Sélection de la langue


Recherche sur veterans.gc.ca

Irene Maria Armstrong

Mme Colleen Pidgeon, de l'administration centrale à Charlottetown, nous a fait parvenir l'histoire qui suit. Le texte traite du service militaire en temps de guerre et est tiré d'un essai rédigé par la mère de Mme Pidgeon, Irene Maria Armstrong, et intitulé « My Service Days During and After WW II » (Mon service militaire pendant et après la Seconde Guerre mondiale). Mme Armstrong a fait partie de la Division féminine de l'Aviation royale du Canada (ARC) pendant environ deux ans, soit de juin 1944 à août 1946.

« Lorsque j'avais 18 ans, au début de l'année 1944, je travaillais au ministère de la Marine et j'effectuais la correction des livres. J'avais décidé de joindre les rangs de la Division féminine de l'ARC. Après avoir rempli les formulaires d'usage et avoir passé l'examen médical au bureau de recrutement d'Ottawa, j'ai été assermentée. On m'a ensuite dit de me présenter au centre de recrutement de Rockcliffe le vendredi suivant. Je suis retournée à mon travail pour remettre ma démission. Mon directeur, qui avait été dans la Marine au cours de la Première Guerre mondiale, m'a dit : « Il est hors de question que vous nous quittiez pour joindre un service de débutants! C'est une trahison! »

Je suis donc retournée au bureau de recrutement et j'ai fait le récit de mes malheurs. « Un instant! Vous avez un chapeau? » m'a alors demandé l'officier responsable. Il voulait m'amener sur la Colline du Parlement et, à cette époque, une femme ne pouvait entrer dans les édifices du Parlement si elle ne portait pas de chapeau. Je n'avais qu'un mouchoir agencé à ma robe, mais l'officier m'a dit que cela ferait l'affaire. Nous nous sommes donc rendus sur la Colline du Parlement et il m'a demandé pour quel parti mon père avait voté. Comme je ne savais pas à quel parti mon père avait accordé son vote et que j'étais moi-même trop jeune pour voter, nous sommes donc allés rencontrer le député de l'officier de recrutement. Pendant que j'attendais dans le bureau de la secrétaire, l'officier racontait mon histoire au député. Ce dernier m'a ensuite invitée à entrer dans son bureau et m'a demandé : « Est-ce que le directeur vous a accusée de trahison parce que vous vous étiez engagée? » J'ai répondu que c'était le cas et il m'a dit : « Et bien, c'est ce que nous allons voir! Pour l'instant, rentrez chez vous. Donnez-moi votre numéro de téléphone et je vous téléphonerai d'ici 15 h. » Fidèle à sa parole, il m'a téléphoné et m'a transmis ses « instructions » : « Prenez l'après-midi de congé et remettez votre démission dans sept jours. Ne discutez pas avec votre directeur et si une prise de bec survient, téléphonez-moi. » Il se demandait si je faisais bien de joindre les rangs. J'abandonnais mon travail au gouvernement et un salaire de 56 $ par mois pour une chambre et pension, un uniforme et 0,90 $ par jour pour devenir un membre de la DF de l'ARC.

Je me suis présentée à Rockcliffe une semaine plus tard, en juin 1944. Ce même jour, Ethel Coombs, une autre recrue d'Ottawa, s'est aussi présentée et c'est avec elle que j'ai partagé ma couchette à Rockcliffe. (Nous sommes restées amies depuis et nous nous sommes récemment rencontrées à la dernière réunion de la DF qui avait lieu à St. John's, Terre-Neuve, en juillet 1998.) Après avoir reçu l'entraînement de base, j'ai choisi le métier d'auxiliaire aux soins hospitaliers, l'ancêtre du métier d'infirmière auxiliaire d'aujourd'hui. J'ai été envoyée à Saint-Thomas, en Ontario, à l'École d'instruction technique (EIT), un établissement construit à l'époque où le Parti libéral était au pouvoir en Ontario, pendant le mandat de Mitch Hepburn, et qui était à l'origine un hôpital psychiatrique de 250 lits. L'établissement était inoccupé au moment où la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Le gouvernement fédéral en a alors pris possession et l'a transformé en école de métiers. La majeure partie du bâtiment était souterraine, il y avait 17 kilomètres de corridor, toutes les fenêtres étaient munies de barreaux et les salles de bain avaient été conçues pour répondre aux besoins des déficients mentaux.

