Introduction
Tout a commencé non pas par des directives officielles émanant des hautes sphères, mais par des rêves – littéraux et spirituels – et la décision commune de quelques militaires autochtones à donner vie à quelque chose de sacré.
Alors que l’odeur du foin d’odeur emplissait l’air et que des danseurs mi’kmaq exécutaient leurs pas devant une foule nombreuse de hauts gradés en uniforme à bord du NCSM Scotian à Halifax, les créateurs du bâton à exploits sacré et officiel des Forces armées canadiennes se tenaient debout et fiers de transmettre le symbole à une nouvelle génération de membres des Forces armées canadiennes.
Ils ont ainsi fait confiance à ces membres pour le protéger et l’honorer avec la dignité qu’il mérite.
Ils savent que ce n’est pas qu’un simple bâton.
Le sergent (retraité) Tony Parsons, l’adjudant-chef (retraité) Kenneth Bennett et le maître de 2e classe (retraité) Chris Innis sont debout derrière le bâton à exploits.
Un symbole vivant
Dans la culture autochtone, le bâton à exploits est une entité vivante, qui est portée avec fierté, détermination et par les prières de générations. Pour de nombreux membres autochtones des FAC, il représente l’identité, l’unité et la résilience d’un peuple longtemps privé de visibilité dans les rangs de l’armée canadienne.
En 1998, le maître de 2e classe (à la retraite) Chris Innis servait à bord du NCSM Montréal lorsqu’il a pris la décision personnelle de se laisser pousser les cheveux et de les tresser, un geste discret d’affirmation de soi et de réappropriation culturelle.
À bord d’un navire de la Marine, de telles expressions identitaires étaient parfois mal accueillies. Mais ce geste a aidé Chris Innis à renouer avec son héritage ojibwé et l’a mis sur la voie qui allait mener à la création du bâton à exploits.
La première maître (à la retraite), l’aînée Debbie Eisan, accueille le commandant de l’Armée de terre, le lieutenant-général Michael Wright, à la cérémonie à Halifax.
Dans la culture autochtone, le bâton à exploits est une entité vivante, qui est portée avec fierté, détermination et par les prières de générations. Pour de nombreux membres autochtones des FAC, il représente l’identité, l’unité et la résilience d’un peuple longtemps privé de visibilité dans les rangs de l’armée canadienne.
En 1998, le maître de 2e classe (à la retraite) Chris Innis servait à bord du NCSM Montréal lorsqu’il a pris la décision personnelle de se laisser pousser les cheveux et de les tresser, un geste discret d’affirmation de soi et de réappropriation culturelle.
À bord d’un navire de la Marine, de telles expressions identitaires étaient parfois mal accueillies. Mais ce geste a aidé Chris Innis à renouer avec son héritage ojibwé et l’a mis sur la voie qui allait mener à la création du bâton à exploits.
Peu après, il a rencontré la première maître Debbie Eisan, une femme anishinaabe qui est devenue une guide spirituelle et un mentor pour de nombreuses personnes. Ensemble, ils ont commencé à organiser régulièrement des réunions pour discuter des problèmes auxquels se heurtent les militaires autochtones, notamment l’absence d’un symbole culturel qui les unit et honore leur identité.
Puis, quelque chose d’extraordinaire s’est produit.
Chris Innis a fait un rêve très réaliste dans lequel il voyait un bâton à exploits avec des éléments précis : une tête d’aigle, des plumes et une représentation symbolique de tous les peuples autochtones du Canada. Lorsqu’il en a parlé à Debbie, elle était stupéfaite. Elle avait fait le même rêve, la même nuit.
« Nous avons pris chacun une serviette en papier et nous avons dessiné exactement la même chose, affirme M. Innis.
Nous n’habitons pas dans la même maison. Nous ne vivons même pas dans le même comté. Mais nous avons fait le même rêve. »
Fabriquer le bâton, unir une communauté
Ce qui a suivi a été un processus profondément collaboratif et spirituel. Chris Innis et Debbie Eisan, accompagnés de leurs amis de longue date le sergent (retraité) Tony Parsons (Mi’kmaq) et l’adjudant-chef (retraité) l’Aîné Kenneth Bennett (Mi’kmaq), ont constitué un groupe de travail afin de créer ce qui allait devenir le bâton à exploits des Forces armées canadiennes (FAC) et du ministère de la défense nationale (MDN).
Chacun des quatre membres a apporté ses connaissances, de la documentation et une détermination à réaliser un objectif.
Ils ont coupé du frêne (du bois traditionnellement utilisé pour les arcs, car il se plie sans se casser) dans la forêt située derrière la maison rurale de Kenneth Bennett, en Nouvelle-Écosse, et l’ont laissé tremper dans un ruisseau.
