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La marine de la Seconde Guerre mondiale - des garçons deviennent des hommes

Lorsque j'étais un jeune garçon vivant à Strathroy, en 1939, le Canada est entré en guerre. Nous devions tous présenter des cartes de rationnement pour acheter de l'essence et la plupart des aliments. Je voyais des jeunes hommes et femmes se joindre aux Forces armées et partir à la guerre se battre pour le pays. Les jeunes agriculteurs ont voulu s'y joindre, mais ils ont été renvoyés chez eux afin de cultiver pour l'effort de guerre. Sans les agriculteurs, nous ne pouvions approvisionner en nourriture les pays alliés et nos forces de combat. Tout le monde apportait sa contribution à la guerre. Les jeunes enfants et les élèves ramassaient des feuilles d'étain, de l'aluminium et de la ferraille. Les femmes âgées tricotaient des chandails, des bas et des mitaines pour garder nos soldats au chaud. Ma mère a travaillé dans une usine de guerre à Woodstock. Elle a toujours dit qu'elle fabriquait les balles et que ses garçons les tiraient.

J'avais hâte de joindre les Forces armées, mais je n'avais pas l'âge; je devais donc attendre. La Marine était la seule force armée qui acceptait des jeunes hommes et des garçons de 17 ans. Une journée ou deux après mon dix-septième anniversaire (1942), j'ai fait de l'auto­stop jusqu'à London pour m'enrôler dans la Marine. Ils m'ont accueilli à bras ouverts, mais m'ont renvoyé à la maison avec une lettre à faire signer par un parent, un marchand, un chef de police et un ministre du culte. J'ai dû longuement discuter avec ma mère pour la faire signer, mais elle a accepté. Monsieur Statham le marchand, le chef de police Tanton et le révérend Honeyman, de l'église presbytérienne, ont tous signé. Lettre en main, je me suis présenté au NCSM Prevost à London, et on m'a fait passer très rapidement un examen médical et remis un uniforme de la Marine. J'étais maintenant, au plein sens du terme, un membre de la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada. J'avais à peine plus d'une semaine pour apprendre le matelotage, les nœuds, les épissures et l'alphabet Morse et pour déchiffrer des messages transmis à l'aide de drapeaux. En moins de deux semaines, je me suis retrouvé dans un train à destination de Halifax, sur la côte Est du Canada, avec des centaines de membres de l'armée, de la marine et des forces aériennes, dont certains embarqueraient à bord de navires transportant des troupes outre-mer.

On m'a affecté au NCSM Cornwallis, à Halifax (avant qu'il se dirige vers Deep Brook, en Nouvelle-Écosse), où j'ai reçu de la formation plus poussée portant principalement sur les grosses pièces d'artillerie. Avant d'avoir dix-huit ans, je me suis retrouvé sur le NCSM Beaver, une sorte de dragueur de mines transformé qui draguait les mines sur la côte Est canadienne et américaine. Je ne suis pas resté très longtemps sur le Beaver et j'ai été détaché sur le NCSM Annapolis, un vieux destroyer à quatre cheminées donné au Canada par les États-Unis, parce que le Canada possédait peu de bâtiments de guerre. Le jour où j'ai embarqué à bord avec un groupe d'autres jeunes hommes comme moi, le capitaine nous a alignés au milieu du navire et nous a adressé son discours de bienvenue à bord. Il a dit que nous pouvions maintenant oublier toutes les sottises que nous avions apprises à terre. Nous partions en mer pour nous battre, et il ne blaguait pas. Nous sommes devenus des hommes très rapidement.

Durant tout le temps passé en mer, les quarts de vigie étaient de quatre heures, entrecoupés de temps de repos équivalents. Pendant les deux ou trois premières semaines, ma tâche consistait à prendre position dans le nid de pie. Lorsque le navire roulait et tanguait, je me demandais pourquoi je m'étais joint à la Marine. Ce que j'avais le mal de mer! Je ne pouvais pas vomir en bas parce que cela aurait abouti sur les officiers présents sur la passerelle. J'ai donc vomi dans mon chapeau et l'ai lavé lorsque je suis redescendu. Je crois que durant les quelques premiers jours tous les gars étaient malades. Toutefois, indépendamment du niveau de malaise que nous ressentions, nous devions effectuer nos tâches. Un homme n'effectuant pas son devoir, si on tient compte des mines flottantes et des sous-marins allemands armés de torpilles, aurait pu être responsable du naufrage du navire. Lorsque l'alarme sonnait, je devais me rendre au canon de 4,7 mm sur l'étrave. Plus tard, mon poste de combat a été les Oerlikons jumeaux placés au milieu du navire du côté bâbord, puis le canon de dix livres situé à la poupe.

