Attention!
Cette vidéo contient des scènes au contenu graphique qui pourraient choquer, et est réservée à un auditoire averti.
Description
Collection d'entrevues avec des vétérans des Forces armées canadiennes racontant leur expérience du service militaire en Afghanistan. Les vétérans de ce vidéo sont : Étienne Aubé, Dominic Larocque, Natacha Dupuis et Jean Vachon.
Transcription
0_Feature_Afghanistan_FR18 min 31 sec
Étienne Aubé
Bon nous c’est sûr qu’en Afghanistan, c’était suite initialement au conflit qu’il avait eu, l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 à New York, donc pour le « World Trade Center ». Par la suite il y a eu une invasion américaine de l’Afghanistan. Puis la coalition est rentrée là-dedans. En 2004 c’était avec l’ISAF qu’on était, mais c’était plus pour la sécurité. Puis en 2009, par contre, c’était une mission offensive contre les insurgés à Kandahar.
Dominic Larocque
Il est arrivé, je ne me souviens pas exactement de la date, mais à un moment donné on s’est fait dire que le bataillon se préparait à être déployé en Afghanistan, qu’il y avait des formations plus spécifiques pour les missions en Afghanistan. On commençait les entrainements, ce qui était quand même assez court dans mon cas, ça faisait quelques mois que j’étais là seulement. Ils ont bâti un bataillon pour le déploiement, et j’en ai fait partie sur une base totalement volontaire.
Natacha Dupuis
En 2007, je suis sur une liste de 10% pour être déployée en cas d'accident ou de chose comme ça, pour un escadron qui est déjà en Afghanistan. Je reçois l'appel que je pars dans 2 semaines pour aller remplacer quelqu'un qui était blessé.
Jean Vachon
L'Afghanistan c'est long aller là. On part de Québec, on se rend, après ça on a atterri en Allemagne. Ça c'est pas tous les « flights » qui sont allés pareil. Nous autres, c'est un avion nolisé civil. Je ne me souviens pas c'est quelle compagnie, je pense c'est Air Canada nous autres. On est tous en militaire, je suis habillé en tan, comme ça mais tan, habit du désert comme on voyait à la TV de l'Afghanistan. Il y en a qui l'ont fait direct, il y en a qui ont atterri à différentes places. Moi mon vol a moi c'était d'ici, puis je pense c'est Leipzig, en Allemagne, de l'Allemagne après ça jusqu'à Dubaï, et de Dubaï jusqu'en Afghanistan.
Dominic Larocque
Je n’avais jamais vraiment sorti de chez nous, j’avais jamais vraiment vu d’autres pays, d’autres continents. On part du bataillon en autobus, toute l’unité ensemble, on s’en va à l’aéroport de Québec, on embarque dans un avion militaire, civil, mais militaire, puis on est envoyés à Dubaï pour quelques jours, un ou deux jours, le temps de faire la transition.
Natacha Dupuis
Mais quand je suis arrivée à Dubaï, j'ai appris le décès d'un collègue qui était là.
Dominic Larocque
Par la suite on embarque sur un avion militaire Hercules, plus de type, pas combat, mais plus militaire opérationnel, avec tout notre équipement, avec nos armes, prêts pour le combat. On atterrit à Kandahar un ou deux jours après Dubaï.
Étienne Aubé
Oui, définitivement. Oui, oui, c’était un gros choc culturel. C’était la première fois en réalité que j’allais dans des pays, bien, on va se dire, c’est musulman à cent pour cent. Donc on arrive là-bas, c’est les prières dans les « speakers ». Il y a ça, tu sais. Il y a la culture qui n’est pas occidentale du tout non plus là.
