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Leo O'Neil

Le présent récit a été proposé par Elizabeth Clarke, de l'administration centrale de Charlottetown, et il relate l'histoire de son grand-père, Leo O'Neil.

« Il naquit en 1900, à St. John's, Terre-Neuve. Sa mère mourut en le mettant au monde, laissant derrière elle une famille de trois filles, outre le bébé. Son père se noya 13 ans plus tard. En 1914, la guerre éclata en Grande-Bretagne; à Terre-Neuve, qui était alors colonie britannique, tous les hommes de 16 ans et plus furent appelés sous les drapeaux. Leo avait alors 14ans et subvenait seul aux besoins de la famille, son père éant décédé. L'hiver approchait et la nourriture se faisait rare. La famille jubila lorsque Leo attrapa un lapin du côté de Southside Hills; on allait enfin manger de la viande, après tant de privations. Profitant du fait que sa famille était bien disposée, Leo avoua qu'il s'était enrôlé pour aller à la guerre plus tôt le même jour. Ils réagirent très mal; May, la soeur aînée, menaça d'aller aviser les responsables du ministère de la Guerre de son âge réel. Il déclara:«May, laisse-moi t'expliquer. Si je vais au combat, je serai payé et je pourrai vous aider à survivre cet hiver. Si je reste ici avec vous, nous mourrons peut-être tous de faim». Alors May n'ajouta plus un mot.

Il rejoignit les rangs des Blue Puttees, qui faisaient partie des « 500 premiers » et qui, encore aujourd'hui, sont connus sous le nom de Fighting Newfoundlanders. Il fut affecté à un convoi à destination de la France et de Beaumont-Hamel; il fêta son quinzième anniversaire sur place. Il raconta plus tard à sa famille que les tirs étaient incessants et qu'il n'y avait aucun moyen d'y échapper. Un jour, une pluie de balles déferla sur lui et sur ses camarades, alors qu'ils étaient réfugiés dans une tranchée. Il raconta que tous ses compagnons moururent ce jour-là et qu'il pensa y passer lui aussi. Sa jambe gauche fut sectionnée, et des éclats d'obus lui déchirèrent une partie de la main et le dos. Il n'avait aucun souvenir des événements qui suivirent. Il se réveilla des semaines plus tard et se pensa rendu au ciel lorsqu'il vit une femme tout de blanc vêtue penchée sur lui. « Même sa tête était couverte d'un voile blanc ». Lorsqu'elle lui adressa la parole dans une langue étrangère, il se rendit compte qu'il était blessé et qu'il se trouvait dans un hôpital français.

Lorsqu'il eut récupéré suffisamment pour voyager, on le renvoya chez lui. Il se souvenait que Lady Walyn était venue accueillir les soldats, la plupart amputés, à leur descente du navire. Elle remit un paquet de cigarettes à chacun d'eux en les remerciant. Je vous épargne ses commentaires sur cette partie du récit. Il rencontra Elizabeth Moores, d'Avondale, à Terre-Neuve, et l'épousa. Ils eurent cinq filles et un garçon. La guerre éclata de nouveau en 1944. Sa fille aînée, Mary, rejoignit alors le service féminin de l'armée canadienne (WAC). Leo reçut une terre de la Couronne du ministère de la Guerre. Il trouva du travail comme employé d'entretien à la Newfoundland Railway, où il balayait et nettoyait les planchers. Il y demeura jusqu'à la retraite, au cours des années 60. Ses capacités étaient limitées, car il lui manquait une partie de la main; ce qui en restait ressemblait à une patte à laquelle seul un pouce était rattaché. Je me souviens que, jeune, je l'observais, fascinée, enlever chaque jour sa jambe de bois et se déplacer gauchement en s'appuyant sur des béquilles. Il affirmait que le bas de laine qu'il portait par-dessus son moignon toute la journée provoquait des irritations qui diminuaient lorsqu'il l'enlevait le soir. Il vécut paisiblement les 60 dernières années de sa vie et ne partit plus jamais à l'étranger. Il mourut en paix dans son sommeil en 1976.

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