Le NCSM Annapolis

Durant les mois suivants, j'ai reçu une promotion et été assigné à la timonerie. J'étais maintenant un timonier à la barre du navire. J'aimais gouverner le navire à l'aide du compas gyroscopique. Je pouvais garder le cap à chaque clic du compas. Mais le NCSM Annapolis était un vieux destroyer datant de la Première Guerre mondiale, et les câbles reliant la timonerie au compartiment de la barre, où l'appareil devait diriger le gouvernail, se brisaient. Je devais donc sortir et me rendre à la poupe du navire et, au moyen d'une grosse barre à rayons, gouverner le navire manuellement. À la poupe, il n'y avait qu'un compas magnétique. Lorsque je tournais la roue d'un côté, l'aiguille du compas se déplaçait beaucoup trop, de sorte que je devais rapidement la ramener dans l'autre sens. Personne ne s'est jamais plaint, mais je ne réussissais pas à garder le cap lorsque j'étais à la poupe. J'étais toujours content de retourner à la timonerie parce que j'étais toujours trempé et transi à la poupe. Lorsque notre opérateur du matériel d'asdic (matériel de détection des sous-marins) recevait une impulsion radar indiquant la présence d'un sous­marin allemand, l'alarme sonnait et tout l'équipage se rendait aux postes de combat. Le navire avançait à pleine vitesse au-dessus du sous-marin allemand, puis lançait dix grenades sous-marines dans plusieurs directions, de façon à les exploser à dix profondeurs différentes. Puis, nous nous placions au-dessus du sous-marin et lancions dix grenades de plus. Nous devions agir rapidement ou nous aurions fait exploser notre propre poupe. À bord, nos grenades sous-marines devaient être sécurisées, parce que si nous avions été torpillés, que le navire avait sombré, que l'équipage s'était retrouvé à l'eau et qu'une grenade avait explosé, tout le monde aurait été tué.

Le convoi continue sa route et les escorteurs
lancent des grenades sous-marines

La tâche du NCSM Annapolis consistait à escorter des navires et à patrouiller à la recherche des sous-marins allemands. Nous suivions l'itinéraire triangulaire reliant Halifax, Newfie John, New York et Boston. Entre les ports, nous escortions un convoi à trois ou quatre cents milles de la côte tout en effectuant la surveillance des sous-marins allemands. À d'autres occasions, nous escortions un convoi rejoignant d'autres convois au large de Newfie John qui se dirigeaient dans l'Atlantique Nord. Si nous n'escortions pas de convoi, nous remontions le Saint-Laurent à la recherche de sous-marins allemands. Ils étaient là pour couler nos navires marchands, même en face de la ville de Québec. Les Canadiens n'ont pas entendu parler des corps rejetés le long des berges du fleuve. C'était censé être secret. Le traversier canadien Caribou plein de passagers a été coulé entre North Sydney et Port Aux Basques par un sous-marin allemand. Il n'est rien resté du traversier après le torpillage, et il n'y a eu que très peu de survivants.

La bataille de l'Atlantique a été la bataille la plus longue qui se soit déroulée durant la Seconde Guerre mondiale. C'est la seule qui ait eu lieu si près des côtes nord-américaines et qui, en mer, a été livrée principalement par des adolescents. Winston Churchill, en Angleterre, savait que les efforts de guerre devaient provenir de ce côté de l'océan, et Hitler et ses forces militaires le savaient aussi. L'ennemi a tout fait en son pouvoir pour mettre un terme aux convois dans l'Atlantique Nord. En tenant compte des navires marchands et des navires de la Marine convoyant en direction et en provenance de la Russie et des îles Britanniques, des milliers de navires ont été coulés.

Temps de repos au mess

On m'a demandé à plusieurs occasions de décrire la navigation dans l'un des petits bâtiments de guerre dans l'Atlantique Nord. Je peux seulement dire ce qu'il en était sur un destroyer à quatre cheminées de la Première Guerre mondiale. Ces navires n'ont jamais été conçus pour passer deux ou trois semaines au large dans l'Atlantique Nord. Les conditions y étaient vraiment misérables. Après quelques jours, il n'y avait plus d'eau potable, d'aliments frais, de pain ni de lait. Les postes d'équipage où les marins vivaient, mangeaient et dormaient, lorsqu'ils le pouvaient, étaient situés sous le niveau de la mer. Le son se propage sur une longue distance dans l'eau. Nous pouvions souvent entendre des grenades sous-marines et d'autres explosions des milles plus loin. Les quartiers étaient surpeuplés, surtout lorsque le service de nouvelles pièces d'équipement exigeait l'ajout de nouveaux membres d'équipage. L'eau de mer s'infiltrant toujours, la condensation tombait du plafond. Les lits et les vêtements étaient toujours trempés. L'odeur nauséabonde des corps non lavés, de la vomissure et du mazout qui s'écoulait des réservoirs de carburant était omniprésente. Il faisait un froid glacial et c'était humide là-haut, et il n'y avait aucun chauffage à la vapeur à l'intérieur. Nous nous retenions toujours aux objets, parce que le navire était constamment balloté par des mers agitées, subissait de fortes secousses et était soulevé par la houle.

Le bruit était incessant, et nous étions épuisés et malades. Personne n'enlevait ses vêtements en mer. Nous ne savions jamais si nous allions heurter une mine, devoir nous rendre à notre poste de combat ou être torpillés. L'eau potable ne servait qu'à la consommation et à la cuisson. Il n'y en avait pas suffisamment pour se laver, et il n'y avait pas de douches à bord. Nous nous lavions et faisions notre toilette lorsque nous étions à quai, mais uniquement si le navire était amarré dans un port où il était possible de s'approvisionner en eau. En mer, les eaux sanitaires étaient envoyées directement à la mer. Chaque jour, deux personnes étaient assignées au mess. Leur travail consistait à se rendre à la coquerie, à descendre la nourriture et, après les repas, à laver la vaisselle. À l'occasion, lorsque l'eau de vaisselle était jetée par-dessus bord, tous les ustensiles se retrouvaient à la mer. Alors, une véritable bataille s'engageait pour tenter de voler les ustensiles d'un autre mess. C'était chose ardue, car le personnel de chaque mess surveillait attentivement ses ustensiles. Mais le pire survenait lorsqu'il y avait un coup de roulis et que la cuvette à vaisselle passait aussi par-dessus bord. Je me souviens que nous avons dû laver la vaisselle dans des seaux avec lesquels nous avions frotté le pont.

