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Une élève-infirmière en temps de guerre en Angleterre

Ce récit a été proposé par Nicki Pozzi, du bureau du district de Windsor. Elle provient d'Irene D. Courtenay, qui était soeur-infirmière en mission outre-mer.

Dans un premier temps, la déclaration de guerre en septembre 1939 ne changea pas grand chose à notre quotidien. Puis, un magnifique dimanche après-midi ensoleillé, les premiers raids aériens semèrent la mort. Au nombre des décès figurait celui de l'une de nos infirmières spécialiste des rayons-x et celui de sa mère. Leur maison avait été directement atteinte par un obus et seule la cage d'escalier demeurait debout. Étant donné que j'étais en poste à la salle d'urgence, il me fallut aider à traiter les blessés et à prendre soin de ceux qui étaient admis à l'hôpital. Par chance, seul un chapelet de bombes avait été largué. Elles tombèrent sur une zone résidentielle, aussi, le nombre de blessés fut faible. Tous étaient hébétés, et nombre d'entre eux avaient subi des coupures par des éclats de verre, car ce n'est que plus tard que l'obligation de coller des rubans adhésifs sur les vitres entra en vigueur. Plus de 200 éclats de verre furent extraits du corps d'un blessé. Les éclats étaient petits et, bien que douloureux, ils ne menaçaient pas sa vie.

élève-infirmière en temps de guerre en Angleterre

Dès le début, en faisant des essais et en apprenant de nos erreurs, ainsi qu'en tirant profit de l'expérience des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, notre vie s'organisa. Certaines pratiques s'avérèrent efficaces et furent reprises, alors que d'autres s'avérèrent irréalisables et furent abandonnées. Au nombre de ces dernières, figurait la politique voulant que toutes les étudiantes-infirmières se présentent à l'hôpital en uniforme, cinq minutes après que la sirène d'alerte de raids aériens se soit déclenchée. L'impossibilité de mettre en pratique cette politique devint évidente lorsque Londres fit l'objet d'un bombardement intense, car les avions survolèrent notre secteur. L'alerte de raids aériens commença aux environs de 21 h et dura jusqu'à 6 h. Les employés, incluant les étudiants, s'épuisèrent rapidement, car ils avaient déjà travaillé durant 12 heures et la politique fut donc modifiée. Puis nous dûmes suivre une formation supplémentaire.

Notre hôpital fut nommé centre de décontamination, car la possibilité d'une guerre chimique était tout à fait réelle. La formation était ardue. Trois fois par semaine, après nos quarts de travail habituels de 12 heures, on nous remettait une tenue complète de protection, à l'exception des appareils respiratoires, et nous éprouvions donc des difficultés à respirer durant les deux heures que nous passions à soulever des objets lourds et à effectuer les procédures complètes de décontamination, en portant les masques à gaz civils qui nous avaient été distribués et qui n'étaient pas prévus pour ce type de travail.

Une telle somme d'expériences ne fait généralement pas partie de la formation d'une infirmière. Un jour, notre hôpital a dû être vidé pour admettre des patients d'un hôpital de Londres qui devait être évacué en raison des bombardements. La nuit, je me retrouvai temporairement seule dans une aile renfermant 44 patients du service de chirurgie et une foule de matelas supplémentaires qu'on devait utiliser pour abriter les patients alités durant les raids aériens, étant donné qu'à cette époque, les services ambulatoires n'existaient pas. Nous subîmes un raid aérien intense cette nuit-là. Les bombes tombaient, un duel aérien se déroulait au-dessus de nos têtes, la RAF ayant intercepté les avions ennemis, le tout accompagné d'une pluie d'obus, d'un poids imposant de 100 livres tirés par l'artillerie au sol. Alors que je soulevais les matelas pour protéger les patients, la sirène de fin d'alerte se fit entendre, juste avant que je ne parvienne au dernier de mes patients et que ma compagne de travail ne reprenne ses fonctions.

Mon dernier jour à l'hôpital fut inoubliable. J'avais fini ma formation, passé mes examens écrits, oraux et pratiques et j'étais attablée avec mes collègues pour un repas de fin de session. Nous venions juste de commencer à manger, lorsqu'un raid aérien intense commença. Attrapant une tenue opératoire pour couvrir mes habits de ville et, chaussée de sandales à talon haut, je travaillai à partir de midi et 19 h avaient sonné lorsque je terminai. Je n'oublierai jamais mon dernier patient. Un jeune homme de l'Armée de l'air. Il était l'un des derniers rescapés retrouvés sous les décombres d'un hôtel bombardé qui avait été réquisitionné par la RAF. Heureusement, la majorité des hommes étaient en manoeuvres, sinon les pertes auraient été beaucoup plus élevées. Ce blessé, calme et ne se plaignant jamais, resta étendu sans bouger pendant que je prenais soin de ses blessures et que je nettoyais ses yeux remplis de poussière et de boue, de manière à ce qu'il puisse voir à nouveau.

J'étais l'une des soeurs-infirmières du S.S. Santa Elena qui connut un sort tragique, lorsqu'il fut torpillé et qu'il sombra, alors qu'il ralliait l'Italie. Lorsque je revins en Angleterre, après la campagne d'Italie, je fus l'une des trois soeurs-infirmières qui escortèrent un navire bondé d'épouses de guerre anglaises et de leurs enfants qui revenaient au Canada. Je travaillai durant un an pour un hôpital à mon retour au pays et pour la première fois depuis des années, je vis des cicatrices et des guérisons partielles chez ceux qui avaient été blessés au combat.

Irene D. Courtenay R.N., B.ScN, M.P.H.,
Corps de santé royal canadien
Ancien lieutenant, soeur-infirmière
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