Jean Vachon
Puis c'est long, le décalage horaire est très long c'est 8h30 l'Afghanistan le décalage horaire fait que le temps de revenir dans la routine; quand t'arrives là-bas c'est comme une autre planète, mais quand tu arrives à Kandahar, KAF, qu'on appelle Kandahar Air Field, quand t'arrives à KAF, c'est une « ville » dans l'Afghanistan. C'est tellement gros, il y a du trafic, il y a des rues, il y a des arrêt stop, c'est immense comme place puis c'est vraiment tout ce qui est troupes de l'OTAN, fait que c'est gros, gros, gros. Fait que tu as ton petit secteur canadien, nous autres on avait notre petit secteur, puis quand tu arrives là bien là tu reçois ton équipement, puis après ça tu reçois, ceux qui restent sur le camp ont leur chambre, après ça tu reçois des briefings qu'est-ce qui se passe, les derniers jours, qu'est ce qui s'est passé, les morts, des choses comme ça, des tirs de roquettes, des attaques, tu fais des mini pratiques encore comme on trouve, on appelle ça des IED, des Engins Explosifs Improvisés, t'as des mini pratiques encore puis après ça, quand ton temps est venu, là tu t'en vas où t'es supposé aller. Fait qu'ils nous ont envoyé sur une FOB, une base avancée d'opération, qu'on appelait dans ce temps-là c'est Masum Ghar.
Dominic Larocque
On a atterri à Kandahar, un ou deux jours après Dubaï. On a passé, encore là, dans le temps, je ne me souviens pas exactement combien de temps, mais un court laps de temps à Kandahar, à l'aéroport, quelques petites formations de base, côté sécurité, sur le camp, un peu la tendance de ce qui se passe présentement là-bas. Puis après ça on est envoyés, pas au front, on est envoyés sur les postes avancés. Nous on n’était pas à Kandahar, on était plus au sud, dans le district de Panjwai. On était dans le, communément appelé, le bastion des Talibans. J’avais les yeux gros, je veux dire j’absorbais tout ce que je voyais, tout ce que je pouvais assimiler. Voir du désert comme ça pour la première fois, la chaleur. Quand on était à Dubaï, on est arrivés le soir, je me rappelle on était dehors après minuit puis il faisait en haut de 50 degrés Celsius, c'était du jamais vu. Après ça, à Kandahar, tout est nouveau, à la base, tu voyais plein de nations, tout va très vite. Première mission, ça va tellement vite que tu n’as pas le temps de tout réaliser ce qui se passe, t’es rendu au front. C’est rendu à ton poste avancé, c’est là que tout commence, l’entrainement tout commence, les procédures qu’on a pratiqué autant sur le cours de recrue que sur le cours de fantassin, les « shifts » de garde, les patrouilles, les opérations, ça commence là!
Natacha Dupuis
Quand je suis arrivée en Afghanistan, c'est lui que j'ai remplacé, la personne qui était décédée. Ça c'était pas facile parce que là j'arrivais dans une troupe endeuillée, une troupe aussi qui était tissée très serré. C'était de faire sa place, pas trop prendre de place non plus, mais il fallait que je fasse ma place quand même. C'est une place difficile à prendre, la place de quelqu'un qui est décédé au combat, c'est pas facile. J'ai fini la mission avec eux, il restait 2 mois à la mission. J'ai été affectée comme chauffeur du Coyote.
Jean Vachon
Rendu en Afghanistan, on dirait que je me sentais prêt. Il y a des étapes, ça c'est fait, ça c'est fait, je suis rendu là. Ma propre sécurité, un moment donné ça a fait, c'est pas vrai que je vais avoir peur tout le long et que je vais anticiper au cas où je meurs ou que j'aille peur, puis à la fin du tour, si je meurs rien qu'à la fin du tour, je vais avoir passé un tour malheureux tout le long pour mourir et si je meurs pas, tabarouette, j'ai passé tout ça pour ça. J'ai dit non, au jour le jour. C'est la seule fois dans ma vie, vivre le moment présent, ça je le vivais pour vrai. Me lever le matin, c'était là. Puis j'ai trouvé ça beau l'Afghanistan, parce que justement, j'étais capable de me dire c'est beau. Un lever de soleil, wow, un coucher de soleil, même affaire, c'est dont bien beau. C'est vraiment beau, des montagnes avec un petit paysage vert et un gros soleil, le soleil a l'air gros, tu vois la grosse boule et ça descend, je trouvais ça beau. Mais dans la région où on était, oui, c'est beaucoup de sable et de montagnes de même mais il y a de la végétation pareil, parce les champs, il y a beaucoup de champs, oui, il y a du pavot, mais quand au mois de juin, c'est fini le pavot, mai-juin, c'est pour ça qu'on appelle ça la « fighting season », la saison des combats, parce que ceux qui récoltent le pavot, les récoltes de ça pour faire de l'argent, bien là il y en a plus, fait qu'il y en a beaucoup, bien astheur, ils vont dans les talibans, les choses comme ça, ils ont le temps de venir nous tirer.