À plusieurs centaines de milles au large, tout le monde à bord s'est retrouvé avec la gale, provoquée par de sales bestioles qui nous dévoraient le derme. Je saignais sous le bras gauche et le long du côté gauche quand nous sommes rentrés à Halifax. Notre adjoint médical de l'infirmerie était excellent pour appliquer de l'iode et des pansements adhésifs, mais il n'avait pas beaucoup de fournitures pour faire autre chose. À Halifax, nous sommes embarqués dans des camions et avons été conduits à l'hôpital Rockhead. Une fois sur place, nous avons dû ôter tous nos vêtements et entrer nus dans l'hôpital. Nous avons été dirigés vers une très grande salle de douches. Il y avait des douches le long des quatre murs - je ne sais pas, peut-être 70 ou 80 douches sans cloison - et nous devions être deux par douche. Près du plafond dans une cabine de verre, le médecin était assis et contrôlait le débit et la température de l'eau. Il a fait couler l'eau tellement chaude que notre peau a rougi. Puis, nous avons traversé une porte et on nous a remis une brosse dure et un produit vert. Nous devions frotter toutes les parties du corps de notre partenaire, puis c'était à son tour. Nous ne pouvions pas nous sécher. Nous avons été placés pour la nuit dans une grande pièce contenant des couchettes. Lorsqu'ils sont venus nous chercher le matin, notre peau était si tendue que nous pouvions à peine nous déplacer. Quelques jours de ce traitement à la douche chaude, puis une inspection finale, et nous sommes retournés à bord. Le navire avait été nettoyé à la vapeur et désinfecté. Le traitement était draconien, mais il n'y avait plus de parasites.

Après deux ou trois semaines de patrouille pour détecter des sous-marins allemands, de branle-bas de combat et de lancement de grenades sous-marines chaque fois que nous recevions une impulsion radar indiquant la présence d'un sous-marin allemand, j'étais toujours heureux de retourner au port. De tous les ports où je me suis arrêté, j'aimais bien Newfie John. J'aimais me promener sur la rue Water pour me rendre à la cantine ou au bar boire un verre de screech ou un coup de Block & Tackle. Après avoir pris un verre de Block & Tackle et marché un pâté de maisons, vous pouviez vous attaquer à n'importe quoi. Les gens de Newfie John étaient les plus sympathiques, et le personnel de la Sally Ann (l'Armée du Salut), où que vous soyez, était imbattable. Newfie John était un port très occupé. Nous n'étions là que le temps de nous approvisionner en carburant et en fournitures. Puis nous reprenions la mer. Dans les ports, chaque navire devait fournir deux gars agissant en tant que patrouilles à terre (police maritime) pour tenir les gars tranquilles. J'ai patrouillé à terre dans de nombreux ports. Lorsque le navire était au port, une autre tâche du timonier consistait à être quartier-maître sur la passerelle pour vérifier les personnes qui montaient à bord. Il devait aussi noter toutes les heures les lectures du baromètre et vérifier la tension des amarres reliant le navire à la jetée. La tension devait être ajustée lorsque la marée montait et descendait.

Embruns givrants sur le pont

Dans le bassin de Bedford, à Halifax, il y avait des centaines de navires prêts à former un convoi. Au crépuscule, le bassin était rempli de navires et, au matin, ils étaient tous partis. Nous devions également partir pour tenir les sous-marins allemands loin des navires de charge. La Marine était occupée parce que les sous-marins allemands étaient partout. Au milieu de l'Atlantique se trouvait une zone nommée Black Pit, qui était trop éloignée pour les bombardiers en provenance d'Islande, et où les sous-marins allemands attendaient comme une meute de loups. De nombreux navires de charge et bâtiments de la Marine ont été torpillés à cet endroit. L'Atlantique était une mer impitoyable pour nos petits bâtiments de guerre. L'océan givrait le navire, et nous devions le déglacer pour éviter qu'il ne devienne instable et ne chavire. J'ai passé de nombreuses heures à déglacer avec toute mon équipe et les officiers, sans oublier, durant tout ce temps, la menace d'une attaque d'un sous-marin allemand. Nos vêtements étaient mouillés, et nous étions trempés jusqu'aux os. Des glaçons nous pendaient aux sourcils, au nez et au menton. Nous ne les brisions pas avant d'être réchauffés un peu à l'intérieur, car des fragments de peau auraient décollé.

Vers la fin de 1943 ou au début de 1944, les sous-marins allemands étaient équipés d'une nouvelle torpille redoutable. La torpille acoustique, appelée GNAT, n'avait pas besoin d'être pointée. Ils tiraient la torpille et elle se dirigeait sur le son de l'hélice du navire. Mon navire, le NCSM Annapolis, tirait des barres de fer quelques milliers de pieds derrière lui, ce qui faisait plus de bruit et créait plus de turbulence que nos propres hélices. J'ai entendu d'autres gars de la Marine affirmer que cela fonctionnait assez bien.