Une fois le bois prêt, ils ont commencé à poncer l’arc pour faire apparaître des marques significatives.
« En plein centre, il y avait un cœur à l’intérieur d’un cœur à l’intérieur d’un cœur », dit Debbie Eisan.
« C’était pour nous un signe que nous étions sur la bonne voie. Un signe envoyé par les vétérans qui nous ont précédés. Ils nous disaient : « Vous faites une bonne chose pour notre peuple en rassemblant nos jeunes et en leur montrant qu’ils sont soutenus et qu’ils ne sont pas seuls dans cette aventure. »
Une partie de l’arc en frêne du bâton à exploits portant trois cœurs.
L’aigle sacré
Tony Parsons, qui considère Debbie Innis et Kenneth Bennett comme ses « frères », se souvient avec déférence de ses expéditions pour aller récolter des plumes. Les aigles sont sacrés dans de nombreuses cultures autochtones, car ils transmettent les prières au créateur.
« Ce n’est pas tout le monde qui a le droit de tenir une plume, explique-t-il. Il s’agit d’une démarche spirituelle.
Nous adressons toujours des prières aux aigles, car ils les transmettent au ciel. Je dis toujours que lorsqu’on voit un aigle, il veille sur nous ou nous protège. »
Ensemble, ils ont veillé à ce qu’aucun animal ne soit blessé lors de la fabrication du bâton de 28 kg et de plus de deux mètres, qui est recouvert d’une peau de cerf. La tête d’aigle a été sculptée, et ils ont ajouté une imitation de défense de narval pour faire le lien entre l’esprit du bâton et le peuple inuit.
« Notre devise est de nombreux peuples, une seule nation », explique Mme Eisan, en ajoutant que la ceinture fléchée métisse constituait un élément essentiel.
Les treize petits drapeaux représentant les dix provinces et les trois territoires représentés par leurs membres revêtent également une signification particulière pour le peuple mi’kmaq, car le chiffre est sacré (il correspond au nombre de nouvelles lunes et de pleines lunes dans une année).
Chaque élément a été pensé avec soin, chaque étape est cérémonielle.
Le résultat n’est pas seulement un objet physique ─ il s’agit d’un être spirituel.
« Le bâton à exploits est une entité vivante », affirme M. Innis. « Il a une vie qui lui est propre. »
Les symboles occupent une place importante dans toutes les unités militaires. Les drapeaux, les écussons et les insignes ont une signification profonde. Le bâton a rassemblé les membres autochtones des FAC et du MDN, comme si c’était une famille, à une époque où ils étaient encore victimes de racisme et de discrimination.
Le bâton achevé a été présenté pour la première fois lors d’un événement organisé par Anciens Combattants Canada, en 2002. Depuis ce temps, il est présent de façon régulière et respectueuse lors des cérémonies du jour du Souvenir, des cérémonies de passation du commandement, des pow-wow et des événements commémoratifs partout au pays et dans le monde entier.
Le bâton à exploits a été présenté à divers dirigeants des FAC, afin que son message empreint d’unité et de respect soit transmis aux générations futures. Il est également utilisé dans le cadre de programmes et d’événements axés sur les Autochtones au sein des FAC.
Ce qui distingue le bâton à exploits, ce n’est pas seulement ce qu’il représente, mais la façon dont il est traité. Ce n’est pas une simple « possession » de l’armée — on s’en occupe soigneusement.
Cette distinction est très importante.
Ses gardiens suivent des protocoles ancrés dans le droit et la spiritualité des Premières Nations. Le bâton est purifié régulièrement. Il n’est jamais laissé seul, et il est transporté de façon très solennelle.
« Ils doivent en prendre soin. C’est une énorme responsabilité. Et ces [militaires autochtones] ne prennent pas cela à la légère », explique Mme Eisan.
Du pont de rassemblement au SkyDome
Le bâton à exploits a été bien en évidence au pow-wow du Skydome à Toronto, et il a voyagé en Europe pour diverses cérémonies commémoratives, en l’honneur des sacrifices des soldats autochtones au sein de l’armée canadienne. Il est devenu un symbole de la présence autochtone dans le cadre d’une structure militaire qui l’avait longtemps ignorée.
Chris Innis se souvient très bien d’un défilé à Gagetown, un bastion de la tradition militaire. On lui a dit qu’il marcherait avec le bâton, mais en respectant des protocoles rigoureux. Puis, dans un élan de défi empreint de respect, Chris a obtenu la permission du sergent-major du régiment de suivre le rythme du tambour plutôt que les ordres rigides imposés pendant le défilé.
