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Difficiles retours à la maison

Des héros se racontent

Difficiles retours à la maison

Transcription
Intervieweur : Quand on revient à la maison, c'est quoi la réaction, le premier tour que vous avez fait, la première fois que vous êtes revenu à la maison? Il faut comprendre que quand moi je pars, le temps s'arrête pour moi. Je m'en vais là-bas, je fais mon travail. Mais ce qu'il faut comprendre, en parallèle, le temps continue réellement. Pour moi il s'arrête, mais en réalité il continue. Eux vivent. L'épouse doit continuer, les enfants vont à l'école, ils mangent, l'épicerie, la neige, tout ça, ça vire. Pendant 6 mois, ils font leur petite vie à eux. Quand tu reviens, tu déranges tout ça. Ils ont pris une routine. Tu n'es plus dans la gang, tu sens que tu déranges quand tu reviens chez vous. Ce n'est plus pareil. Tu n'es plus dans leur dynamique, tu es encore dans la tienne. Il n'y a plus 700 personnes dans ta cuisine, vous êtes 2-3. Il n'y a plus de bruit. Tu peux te retrouver tout seul. Ça peut arriver et ça hante. C'est différent, c'est bizarre, il n'y a plus rien de pareil. Tu peux prendre une douche de 20 minutes, tu peux parler au téléphone 2 heures, tu peux aller t'acheter un Big Mac, tu peux tout faire ça, tu es libre. Ça devient épeurant. Qu'est-ce que c'est ça, où suis-je? Comment ça se fait que tout d'un coup, hier ce n'était pas ça puis aujourd'hui c'est ça. Eux le temps continue et nous ça arrête au moment où on est parti. On s'attend de le reprendre quand on revient, mais ils ont évolué, pas nous. Intervieweur : Donc, la réaction de vos proches? C'est différent, on dérange, on sent qu'on change leur dynamique, l'élan qu'ils ont pris, le rythme qu'ils avaient, on vient ralentir ça, on est plus, on est pas dedans pantoute. Là on repart, parce que souvent on revient en période de vacances, on repart, décalage horaire, on retourne dans notre monde de fous, 700 personnes dans la cuisine, il y a toujours quelqu'un à côté de toi, ça redéphase encore pour un bout de temps, on reprend l'habitude de ça et ensuite on revient pour la fin de notre tour, et ça recommence. Intervieweur : Vous l'avez vécu plus qu’une fois, est-ce que chaque fois c'est la même chose? La seule fois où je n'ai pas senti que je dérangeais quelqu'un c'est au moment où je me suis retrouvé seul, divorce, la garde des enfants était à l'épouse, je suis revenu dans une petite maison que je m'étais achetée à moi. Je n'ai pas dérangé personne, j’étais tout seul. C'est le seul temps où j'ai senti que je ne dérangeais pas, pour ma part. Intervieweur : Une fois de retour à la maison, comment ça se passe le retour à la vie civile? Pour ma part ça a été relativement difficile parce que, pour être soldat, ça prend des qualités spéciales. À mon avis, il faut être dur, faut être endurant, faut être capable de voir des choses et pas trop trop s'en faire, il faut être capable de se fermer, il faut être capable d'être froid, il faut être capable d'obéir. Les ordres, l'intervention, le timing, les explosions, les tirs isolés. Quand tu reviens ici, tu n'as pas ça, t'as rien de ça. Tu as d'autres paramètres, mais ceux-là tu ne les as pas. Donc les qualités de soldat que tu as, quand tu reviens ici, ça ne marche plus. Il n'y a plus rien qui marche. Ça ne fitte plus. Ça ne fait juste pas. Ton cours de pensée est différent, les gens ont un rythme de vie tout de même rapide, travail, go, le gazon, les poubelles au chemin. Nous autres on devient complètement déphasés de ça. Ça ne fitte plus, ça ne fitte juste plus en société. Tu regardes le monde, voyons donc, sont donc ben tous malades eux autres, mais en réalité c'est pas eux autres qui sont bizarres, c'est moi, c'est nous. C'est moi qui es déphasé. J'arrive dans leur monde à eux. Donnez-moi un sac à dos, un gun et resacrez-moi en Afghanistan ou en Bosnie, je vais fitter, aujourd'hui encore, je fitte mois ici que je fitte là-bas. Ici je dois m'adapter, je dois travailler pour fonctionner. Là-bas, je fonctionne tout seul. Intervieweur : Est-ce qu'on vous prépare au retour? Non. L'aller est préparé, le retour ne l'est pas. Le retour, c'est à nous, c'est à nous à s'organiser. Comme la sortie des Forces : on nous prépare à entrer dans les Forces, on nous enrôle, on nous forme, on nous amène où ils veulent nous amener puis la journée qu'on part, le lendemain qu'on est sorti, c'est fini. C'est à nous à décélérer, à trouver la vitesse de décélération. C'est pas toujours évident. Heureusement, il y a les Anciens Combattants, ça nous aide beaucoup à éponger la décélération. Sortir des Forces, c'est comme sortir de sa vie, comme sortir de sa poche. C'est comme tomber dans la vie de quelqu'un d'autre. C'est comme si je rentrais dans votre salon chez vous. Je ne connais personne, je ne sais même pas où sont les meubles. Je vais vivre, il ne me mouillera pas sur la tête, je vais vivre, mais je ne serai pas bien. Je ne connais pas personne, je ne connais pas où sont les affaires, je ne sais même pas où est la manette pour ouvrir la télé. Je ne suis pas chez nous. C'est ce qu'on ressent quand on tombe ici, on ne sent pas qu'on est chez nous. On a pas le choix, vous voulez que j'aille où? Je ne peux pas aller sur une autre planète. Je suis fait, c'est ça, en dedans c'est imprimé soldat, ça va être comme ça jusqu'à la fin j'imagine. Intervieweur : C'est comme ça à tous les jours? Oui, on s'adapte, on travaille un peu plus fort, mais on réussit.
Description

M. Bellehumeur partage les difficultés des retours à la maison et du sentiment de ne pas se sentir complètement à sa place en revenant au pays.

Michel Bellehumeur

M. Bellehumeur est né en 1964 à Hull. Il a grandi près d’un manège militaire et a développé un intérêt pour la vie militaire dès le jeune âge. Il s’est enrôlé à 17 ans et a reçu un entrainement de chauffeur de véhicule blindé. Il a servi plusieurs tours outre-mer, notamment en Bosnie et au Kosovo. Il a quitté les Forces après 25 ans de service.

Catégories
Médium :
Vidéo
Propriétaire :
Anciens Combattants Canada
Date d’enregistrement :
3 décembre 2013
Durée :
5:31
Personne interviewée :
Michel Bellehumeur
Guerre ou mission :
Forces armées canadiennes
Emplacement géographique :
Bosnie
Campagne :
Bosnie
Branche :
Armée
Unité ou navire :
Royal 22e Régiment
Occupation :
Infanterie

Droit d’auteur ou de reproduction

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Date de modification :