Une fois le NCSM Annapolis de retour à Halifax, plusieurs autres marins et moi-même avons été détachés sur le navire basé à terre, NCSM Peregrine, à Halifax. Mon service à bord du NCSM Annapolis, effectuant l'itinéraire triangulaire cité plus tôt, a duré huit mois. Six d'entre nous, des matelots de seconde classe du NCSM Annapolis, devions être transférés au NCSM Naden, sur l'île de Vancouver. Toutefois, quelqu'un du bureau attaché au NCSM Peregrine a commis une grosse bévue et nous a envoyés par train au NCSM Avalon, à Newfie John, Terre-Neuve, au milieu de l'hiver. Nous avons dû changer de train à Truro, en Nouvelle-Écosse, et nous rendre à North Sydney, dans l'île du Cap-Breton. Lorsque nous sommes arrivés à North Sydney, le port était gelé, et nous avons dû attendre l'arrivée d'un brise-glace pour que le traversier puisse entrer dans le port et s'y amarrer, ce qui a pris quelques jours. Nous avons finalement mis les voiles et nous sommes dirigés vers Port Aux Basques, à Terre-Neuve. Nous avons trouvé la gare du chemin de fer, mais il n'y avait rien, à l'exception de deux voitures pour passagers. Nous avons appris que la locomotive était complètement enneigée quelque part aux alentours de Corner Brook.

La voiture avait des sièges en bois et un gros brasero dans un coin avec une pile de bois à l'extérieur. Nous avons allumé le poêle, donc nous avions chaud. Il n'y avait pas de voiture-cantine. Cela n'avait pas d'importance, puisque nous avions utilisé tous nos bons de repas sur le traversier. Nous avons passé une nuit horrible blottis autour du brasero ou tentant de dormir sur les sièges de bois. Au petit matin, un vieil homme est venu nous voir et nous amenés en ville à la Sally Ann, où on nous a donné à manger. Comme c'était tout petit, le personnel a pris des dispositions pour nous héberger dans la prison locale. La prison était constituée d'une vaste salle circulaire autour de laquelle étaient disposées les cellules. Nous pouvions y passer la nuit, mais nous devions veiller à ce que le feu reste allumé au centre. Durant les quelques jours qui ont suivi, nous mangions à la Sally Ann et dormions dans la prison. Rien ne pouvait égaler la Sally Ann. Où que vous soyez, le personnel était imbattable. La locomotive est arrivée, et nous sommes partis. Lorsque les gens se tenaient le long de la voie ferrée, le train arrêtait, et ils embarquaient. Puis, il arrêtait pour laisser descendre quelqu'un. Après de nombreux arrêts, nous sommes parvenus à Newfie John. Je peux maintenant affirmer que j'ai traversé Terre-Neuve à bord du Bullet.

À bord du navire basé à terre, le NCSM Avalon, les six d'entre nous avons été affectés à des tâches différentes dans le chantier naval. L'un de nos gars était signaleur et a été affecté à un poste de l'amirauté. L'une de ses tâches consistait à recevoir des messages et à les placer sur le bureau de l'amiral. Les vieux loups de mer que nous étions n'aimaient pas beaucoup la vie de caserne. Donc, assis dans la cantine humide ce soir-là en prenant une bouteille de Moosehead ou de Ten Penny, l'idée nous est venue que le signaleur devrait placer un message bidon sur le bureau de l'amiral. Il était écrit « AB Mitchell, AB?, AB?, etc. doivent embarquer à bord du premier traversier en direction de Halifax ». Dans un état de grande agitation, nous avons été rassemblés et avons embarqué, avec tout notre matériel, à l'arrière d'un camion roulant très rapidement en direction d'Argentia pour embarquer à bord du Lady Rodney. Le traversier nous attendait. Dès que nous avons lancé nos sacs marins et nos hamacs à bord, le Lady Rodney est parti pour Halifax.

Le NCSM Puncher

Sur le NCSM Peregrine, à Halifax, nous avons dû demander l'aide de l'aumônier pour nous sortir du pétrin et prouver que le voyage vers Newfie John n'était pas une imposture de notre part. Après toutes ces années, je suis certain que la Marine n'a aucune idée de la façon dont nous sommes revenus. En quelques heures, nous étions à bord d'un train traversant le Canada vers le NCSM Nadem, ancré à l'île de Vancouver, pour aller chercher un nouveau porte-avions de la flotte territoriale. Le NSM Puncher avait été mis en service pour la Marine royale britannique et était manœuvré par 850 Canadiens. La majorité des membres d'équipage étaient des jeunes hommes de 17 ou 18 ans qui n'avaient jamais pris la mer auparavant. Ils étaient semblables à moi lorsque j'ai vu l'océan pour la première fois. J'ai trempé mon doigt dans l'eau et l'ai goûtée - oui, c'était de l'eau salée. Je me suis lié d'amitié avec des jeunes de mon âge de partout au Canada, et ces relations durent encore. Ils formaient un groupe de bons gars qui faisaient leur travail, souvent dans des conditions peu favorables.

Barracuda descendu au pont inférieur

Dès mon arrivée sur le NSM Puncher, je suis monté sur la passerelle, j'ai salué l'officier sur la plage arrière, j'ai donné à l'officier de service mon nom et mon numéro, et on m'a assigné un mess avec l'équipage du pont d'envol. J'étais stupéfait par la taille du NSM Puncher. Il était beaucoup plus gros que le destroyer sur lequel j'avais servi. Le pont supérieur était en fait le pont d'envol qui faisait la longueur et la largeur du navire. Dans les deux grands carrés du pont d'envol se trouvaient des ascenseurs grâce auxquels les avions pouvaient être transférés d'un pont à un autre. Sous le pont d'envol se trouvait le pont hangar, de la même taille que le pont d'envol, où les avions étaient entreposés et réparés dans un endroit fermé. Sur les ponts inférieurs, il y avait tout ce que vous pouviez trouver dans une grande ville : un hôpital, une clinique dentaire, une coquerie, une cafétéria, des ateliers d'usinage, une laverie et des mess pour un équipage de plus de 1000 personnes.