Étienne Aubé
Nous, dans le fond, les règles d’engagement, je peux en parler. C’était, en ce moment-là, je ne me rappelle plus exactement c’était quoi le chiffre de la règle d’engagement, mais c’était un cadre de mission offensive. Donc, aussitôt qu’on sentait notre vie en danger, ou celle de quelqu’un d’autre, on avait le droit de prendre action directement. Quand venait le temps, soit de tirer sur l’ennemi, ou d’engager une procédure quelconque, on communiquait avec la chaine de commandement, puis on avisait de la situation. Rapidement, l’info découlait, si on voulait de l’artillerie sur une position, ou si on se faisait engager directement. C'est jamais nous qui allait engager l'ennemi parce qu'on savait pas qui était l'ennemi, donc on pouvait pas. Puis la majorité des gens là-bas sont armés, par principe, par sécurité, donc c'est pas parce qu'il y avait quelqu'un d'armé qu'on se mettait à tirer dessus automatiquement, ça marchait pas comme ça. Souvent on attendait qu’ils engagent, par la suite on était capable de l’identifier et de riposter. On n’engageait pas n’importe qui, n’importe quand. Ce n'est pas comme ça que ça marche.
Natacha Dupuis
Mon deuxième tour en Afghanistan, on a eu beaucoup de pertes, c'était en 2009. J'étais là en 2008-2009. Puis c'était des années que ça brassait pas mal, un mort ici, un mort là, des blessés. À la fin du tour j'ai calculé que j'ai vu à peu près 13 véhicules sauter. Il faut imaginer que sur les 13 véhicules, à chaque fois qu'il y a un véhicule qui saute, il y a au moins des blessés, des fois des décès. C'est pas évident. Avoir peur, je serais menteuse de dire que je n'avais pas peur parce que à chaque fois que tu sors, même quand tu ne sors pas et que tu es dans un petit FOB, des petites bases opérationnelles dispersées et on est pas beaucoup là-dessus. On se faisait attaquer là-dessus, on recevait des roquettes. Le 20 mars 2009, on est partis sur une mission de quelques jours. On a couché sur le top d'une montagne, on faisait de la surveillance pendant la nuit. Le matin, on « wrappe » tout ça, on saute dans nos véhicules. On a pas eu le temps de descendre la montagne que le véhicule derrière le mien a sauté sur un engin explosif improvisé. Ça a été catastrophique. Toute une journée. Puis après cette journée-là, c'était plus pareil. J'en ai vu et j'en ai vu, mais ça c'était trop.
Étienne Aubé
Donc on est arrivés là dans le village de Nakonay le 15 juillet au matin à la première lueur. On a commencé, dans le fond, le nettoyage du village. On avait des couloirs de 100 mètres par, je pense, 2 kilomètres, environ. Chaque compagnie avait son couloir, chaque peloton. On a trouvé, la première journée, beaucoup de caches d’armes. On a trouvé des explosifs, des composants de bombes improvisées. On s’est fait engager. On voyait que la place était pas sécuritaire, ça faisait longtemps que Nakonay avait pas été occupé par nous, dans le fond, pas été patrouillé, ou quoi que ce soit. Le lendemain matin, quand on est entrés, on a trouvé plein de composants d’explosifs, de composants de bombes aussi. Au début, je pensais avoir trouvé peut-être une fabrique de bombes improvisées. J'ai demandé aux gars de sortir. Par la suite j'ai continué à investiguer par moi-même. J'avais des chiens avec moi, j'avais une unité canine qui sentait l'explosif. Le chien s'assisait quand il sentait. L'endroit était contaminé, il y en avait partout, fait que le chien s'assisait tout le temps, il était inutile. Mon détecteur de mines sonnait partout, il y avait plein de douilles, ça aussi c'était inutile, donc j’ai continué ma recherche, dans le fond, ma « search », par moi-même. En faisant les procédures, j’ai mis le pied sur un engin explosif improvisé.