Nous portions nos insignes sur nos uniformes et mon nom figurait clairement sur la mienne : Armstrong. Ma première rencontre avec un blessé de guerre est survenue peu de temps après mon arrivée à l'hôpital, lorsque nous avons reçu un patient qui avait été sauvé d'un avion en flammes en Angleterre. Il est arrivé à Saint-Thomas en provenance d'Ottawa après avoir passé 23 heures sur une civière dans le fourgon à bagages d'un train. On m'a demandé de lui donner un bain et de lui servir un repas. Malgré le pansement enroulé autour de sa tête, je pouvais apercevoir une petite tache rouge sur son front. Deux de ses membres, un bras et une jambe, étaient dans le plâtre. Pourtant, je ne voyais pas son autre bras. Avait-il encore son autre bras? Oui, les médecins l'avaient fixé sur son abdomen de façon à ce qu'une nouvelle peau pousse sur ses doigts. J'ai nettoyé mon patient du mieux possible étant donné son état et j'ai tenté de lui trouver une position confortable. Je me suis ensuite rendue dans notre cuisine rudimentaire pour lui préparer un bol de soupe.

Comme on m'a transférée de l'unité des soins aux brûlés à une aile de soins aux patients souffrant de rhumatismes et d'arthrite, je n'ai plus revu mon patient brûlé. Quelques semaines plus tard, j'étais au cinéma quand un beau jeune homme s'est approché de moi et m'a dit :

« Bonjour, Armstrong. » C'est grâce à la petite tache rouge sur son front que j'ai pu le reconnaître. Il m'a taquinée et m'a demandé : « Vous ne me reconnaissez plus maintenant que je suis habillé? » Les médecins ont effectué un merveilleux travail de restauration avec mon premier patient. J'ai travaillé à l'hôpital de Saint-Thomas pendant onze mois et je garde beaucoup de bons souvenirs de mon séjour là-bas, dont les permissions de passer la fin de semaine à London et les concerts de Louis Armstrong et d'autres big bands à la salle de danse de Port Stanley.

Après le débarquement, nous avons soigné encore plus de blessés. Nos patients étaient de jeunes hommes malheureux dont les jours de combat étaient maintenant terminés et qui devaient se refaire des forces pour surmonter leurs handicaps et reprendre une vie normale. J'étais en congé quand la guerre a pris fin en Europe. Le personnel de Saint-Thomas a rapidement été affecté ailleurs et on m'a transférée à Lachine, au Québec, où, encore une fois, j'accueillais des soldats qui nécessitaient des soins médicaux poussés avant d'être démobilisés.

Certains de nos patients avaient encore l'usage de leurs jambes et pouvaient obtenir une permission d'un jour pour aller à Montréal. À leur retour, je leur demandais souvent s'ils avaient passé une bonne journée et ils me répondaient : « Oh oui! Nous sommes allés au Gaiety. » Un après- midi de fin de semaine, j'étais en visite chez ma tante quand nous avons décidé d'aller voir un spectacle. Je lui ai proposé d'aller au Gaiety. Elle a mis son manteau de fourrure et je portais mon uniforme de l'ARC pour l'occasion. Elle venait tout juste d'emménager à Montréal et n'en savait pas plus que moi sur le Gaiety. Il s'agissait en fait d'un théâtre burlesque qui présentait des spectacles d'effeuilleuses! Cette histoire nous a bien fait rire pendant des années. Après que ma tante a perdu l'usage de la parole, je lui rappelais souvent cet après-midi particulier, ce qui la faisait toujours sourire. Je n'ai plus jamais demandé aux jeunes hommes s'ils avaient passé un bel après-midi!

À Lachine, le travail était réparti sur deux quarts. L'un était de 7 h à 17 h et l'autre, de 17 h à 7 h. On pouvait généralement partager le quart de nuit, de minuit à 6 h, avec l'infirmière militaire de service. L'une des tâches essentielles du quart de nuit était de veiller à ce que la cuisinière ne s'éteigne pas. À minuit, nous préparions une grande quantité de café et à 3 h, encore vêtues de nos uniformes blancs, nous devions mettre sur le feu un seau rempli de charbon en espérant qu'il brûle bien de façon à ce que le feu soit prêt pour les cuisiniers qui arrivaient à 5 h 30. Si le feu n'était pas prêt, on risquait d'essuyer la colère du cuisinier en chef!

Après mon départ de Lachine, où j'ai rencontré mon mari en juin 1946, je me suis rendue à Trenton, en Ontario. Il m'a offert une bague à diamant le jour où j'ai été démobilisée, en août 1946. Il est resté dans l'ARC et, après notre mariage, j'ai repris ma vie dans les Forces, mais à titre de personne à charge! »

Irene Maria Armstrong
Date de modification :