Tir antiaérien (canons Oerlikon)

Le NSM Puncher était armé pour faire face à des avions ennemis et à des embarcations de surface. À la proue, il y avait deux canons bitubes Bofors de 40 millimètres. De chaque côté du navire, sur le pont d'envol, s'alignaient des Oerlikons de 20 millimètres. À la poupe, il y avait deux canons bitubes Bofors et deux gros canons de cinq pouces. À tous les dix obus se trouvait un obus traçant à ogive qui explosait lorsqu'il atteignait sa cible. Nous avons quitté le Canada et navigué au sud le long de la côte Ouest américaine et mexicaine accompagnés de plusieurs escorteurs, destroyers, etc. parce que les États-Unis étaient en guerre avec le Japon et que le danger d'une attaque par un sous-marin japonais était toujours présent. Nous ne reverrions pas le Canada avant la victoire.

Chargement d'une chaloupe à moteur à
la Nouvelle-Orléans

Notre devoir nous a appelés dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique. Nous avons quitté le Pacifique par le canal de Panama pour ensuite traverser la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique. Puis nous avons navigué 90 milles pour remonter le fleuve Mississippi et nous rendre à la Nouvelle-Orléans. Une fois arrivés, nous sommes passés prendre quatre vedettes de combat à grande vitesse destinées à l'invasion de l'Europe. Elles avaient descendu le fleuve sur des barges. Seul un navire doté d'un pont d'envol pouvait les embarquer. Nous avons remonté la côte Est des États-Unis, puis avons traversé le barrage de défense vers Norfolk, en Virginie, pour y embarquer davantage de matériel de combat. Depuis le départ de Vancouver, je suivais une formation spéciale sur le pont d'envol avec un ancien appareil - la vitesse à laquelle nous pouvions replier les ailes de l'appareil, lui faire traverser les barrières, le descendre en ascenseur au pont hangar, le ramener sur le pont d'envol, déployer les ailes et le préparer pour le décollage. L'équipage du pont d'envol excellait dans ce domaine. Je recevais également de la formation sur les barrières d'arrêt que j'expliquerai plus en détail quand je parlerai des situations de combat.

Thunderbolt sur le pont d'envol du Puncher

Arrivés à New York, nous avons accosté la jetée de Staten Island. Au même moment, nos vedettes à moteur ont été déchargées, et de grosses grues ont commencé à charger des chasseurs bidérives Black Widow sur le pont hangar et le pont d'envol - ainsi que toutes sortes de fournitures. Le navire était chargé des plus récents chasseurs de nuit à avoir été mis au point par l'aviation américaine - les premiers Black Widow à se rendre en Europe. Nous avions embarqué à bord les pilotes et l'équipage d'entretien qui étaient en mesure, immédiatement après le débarquement à Casablanca, en Afrique, de faire voler les Black Widow vers les avant-postes en vue de l'invasion du Sud de la France. Le NSM Puncher quittait à toute allure un port américain avec l'un des convois les plus précieux en direction de la Méditerranée. Au retour, en route pour aller chercher un autre chargement d'avions, nous avons appris que l'invasion du Sud de la France était commencée. Les porte-avions se sont révélés être le plus précieux investissement de la Marine. Durant le combat, ils pouvaient être prêts en peu de temps s'ils devaient effectuer un convoyage rapide. Le monde entier a été surpris par le nombre d'avions que l'aviation britannique, l'ARC ainsi que l'aviation américaine ont été en mesure de déployer au-dessus de l'Allemagne. Le pont hangar chargé à pleine capacité et le pont d'envol couvert d'avions maintenus et séparés de seulement quelques pouces, c'est le NSM Puncher qui a transporté un chargement record de l'autre côté de l'Atlantique sans même endommager un seul avion.

Chargement de Black Widow sur le pont

Lors de nombreux raids, Puncher a asséné un coup dur à l'ennemi pour le compte de l'aviation britannique, de l'aéronavale et de l'aviation américaine. Pendant le déchargement de nos avions à Casablanca, en Afrique, la base de transport de l'aviation américaine, pour laquelle le NSM Puncher avait transporté un chargement d'avions, a exprimé ses remerciements en fournissant des camions pour que les hommes en repos puissent partir en excursion 140 milles dans les terres pour se rendre dans la capitale du Maroc, au palais du sultan, à Rabat. Dans les jardins du sultan, on nous a servi un dîner royal et pour moi, un p'tit gars de Strathroy, c'était incroyable. En partant de Casablanca, les ordres étaient de retourner à Norfolk, en Virginie. C'est la partie la plus large de l'océan Atlantique. Nous sommes passés à proximité des Canaries, des Açores et des Bermudes. Nos escortes tiraient souvent des grenades sous-marines. Nous avons navigué dans les eaux chaudes du Gulf Stream alors que le pont d'envol était vide, sans aucun avion. Ce pont était donc devenu un terrain de jeu. Nous y jouions au hockey et d'autres jeux. De plus, mon équipe de plage suivait toujours une formation sur le pont d'envol pour se préparer au moment où il faudrait combattre avec notre propre escadron. De retour d'Afrique, notre navire a été rapidement chargé à Norfolk, en Virginie; cette fois avec des chasseurs Thunderbolt. Nous avons reçu l'ordre de nous rendre dans les îles Britanniques en passant par New York. Le pont hangar et le pont d'envol étaient chargés d'avions maintenus et séparés de seulement quelques pouces; il devait y avoir plus de 150 avions à bord. En sortant du port de New York, nous avons été rejoints par un convoie de navires australiens jusqu'au Royaume-Uni.