« J’ai marché en suivant le rythme avec le bâton à exploits sur le pont de rassemblement sacré », raconte-t-il en riant.
« Cela n’avait jamais été fait auparavant. J’étais devant tout le monde. J’ai fait les battements d’honneur et tout le reste. À la fin de la cérémonie, le commandant du défilé s’est approché et m’a dit : “C’était la bonne chose à faire.“ Et je me suis dit : Wow. Nous avons fait beaucoup de chemin. »
Connaître l’histoire
Une fois le bâton à exploits fabriqué, ses créateurs ont dû apprendre à le porter.
« Nous avons dû apprendre la manière de le respecter. Nous le savions grâce à nos enseignements, mais nous avons dû intégrer aussi les enseignements traditionnels de nos aînés, de nos grands-mères, de nos grands-pères, de nos tantes et de nos oncles », explique Mme Eisan.
« Mais nous avons aussi dû intégrer la manière militaire de faire les choses. Nous avons commencé à faire connaître ces enseignements aux quatre coins du pays, et nous avons maintenant des porteurs du bâton à exploits partout au pays. »
L’un des nouveaux porteurs du bâton à exploits purifie une plume dans le cadre de la cérémonie de démontage et de reconstruction à Halifax.
Un héritage transmis
En mai 2025, un événement a été organisé à Halifax afin de transmettre le bâton à la prochaine génération de gardiens. Ils l’ont démonté, puis en ont purifié chaque partie avant de le réassembler lors d’une grande cérémonie.
Pour Tony Parsons, la passation du bâton à exploits à une nouvelle génération a été un moment très émouvant.
Il dit que les plumes qui tombent pendant les cérémonies doivent être traitées comme des soldats tombés au combat et honorées avec le même respect.
« Nous faisons tous partie d’un tout, dit-il. L’herbe, les rochers, nous sommes tous connectés. Ce bâton à exploits, il nous représente tous. »
Tony Parsons serre dans ses bras l’un des nouveaux porteurs du bâton à exploits (sous le regard de Kenneth Bennett) après le réassemblage du bâton au cours de la cérémonie à Halifax.
C’est la première fois que le bâton à exploits est confié à de nouveaux gardiens. Ses créateurs en sont responsables depuis sa création.
Ken Bennett dit que son cœur battait très fort lorsqu’il a remis le bâton à exploits à ses nouveaux gardiens. C’était la première fois qu’il le tenait depuis 15 ans et il dit avoir eu l’impression d’être en présence d’un vieil ami.
« Nous avons suivi notre cœur et notre esprit. Je suis très fier d’avoir participé à cela... à cette partie de notre culture ancestrale. Il s’agit d’une source de fierté et d’honneur qui a fait partie d’événements partout dans le monde », affirme-t-il.
M. Bennett ajoute que le bâton à exploits du MDN et des FAC demeure un symbole national de la réconciliation en cours ─ dans laquelle le protocole autochtone rencontre la tradition militaire dans un puissant geste de respect mutuel.
« Ce bâton à exploits représente sans aucun doute notre passé, notre présent et notre avenir, qui s’annonce très prometteur. Il a une si grande signification, et je ne sais pas si toute l’histoire pourra un jour être racontée. »
M. Bennett affirme que cette expérience l’a transformé.
« Lorsque nous avons fabriqué et créé le bâton à exploits, cela m’a aidé à m’épanouir et à devenir ce que je suis », dit-il.
Debbie Eisan, Kenneth Bennett, Chris Innis et Tony Parsons sont des vétérans des Forces armées canadiennes et les créateurs du bâton à exploits sacré des Forces armées canadiennes.
Grâce à leurs efforts, une nouvelle génération de membres autochtones des FAC peut voir son identité culturelle reflétée dans les cérémonies militaires.
Ce sont des vétérans des Forces armées canadiennes.
Le bien-être des vétérans canadiens est au cœur de toutes les activités d’Anciens Combattants Canada. Dans cette optique, nous reconnaissons, honorons et commémorons le service de tous les vétérans et toutes les vétéranes du Canada. Apprenez-en plus à propos des services et des avantages que nous offrons. Si vous communiquez avec ACC et que vous vous identifiez comme un vétéran autochtone, vous avez la possibilité d’être mis en contact avec Services aux Autochtones Canada afin de recevoir des services liés au bien-être mental et qui sont sécuritaires sur le plan culturel en plus des avantages et des services actuels d’ACC, y compris le soutien par les pairs.
Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, un membre de la famille ou un aidant, vous pouvez obtenir le soutien d’un professionnel de la santé mentale en tout temps et sans frais. Composez le 1-800-268-7708.