient terminés, et le façonnage de la colonne approchait de sa phase finale. Il restait à façonner les épées et les grenades, à réaliser le lettrage, et surtout, à ériger la colonne. Le 13 avril, on était prêt à mettre la colonne debout. On a foré au diamant un trou traversant la pierre sur toute sa longueur. On a inséré dans ce trou une tige d’acier munie d’un fil et fixée par deux écrous en acier au pied de la colonne. Toujours en position horizontale, la colonne a ensuite été traînée sur des rouleaux au haut d’une rampe jusqu’à une plateforme construite autour du socle. Au dessus de la plateforme, il y avait une grue ciseaux avec un palan à chaîne de 15 tonnes. Une fois sur la plateforme, on a relevé la colonne à environ 35 degrés de l’horizontale au moyen de vérins, puis à 90 degrés avec le palan à chaîne. Dans une atmosphère tendue, une caméra a enregistré les événements de ce samedi matin.
M. Booth, jardinier paysagiste bien connu de New Westminster et père d’un de nos sapeurs, a non seulement fourni gratuitement des arbres et des arbustes, mais il a consacré beaucoup de temps à l’aménagement paysager.
Au moment de l’inauguration, le rêve de longue date du Lcol Mitchell est devenu réalité. Le centre d’instruction de Chilliwack est devenu la Royal Canadian School of Military Engineering, et lui, son commandant.
Après la fermeture de la Base des Forces canadiennes Chilliwack en 1998, le ministère de la Défense nationale a conservé la propriété du Parc commémoratif des sapeurs et du cénotaphe. La Société immobilière du Canada avait la responsabilité d’aliéner les biens de la Base des Forces canadiennes Chilliwack et souhaitait, en même temps, préserver le patrimoine militaire de la région. Leur proposition était de ne pas toucher au cénotaphe, d’augmenter la superficie du terrain, d’embellir le terrain et de respecter le sol où les cendres ont été répandues. La Société immobilière du Canada a travaillé en collaboration avec la Société historique de la Base des Forces canadiennes Chilliwack et des sapeurs à la retraite pour revitaliser et rénover le Parc commémoratif des sapeurs. M. Greg Smallenberg a été choisi comme concepteur. Parmi ses œuvres prestigieuses, il est reconnu pour son travail au Monument de Vimy, en France.
Le terrain a été inauguré en juin 2009 avec l’intention de restaurer le monument à temps pour la réinauguration, à l’occasion de la semaine du Souvenir 2009. La société de construction GEMCO a été retenue pour cette restauration. Elle a enlevé la haie dissimulant la vue, surélevé l’île centrale, embelli le paysage, installé un éclairage tamisé et de la signalisation, redirigé les trottoirs vers le site et ajouté de nombreux sièges pour inviter les visiteurs à s’asseoir et à réfléchir.
Des membres de la famille du lieutenant-colonel Mitchell ont participé à la réinauguration du Parc commémoratif des sapeurs et du cénotaphe le 7 novembre 2009. Mme Frances Bailie (la fille de Mitchell), son fils Philip Beck et l’arrière-petit-fils de Mitchell, Liam Gleeson, en uniforme de cadet, ont fait honneur au lieutenant-colonel Mitchell. Le discours de Mme Bailie a envoûté les spectateurs. Ils sont demeurés silencieux pendant que la famille déposait une gerbe à la mémoire de leur illustre proche.