Durant tout le trajet, une surveillance constante était exercée depuis tous les postes de combat - nous étions prêts en cas d'attaque ennemie. Malgré les corvettes, frégates et destroyers d'escorte en patrouille constante, les navires ne se rendaient pas tous de l'autre côté. Certains des navires de charge étaient torpillés et coulés. Chaque pouce des ponts étant chargé d'avions à utiliser dans la guerre contre l'Allemagne, nous avons quitté New York rapidement, en direction de l'Angleterre. Puis, nous avons navigué dans la mer d'Irlande avec l'ordre de remonter le Mersey pour atteindre Liverpool, où nos avions seraient déchargés. Nous avons navigué jusqu'à Belfast où nous avons embarqué un escadron d'avions à destination de Glasgow, en Écosse. Après le déchargement à Glasgow, les chaudières du navire devaient être nettoyées, et nous avons eu cinq jours de congé, avec en main des laissez-passer pour prendre le train partout dans les îles Britanniques.

Nous couchions dans les trains la nuit. La destination du train n'avait pas d'importance; nous nous installions simplement dans un compartiment séparé, pour découvrir au matin l'endroit où nous étions. Chaque fois que nous entrions dans un bar, quelqu'un remarquait le mot Canada sur nos manches et nous payait à boire. De plus, comme notre accent était différent, certains habitants des endroits les plus reculés étaient surpris que nous parlions anglais. Je suis retourné à Glasgow un jour ou deux avant que le NSM Puncher ne quitte le port. Tandis que j'attendais à l'intersection de Sockyhall et Renfrew sous une pluie battante, une gamine écossaise m'a pris en pitié et m'a ramené chez elle où j'ai rencontré ses parents et ses frères et sœurs. Ils m'ont servi un thé bien chaud et une brioche. Leur maison était une grande pièce avec foyer. Le long de chaque mur, un trou était taillé où un rideau avait été placé et derrière lequel se trouvaient les lits. On m'a désigné un lit pour la nuit. À l'aide d'une courte échelle, j'ai grimpé dans le lit et j'ai tiré le rideau. Quelques instants plus tard, j'ai entendu frapper, et une personne m'a demandé si j'étais habillé de façon convenable. J'ai répondu par l'affirmative. Elle s'est donc approchée et m'a dit qu'elle me réveillerait au matin et m'amènerait au tramway pour pouvoir retourner au navire; ce qu'elle a fait. Je ne suis jamais retourné là-bas. Ces gens n'étaient pas fortunés, mais ils aimaient à coup sûr les Canadiens.

De retour sur le NSM Puncher, nous avons été informés que notre navire jumeau avait été torpillé au large de la Norvège. Il s'agissait du NSM Nabob, l'autre porte-avions manœuvré par des Canadiens. Nous participions désormais à une formation sur l'appontage, et notre tâche de convoyage était terminée. Pour le reste de la guerre, ma base principale a été Scapa Flow dans les Orcades, au nord de l'Écosse. Avant de quitter Glasgow, nous avons embarqué jusqu'à plusieurs centaines de membres du personnel de l'aéronavale, de même que toutes sortes de pièces d'avions, de grenades sous-marines, de mines, de torpilles, de carburant pour les avions, etc. Nous sommes partis et, avant d'atteindre Scapa Flow, les dix avions ou plus de notre escadron ont décollé et ont tous atterri sans encombre. Cela prouvait que notre formation sur l'appontage avait porté fruits. Mon équipe a géré la situation sans anicroche. Le NSM Puncher était maintenant complètement opérationnel avec la flotte territoriale et il devait assurer la force de frappe dans les ports occupés par les Allemands, le long de la côte norvégienne. Repérer et détruire les navires et les convois ennemis, lancer des grenades sous­marines aux sous-marins allemands et garantir la sécurité des convois empruntant le passage de Mourmansk, en Russie. Depuis le pont d'envol, nous faisions décoller des Barracuda, des Avenger, des Firefly et des Wildcat. Nos Barracuda étaient les plus imposants : ils pouvaient transporter des torpilles, des mines et des grenades sous-marines. Les Avenger et les Firefly transportaient tous les deux des bombes, et les Wildcat étaient des avions de chasse chargés de surveiller les avions ennemis et les bombardiers qui attaquaient depuis la rive. Tous les avions étaient équipés de mitrailleuses dans leurs ailes. De plus, nous avions un Wildcat sur la catapulte, prêt pour le combat, lorsque nos avions effectuaient un raid.

Lancement assisté d'un Barracuda

En tout temps en mer, nous étions escortés par des croiseurs, des destroyers, des corvettes, etc. pour exercer une surveillance de tout ce qui se trouvait sur et sous l'eau. Le NSM Puncher était le premier porte-avions de la Marine royale à utiliser avec succès des roquettes pour aider au décollage des Barracuda, de sorte qu'ils pouvaient transporter de plus gros chargements de bombes. De chaque côté de l'avion se trouvaient deux roquettes et, juste avant que l'avion quitte le pont d'envol, le pilote tirait les roquettes, ce qui augmentait la puissance de décollage de l'avion. C'était un succès indéniable. Notre navire pouvait être frappé par une torpille, et la partie du navire touchée était ensuite fermée hermétiquement. L'eau pouvait pénétrer, mais le navire continuerait de flotter si la torpille n'avait pas atteint une place critique. Dans ces eaux, notre navire jumeau, le NSM Nabob, avait été torpillé, et le compartiment arrière avait été inondé et scellé. Le navire avait réussi à revenir à Scapa Flow à une vitesse de seulement trois nœuds, la proue dressée dans les airs et la poupe 14 pieds sous l'eau. Plusieurs porte-avions pouvaient effectuer un raid ensemble. Lors d'une frappe aérienne au large de la Norvège, nous avons vu un porte-avions jumeau être torpillé et retourner au port. L'alerte rapide donnée par nos avions de lutte anti-sous-marine décollés du Puncher a sauvé le navire jumeau d'une autre attaque. Lorsque nous atteignions l'endroit où les avions étaient censés décoller, le NSM Puncher allait à pleine vitesse dans la direction du vent pour permettre un meilleur décollage.