Dominic Larocque
Mais c'est arrivé à quelques reprises qu'il a fallu engager l'ennemi parce que on voyait les « splashes » de départ, on voyait les roquettes, des choses comme ça, on était plus en mesure de répondre aux tirs. 2007 a été une année assez difficile en général pour nous, pour l'Armée canadienne, le Royal 22e Régiment. J'ai perdu quelques amis là-bas, dont un assez rapidement, au début aout en fait, je crois que c'est le 19 aout pour être plus précis. J'ai perdu un de mes premiers chums avec qui j'avais fait tous mes cours de recrue, mes cours de fantassin. C'est là vraiment que la réalité a frappé, dans le sens où on était plus en entrainement, tu sais, on pense souvent que dans des films, les super-héros, il n’a pas personne qui va mourir ici, ça va tout le temps bien se terminer pour tout le monde, c'est à ce moment-là qu'on a fait face à la réalité et que ça pouvait arriver à n'importe quel d'entre nous. Puis par la suite c’est arrivé à quelques-uns de mes autres confrères, jusqu’à temps que ça m’arrive à moi, le 27 novembre. En fait, on était à Sperwan Ghar, puis la veille, il y a un des postes avancés qui s’était fait attaquer. Le lendemain matin, on s’en allait les ravitailler, on s’en allait les supporter. Quand on est partis, honnêtement, moi je ne me souviens de pas grand-chose de tout ça, c’est ce que je me suis fait raconter. Il y avait probablement, de mémoire, juste une ou deux routes qui se rendent là, que les Talibans savaient, qu’ils avaient miné les routes. De mémoire, on savait qu’il y avait quelque chose sur la route, on avait arrêté. J’étais le premier véhicule, on avait arrêté le convoi, on avait fait notre procédure, vérifier s’il y avait pas de bombe avec les détecteurs, les « mine detectors ». Les gars ont rien trouvé, ils ont fait avancer le véhicule et ça a adonné qu’il y avait effectivement une mine, une bombe artisanale qui était sur la route. C’est notre véhicule qui a roulé dessus.
Natacha Dupuis
Il restait un bon 2 mois de la mission après. Comment j'ai fait pour finir, j'en ai aucune idée. J'ai fait mon possible. Vraiment, déjà là je me souviens, ça allait pas bien.
Jean Vachon
On verra avec l'histoire, dans une couple d'années d'ici, ils commencent à faire des études, l'Afghanistan ça a rien donné, puis tout, mais moi je peux vous dire que ou est-ce qu'on était, ça a marché. Est-ce qu'aujourd'hui ça marche encore, je ne sais pas, ça a peut-être retombé aux mains des talibans, « whatever », mais quand on était là, moi je le voyais le concret. J’avais des chums qui étaient amers, maudit pays, on a perdu du monde, il y a eu des morts, c'est ça qui est dur avec les gars, sont morts pour rien. Ça donne rien. Moi je dis bien non, c'est du concret, on voit que ça marche. D'un village fantôme à un village avec du monde. Moi, ça marche, je l'ai vu. C'est pour ça dans ma tête, moi je dis, succès.
Natacha Dupuis
J'ai été porte-parole pour la Course de l'Armée l'année dernière. Ça a été une super de belle expérience. Ça me permet, ça ouvre la vitrine de parler du syndrome post-traumatique. C'est encore un peu tabou, il y a beaucoup qui a été fait mais c'est pas encore complètement accepté, je dirais dans l'armée et dans la culture et faire certain qu'on a toute l'aide qu'on a besoin. On sait que le taux de suicide est même plus élevé que le nombre de décès qu'il y a eu en Afghanistan. C'est important de travailler pour que ça s'en aille en diminuant, par ce que c'est un fléau.
Étienne Aubé
Initialement, lors de mes déploiements, je pensais que j'allais à la guerre. Je pensais que j'allais faire la guerre. Je me suis rendu compte que c'était une toute autre chose rendu là-bas. C'est pas du tout ce que c'est en réalité. Comme tantôt, comme je disais, le 10% de l’aspect guerre, c’est vraiment représentatif du pourcentage des missions que j’ai faites, comparativement à toute l’aide humanitaire qu’on a pu apporter, ou faire une différence dans une vie de quelqu’un qui en a de besoin. Parce que c’est du monde souvent très mal pris qu’on va aller aider. Ce monde-là, j’ai vu concrètement ce qu’on fait comme armée, au sein des Forces canadiennes. C’est gigantesque. On a vraiment changé la vie de gens là-bas, directement.
