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L'effort de guerre au pays

Le récit qui suit provient de Beverly Greig, de Victoria. C'est celui de sa mère, Gladys Muriel (Berg) Greig.

« Le 13 juillet 1942, à Sussex (Nouveau-Brunswick), Gladys Muriel Berg a épousé William George Greig. Trois semaines plus tard, Bill est parti outre-mer. Il était caporal dans le Corps royal de l'intendance de l'Armée canadienne, dans lequel il escortait à motocyclette les camions de ravitaillement qui montaient au front.

Je suis retournée à Toronto chercher du travail, car il fallait des gens pour appuyer l'effort de guerre. J'ai passé la guerre à l'usine de chaussures Bata de Batawa (Ontario). Le gouvernement du Canada a fait venir ici Thomas Bata, quinze de ses principaux adjoints et leur famille. Ils exploitaient une usine de munitions qui finissait des amorces d'obus de 75 livres.

J'ai travaillé toute la guerre à la section des amorces. Mon premier travail consistait à emballer les amorces après leur inspection par le gouvernement. Les femmes qui travaillaient là étaient les épouses d'aviateurs du centre d'instruction de l'aviation situé à Trenton. Les amorces étaient emballées dans du papier et placées dans des boîtes puis envoyées à une autre usine. Comme passer la journée à emballer des amorces était plutôt ennuyeux, j'ai demandé à travailler aux machines.

J'ai été affectée à deux sortes de machines différentes : le tour et la fraiseuse. J'aimais vraiment faire fonctionner les machines, surtout le tour, qui servait à réduire la base de l'amorce à une épaisseur précise. L'amorce passait ensuite à la fraiseuse, qui faisait deux petites entailles sur les bords, au milieu de la base.

Je ne me rappelle plus très bien, mais je pense qu'il y avait trois quarts de huit heures. Je faisais partie de l'équipe de relève, celle qui travaille de 16 heures à minuit.

Une maison de deux étages destinée au personnel faisait partie des installations. Je partageais une chambre à l'étage avec une autre jeune femme. Nous avions deux lits simples, un petit bureau, une chaise et deux penderies. Un miroir était fixé à la porte de chaque penderie.

J'ai une photo de moi portant une robe neuve, assise sur mon lit. En 1949, je me suis servi du bas de la robe en question pour recouvrir le berceau de ma fille Brenda.

Contre des frais modiques de gîte et de couvert, votre chambre était nettoyée et vous aviez chaque semaine des draps et des serviettes propres. On vous remettait aussi un billet de repas. Une buanderie, où vous pouviez laver vos effets personnels, était au bout du couloir. La maison était à cinq minutes de marche de l'usine, où se trouvait la cafétéria, au deuxième étage. Nous prenions tous nos repas là. Le billet de repas était poinçonné chaque fois que nous l'utilisions.

J'avais commencé dès l'âge de 16 ans à travailler pour des enseignants et des médecins, à prendre soin de leur maison et de leurs enfants. Pour la première fois, j'étais seule et je n'avais à répondre que de moi. J'ai une photo de l'équipe de relève de la Bata Shoe Company of Canada datant de juin 1943, où l'on voit 48 femmes et trois hommes.

Le gouvernement avait aussi construit dans la région des habitations à loyer modique qui étaient très bien. Une salle où des services religieux de l'Église unie avaient lieu le dimanche s'est aussi ajoutée. Il y avait également une église catholique. Un autobus était disponible pour nous emmener à Trenton, où nous faisions nos emplettes.

Nous étions très loin de la guerre, exception faite de l'éloignement de nos maris et de nos frères; pour bien des gens, la vie n'avait jamais été aussi bonne. Nous venions de sortir de la crise. La plupart des habitants des provinces de l'Ouest et des Prairies n'auraient jamais voyagé d'un océan à l'autre si ce n'avait été pour s'entraîner dans des bases militaires.

Quand la guerre a pris fin, je suis restée à l'usine Bata. Je travaillais dans le service de coupe de la tige des chaussures. Bill est revenu tout de suite après Noël, en 1945. Quand j'ai appris qu'il était en route, j'ai fait ma valise et j'ai pris le train à destination de Ketchen (Saskatchewan). Je suis arrivée chez moi un jour avant lui. Notre famille a eu de la chance : mon mari et mes trois frères sont tous revenus.

Mon frère Doug, qui est de deux ans mon cadet, était dans le service de santé. Après la guerre, il a étudié la médecine à Saskatoon. Je crois que le gouvernement payait un an d'études par année de service. Il est devenu chirurgien et a aussi fait de la recherche dans le domaine du cancer.

Je ne me rappelle pas combien je gagnais, mais c'était assez pour vivre. L'armée m'envoyait chaque mois une partie de la solde de Bill, que j'ai réussi à économiser. À son retour, j'avais mis entre 700 et 800 dollars de côté, ce qui était suffisant pour nous permettre de prendre un nouveau départ.

Le ministère des Anciens Combattants a été très bon pour nous au fil des ans. Nous avons acheté notre première maison à Victoria par l'entremise de l'OEAAC. La pension d'invalidité de Bill et les autres avantages dont nous avons profité au fil des ans au fur et à mesure que sa santé se détériorait nous ont beaucoup aidés. Mon mari est décédé le 20 octobre 1995, à l'âge de 76 ans. J'aurai 80 ans à mon prochain anniversaire, en décembre. »

Gladys Muriel (Berg) Greig
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