Sain et sauf sur le pont malgré une aile
endommagée

Durant l'une des frappes aériennes au large de la Norvège, onze Barracuda ont décollé du pont d'envol du Puncher dans le temps fulgurant d'une minute et 23 secondes - soit une moyenne de moins de huit secondes par appareil. Les secondes sont précieuses pour un porte-avions durant un raid. Lorsque les manœuvres de retour des avions sont exécutées lentement, un porte-avions peut devenir une cible presque parfaite pour des sous-marins allemands et des avions ennemis embusqués. L'obligation d'éloigner même un seul avion, parce que les manœuvres de retour de l'avion précédent n'ont pas été effectuées correctement, peut facilement faire la différence entre le retour au port ou le naufrage du porte-avions. Mon équipe de plage, l'équipage du pont d'envol, était talentueuse, et ce n'est qu'à quelques occasions qu'un avion a dû attendre. L'homme le plus important de notre équipage était le lieutenant Josh Tucker des Royal New Zealand Navy Volunteer Reserves. Il était l'officier responsable de l'appontage. Il était batsman. Il était le seul responsable de l'atterrissage de tous les appareils. Le pilote ne regardait pas le navire ni le pont. Il devait regarder le batsman, sinon il risquait d'avoir un accident. Mais si le pilote gardait ses yeux fixés sur Josh, il n'y avait aucun problème. Ce n'était pas chose aisée que d'atterrir sur un petit porte-avions dont le pont roulait et tanguait pas moins de 15 pieds.

Pas un pouce de perdu!

Lorsque nos avions revenaient d'une frappe aérienne, ils étaient percés de balles, l'extrémité des ailes manquait et les ailerons traînaient. Quelquefois certains avions ne revenaient pas. Ils étaient soit abattus, soit sérieusement touchés, de sorte qu'ils devaient être abandonnés dans l'océan. C'était la partie la plus horrible. De vrais héros, ces gars étaient partis pour toujours. L'équipage du pont d'envol était à son poste pour chaque avion qui atterrissait et décollait. Lorsque pas moins de 20 avions étaient " rangés " sur le pont d'envol prêts à partir effectuer un raid, chaque roue devait être calée pour s'assurer que l'avion ne bouge pas. L'espace sur un petit porte-avions était restreint. Les avions n'étaient séparés que de quelques pouces, et un avion qui se déplaçait de quelques pouces pouvait causer des dommages à plusieurs avions. Mon équipe se tenait sur le pont et maintenait chaque cale en place. Ce n'était pas un travail facile à exécuter avec 20 hélices en mouvement et le navire qui filait au vent à toute vitesse. Je me chargeais habituellement de l'avion de tête et je pouvais donc atteindre ma barrière. Lorsque le batsman vous désignait et faisait signe de retirer les cales, vous les enleviez, les placiez sur votre tête, rouliez tout le long du pont et aboutissiez sur une passerelle sur le côté du navire. Il était hors de question de nous asseoir, car le vent nous aurait poussés dans les hélices en mouvement, et l'équipe de contrôle des dégâts aurait dû alors arroser les morceaux à la lance et les projeter par-dessus bord dans l'océan.

Lorsque les avions revenaient atterrir à la suite d'un raid, quelques secondes séparant l'arrivée de chacun, ils n'avaient presque plus de carburant et certains étaient gravement endommagés. J'étais à mon poste, la barrière d'arrêt. Lorsqu'un avion atterrissait sur le pont en mouvement, le pilote devait baisser un crochet placé sur la queue de l'avion. Lorsqu'il recevait du bastman le signal de couper le moteur, il devait baisser la queue pour accrocher un câble qui traversait le pont; c'étaient les seuls freins dont il disposait. Il s'agissait d'un câble hydraulique offrant un certain jeu, mais il était capable d'arrêter l'avion sur une courte distance. Les pilotes réussissaient très bien cette manœuvre, mais ils leur arrivaient de rater le câble ou c'était le crochet qui faisait un rebond ou cassait. C'est alors qu'ils pouvaient entrer dans mes barrières. Lorsque c'était le cas, l'avion arrivait rapidement - en fait, il volait toujours. Mon travail consistait à l'arrêter. Je ne pouvais pas le laisser aller plus loin, car ma division était devant mes barrières occupée à garer les avions et à replier les ailes. Faute d'arrêter ou d'attraper un avion, il se serait écrasé sur les avions garés et les membres de ma division, et il y aurait eu de terribles pertes humaines. Je n'ai jamais laissé passer un avion ni causé de blessures à un pilote. Lorsqu'un avion était sur le point de traverser ma barrière, je devais m'esquiver d'un côté du pont d'envol, car les hélices, étant faites de bois, sifflaient au-dessus de ma tête avec une telle force qu'elles m'auraient transpercé si elles m'avaient frappé. C'était difficile d'atterrir de jour sur un petit porte-avions, mais nous faisions aussi des vols de nuit. Le NSM Puncher est devenu le porte-avions du seul escadron de bombardiers en mission de nuit faisant partie de la flotte territoriale. Il fallait être exceptionnellement habile pour décoller et atterrir sur un pont d'envol en mouvement dans l'obscurité totale. Davantage d'accidents se sont produits dans les barrières la nuit que le jour.