Page Break
1_Ibaceta_Afghanistan_FR 2 m 55 sHR clip #11924
Vous avez été déployé, vous me dites quatre fois en Afghanistan, mais si vous pensez à la première fois que vous êtes arrivé en Afghanistan, comment vous vous êtes senti en arrivant dans un nouveau pays? C’était impressionnant. C’est un choc. C’est un choc culturel, c’est un choc émotionnel. On avait été entrainés pour aller à la guerre, aller en Afghanistan. Mais arriver dans un pays où l’air, où il n’y a pas de végétation. Ouf, les gens débarquent de l’avion, on est armés, c’est vrai. J’étais très impressionné. C’était vrai. La peur, elle s’est réveillée, parce que c’était plus un exercice. Là, c’était vrai. Alors, au « briefing » qu’on a eu, on se l’avait dit, les gars, c’est fini l’entrainement, maintenant c’est vrai. Soyez toujours attentifs parce qu’on se fait attaquer, souvent, alors, alerte. Automatiquement on devient un robot, notre entrainement embarque, la lumière alerte s’active et on devient celui que les Forces ont entrainé. Un vrai soldat. Alors la peur prend place ailleurs. On devient fort, invincible, mais surtout courageux. On se sent courageux d’être là, et on voit les autres et on se dit, les gars, on est là, on est vraiment courageux d’être ici. Ce n’est plus un jeu, un exercice, c’est vrai, on est arrivés. C’est comme un rêve, au tout début, on arrive pas à réaliser que c’est vrai, jusqu’au moment où on entend la première bombe arriver. Paf, première roquette, l’alarme qui part, tout le monde, ça crie, on doit se résigner, faut mettre les vestes, les casques. C’est là qu’on dit oh mon dieu, voilà, on est là. C’est ça. Ma première mission ça a été un grand jeu d’émotions dans la tête, c’était mélangeant.
2_Aube_Afghanistan_FR 1 m 25 sHR clip #11741
Et pour les Canadiens et Canadiennes qui ne savent pas ce qui arrive là-bas, à quoi ça se ressemble un jour typique quand tu es là-bas? Mais nous, mettons, je parle de la mission 2009, où c’est une mission offensive, vraiment, l’aspect guerre en soi, il y avait, ce n’était pas dix pour cent de notre mission en soi. Il y avait beaucoup d’aide humanitaire qu’on faisait à travers tout ça, comme je disais, soit par le déminage de certains villages. On allait souvent faire exploser des « UXOs » on les appelle, donc des bombes pas explosées. Il y a eu longtemps de la guerre là-bas, donc il y a eu des bombes qui sont tombées mais qui n’ont pas explosé. Mais c’était dans leurs villages. Donc c’était très à risque, des mines ou quoique ça soi. Nous, on passait, puis souvent on les trouvait dans les sortes de cache d’armes aussi. Des insurgés les cachaient pour, éventuellement, les utiliser contre nous pour comme faire des bombes. Donc on les détruisait. Il y avait, écoutez, il y avait plein d’aspects au travers tout ça d’aide humanitaire. On parlait de la campagne de vaccination tantôt, d’antibiotiques. On faisait ça. C’est sûr qu’on sécurisait la place contre les insurgés parce que c’était assez, le joug des insurgés était assez violent là, à ces coins-là.
3_Larocque_Afghanistan_FR 2 m 49 sHR clip #11703
Est-ce que vous avez eu des interactions avec la population locale, les enfants là-bas? C’est sûr, à quelques reprises, autant pour le bon côté que le moins bon côté. J’ai eu la chance à quelques reprises d’aller dans des villages. C’est sûr que moi, c’était moins mon rôle de discuter ou de côtoyer la population comme tel, en plus moi j’étais la sécurité. C’était plus les officiers ou les supérieurs qui discutaient avec la personne en charge du village pour avoir des informations, des choses comme ça, mais des enfants, il y en avait partout, ils étaient quand même impressionnés de nous voir, on leur donnait des bouteilles d’eau, des chose comme ça, quand on le pouvait. J’ai eu la chance de soigner quelques enfants qui avaient été blessés durant un accident de véhicule. Justement, les gens regardaient tout ce qu’on faisait et arrêtaient de regarder en avant, et à un moment donné, juste en avant de moi, les deux véhicules ont rentré face à face. Ils n’allaient pas très vite, mais c’était assez pour, il y avait plusieurs enfants à bord qui ont été blessés légèrement. C’est arrivé à quelques reprises. Donc, est-ce que vous avez eu des interactions positives avec les gens là-bas? En général oui, en général ça a bien été. Il y a eu plusieurs point de fouille, de contrôle, que j’ai eu la chance de faire. J’ai interagi avec plusieurs Afghans là-bas. Aussi plusieurs opérations de combat que j’ai eu la chance, que j’ai eu l’opportunité d’affronter, je ne sais pas le terme exact, de « dealer » avec eux, l’autre côté de la médaille. Est-ce que eux, je veux dire, la population, étaient contents de voir les Forces canadiennes? Je dirais que oui, en général les gens étaient contents, c’est sûr que la façon que ça fonctionne là-bas, beaucoup ça marche avec le chef du village, et si tu as le chef du village de ton côté, le village va être de ton côté. C’est sûr que d’un autre côté, quand il y a une force invasive qui vient dans ton pays, eux ont pas internet, ils n’ont pas nécessairement la télévision avec les nouvelles qui leur donnent exactement l’heure juste à chaque fois. Ils se font dire par leur chef de village, qui est peut-être associé aux Talibans, qu’on n’est pas là pour les bonnes raisons, c’est plus dur de se faire accueillir. Mais dans l’autre village, ça allait super bien, les enfants, tout le monde était super content de nous voir. On jouait avec les enfants au soccer, des choses comme ça. Ça dépend vraiment de où on allait et c’était pas mal tout le temps les zones moins sécuritaires, plus dangereuses, il fallait qu’on fasse plus attention.
4_Lapointe_Afghanistan_FR 3 m 08 sHR clip #12019
En avril 2009, on s’est déployé avec un escadron de « counter-ID », nous étions en charge d’enlever les bombes artisanales, d’identifier les réseaux qui mettaient ces choses-là en place et aussi de nous assurer de protéger et éduquer la force au moyen de résister à ces choses-là, de ne pas être aussi susceptibles. On avait un escadron d’une trentaine de personnes, peut-être un peu plus, c’était relativement un petit escadron. Nous déployions des équipes à différents endroits en théâtre. Ces équipes-là avaient l’entrainement et les équipements nécessaires pour neutraliser les engins improvisés. Au bout de 5 mois dans le tour, j’étais déployé sur une opération démontée, donc on était à pied pour faire une opération dans un endroit qui n’était pas très loin du village natal du mollah Omar. Au bout de quelques jours pendant cette opération-là, c’était rendu à mon tour d’être l’opérateur, d’aller désamorcer une bombe. On est arrivés sur les lieux, j’ai commencé à prendre des actions pour contrôler la première bombe qui avait été détectée, découvert une deuxième bombe, un fil menant à une deuxième bombe, réorganisé le plan, commencé à prendre contrôle du deuxième et à ce moment-là j’ai marché sur ce qui était probablement une mine anti-personnelle (PMN), qui m’a enlevé le pied droit. Ils m’ont immobilisé là, ils ont mis un tourniquet, 15 minutes plus tard environ, un hélicoptère est venu me chercher, je suis allé à Kandahar Air Field, ils ont fini d’amputer le pied. Ils m’ont amené en Allemagne à Landschul. À ce moment-là, ils ont réouvert encore, nettoyé encore la plaie, j’avais aussi du sang dans l’œil, ils ont regardé tout ça et deux jours après, ils m’ont ramené à Québec, où j’ai pu rencontrer mon épouse et les enfants et ils ont opéré une dernière fois pour fermer ça et ça été la fin du tour.
5_Dupuis_Afghanistan_FR 2 m 38 sHR clip #11006
Le fait d'être une femme dans un monde d'hommes dans un métier généralement occupé par des hommes la plupart du temps, est-ce que ça a eu un impact? Dans ma carrière, le fait d'être une femme, je ne peux pas mentir puis dire que ça a pas fait de différence. Ce n'était pas facile. Quand je regarde en arrière, je me souviens qu'à chaque fois que j'étais transférée de troupe ou d'escadron, c'était à recommencer, il fallait que je fasse mes preuves parce que j'étais une femme. Il n'y en presque pas de femmes dans les métiers de combat. Je sais que dans mon métier on est à peu près peut-être deux femmes pour cent hommes. C'est pas un très haut ratio. Souvent, surtout les vieux de la vielle ne veulent pas de femmes. Eux autres ont été habitués qu'il n'y en avait pas, ça ne fait pas toujours l'affaire. Souvent, il faut toujours en faire le double de la moyenne pour être acceptée et pour leur faire réaliser que tu es capable. Des fois je regardais ça puis je voyais, mettons un gars dans la même troupe que moi, qui est à peu près 40 livres de moins que moi, plus petit que moi, mais personne en faisait de cas. Tu sais, c'est un gars. Mais une femme c'est non, il fallait que je travaille deux fois plus fort. Ça a été une carrière difficile dans ce sens-là. Par contre, ce que je peux dire, et une chose que je peux être fière, c'est, on parlait tantôt de l'Afghanistan, l'événement qui est arrivé, on était deux femmes qui ont réagi sur ça. Moi et une autre et on a bien réagi. On a tout fait ce qu'il y avait à faire. Je me souviens être en train de descendre une montagne avec un gars sur une « stretcher », un gars d'environ 250 livres. Un gars en avant puis moi en arrière et puis je l'ai descendu le gars de la montagne. Il n'y a pas personne qui pourra venir me reprocher que parce que j'étais une femme, t'étais pas capable. C'était deux femmes et on l'a fait.
6_Vachon_Afghanistan_FR 2 m 14 s HR clip #10341
C’est sûr que il y a des périodes plus dures de juillet à août qu’il y a eu parce qu'il on a eu des décès. Il y a eu des morts, il y a eu des IED, on a eu des blessés graves, il y en a un qui a perdu un œil, il y en a un autre qui a perdu un pied, ça pas été parfait, dans l'équipe drette où ce qu'on était, c'est l'Afghanistan pareil. On a été chanceux, il y a une des sections avant qu'on parte, sont allés un petit peu plus au nord, de notre limite, puis un moment donné, ça fait un gros boom puis là j'entendais rien sur la radio puis là le cœur m'a arrêté, non, puis là le Sergent répond puis a dit « IED strike », mais il a dit aucune perte. Là, je capotais, mais là après ça il a pris des photos et quand il contait il a été vraiment chanceux parce que il marchait dans le village… C'était une patrouille à pied ? Une patrouille à pied, on faisait tout à pied, quasiment, puis les gars aimaient mieux à pied, ils marchaient à pied, puis ils auraient pu tomber dans un genre d'embuscade, une trappe, parce que il y avait, si je me trompe pas, je pense, 32 obus un à côté de l'autre. Les talibans, il y a ça, ils nous étudient, ils s'adaptent à nous autres, il y avait mis les mêmes distances. Nous autres, quand on marche en patrouille, c'est souvent 5 mètres de distance, ils avaient tout espacé à 5 mètres le long du mur, fait que c'était une place où est-ce qu'il y avait des bâtisses, c'était un entonnoir, c'était une trappe. Mais c'est de même partout en Afghanistan. Fait que lui est passé avec sa section, il est allé voir quelqu'un, un chef de village ou des villageois, puis pour moi, le gars qui pèse sur le trigger… Donc ça c'était pas… c'était à distance ? Non, ça devait être à distance… Il y a quelqu'un qui… Il y a quelqu'un qui les a observés, c'était pas par hasard, parce qu'ils ont passé là, fait qu'il a dû les voir dans le village puis est allé ploguer ses affaires, ça c'est ce qu'on pense, puis probablement qu'il pensait que quand ils avaient fini ils auraient retourné par le même chemin, mais la patrouille est passée l'autre bord, fait que lui a pesé sur le piton. Fait que ça a « blowé », tu vois les gros… on aurait perdu 10 gars d'une shot de même. I : Donc il y a eu plusieurs cratères ? JV : Oui, tous dans le mur, tu vois toute la gang, c'est pour ça on pouvait les compter. Tout a « blowé » puis tout le mur d'en face. Fait que la section, je sais pas, je dis 10, mais dans ce temps-là je pense c'était une plus grosse section pour faire des patrouilles, mettons 18 gars. Les 18 gars auraient été « wipés out ».