Batsman guide l'appontage d'un avion

Aucun navire n'allumait même la plus petite lumière en mer. Le batsman utilisait des lampes de poche dont les extrémités prolongées étaient faites en plastique, de sorte que les pilotes pouvaient voir. Tout ce que je voyais, c'était le feu sortant du système d'échappement sur le côté des moteurs. Lorsque les étincelles fusaient, je savais que l'avion avait attrapé le câble, et lorsque j'entendais un bruit sourd, je savais qu'il avait atterri et qu'il était arrêté. Lorsque j'étais certain que l'avion s'était arrêté, je posais ma barrière et laissais passer l'avion, puis la replaçais rapidement pour l'arrivée du prochain avion. Un soir, un avion a glissé sur le côté le long du câble de ma barrière et, lorsqu'il s'est arrêté, j'ai reçu des gouttes d'huile chaude sur mes vêtements. L'équipe de contrôle des dégâts était présente sur le pont d'envol à l'atterrissage de chaque avion. Un gars de cette équipe, couvert d'une épaisse combinaison d'amiante, aidait l'équipage de l'aéronef à quitter l'avion lorsque celui-ci frappait les barrières. Le lieutenant-commander Paul Godfrey était l'officier responsable de tout ce qui se rapportait aux vols. En cas d'accident, s'il pointait le pouce vers le haut, c'est que l'appareil était récupérable et qu'il fallait le mettre devant les barrières. S'il le pointait vers le bas, c'est qu'il faillait le balancer par-dessus bord. Toutes ces manœuvres devaient être exécutées rapidement, car nous étions dans des eaux dangereuses, et de nombreux autres avions devaient atterrir. Le capitaine Roger E.S. Bidwell, du NSM Puncher, a servi sur un porte-avions de bombardiers et de chasseurs de nuit de la flotte territoriale en mission au large de la Norvège et dans l'océan Arctique.

Durant certains de ces raids, il y avait plusieurs porte-avions escortés de croiseurs et de destroyers. Le NSM Puncher assurait la protection de l'ensemble de la force de frappe de nombreux navires. Alors, nous comprenions le rôle important que jouait notre navire dans ce théâtre contre l'Allemage nazie. Durant certains raids plus importants menés avec plusieurs porte-avions, le contre-amiral Phoderick McGregor était à bord du NSM Puncher. Il était à coup sûr un amiral engagé dans le combat contre l'Allemagne nazie. Un matin avant les premières heures du jour, tandis que nous sortions de la ligne de barrage de Scapa Flow, nous arborions le pavillon «Ne les lâchez pas, McGregor». La flotte s'est dirigée à pleine vitesse vers l'Arctique. Nous savions maintenant que notre navire se rendait à l'extrémité nord de la Norvège, loin à l'intérieur du cercle polaire arctique, d'où nos avions effectueraient des raids contre la base allemande de sous-marins près de Narvik. Nos avions patrouillaient constamment les airs afin de s'assurer qu'aucun ennemi n'avait découvert notre position ni notre direction et de surveiller un convoi pour les Russes dans le passage de Mourmansk. Le raid a été un succès. Autant que je sache, la plupart des navires sont retournés à Scapa Flow.

À certains moments, lorsque nos avions assuraient la protection, un membre de l'équipage du pont d'envol partait en vol. Je me suis retrouvé, à plus d'une occasion, à plusieurs milliers de pieds dans les airs à agir comme observateur dans un Barracuda à la recherche d'un sous-marin allemand ou d'avions ennemis. De là-haut, le Puncher ressemblait à un cure-dents brisé, balloté par les vagues. À l'atterrissage, j'espérais seulement que le gars affecté à la barrière savait ce qu'il faisait. Il fallait absolument porter le harnais de sécurité lorsque le crochet s'accrochait au câble - l'avion en vol s'arrêtait plutôt brusquement.

Lorsque nous étions ancrés au milieu de Scapa Flow, nous avions toujours quelque chose à faire. L'une de mes tâches, en compagnie de deux ou trois de mes camarades de bord, consistait à gréer le mât de charge pour apporter des fournitures. Le mât de charge, lorsqu'il n'était pas utilisé, était placé à plat sur la passerelle, de sorte qu'il ne nuisait pas aux avions qui atterrissaient. Il servait quelquefois à livrer des friandises destinées au mess des officiers, mais celles-ci ne se rendaient jamais dans les mess des marins. Une caisse de confitures, du pain ou des biscuits aboutissaient alors dans la chambre des treuils où mes amis et moi-même prenions de nombreuses collations imprévues (nous étions vraiment des anges!). À d'autres moments, nous travaillions dans une salle sous le pont d'envol - à épisser les câbles servant à fixer les Wildcat à la catapulte. Chaque fois qu'un avion décollait de la catapulte, la courroie tombait à la mer. Nous avons eu une idée pour conserver les courroies, et nous avons fait part de notre plan au commandant Godfrey. Il a dit que cela valait la peine de l'essayer, et ça a bien marché. Je ne crois pas que nous ayons perdu une autre courroie par la suite. Lorsque nous étions ancrés à l'intérieur de la ligne de barrage, à Scapa Flow, j'ai toujours eu le sentiment d'être plutôt en sécurité.

D'autres gros navires de guerre, etc. étaient ancrés dans le port - le destroyer NCSM Huron, les NSM Anson, Rodney, Berwick, Norfolk et un nouveau porte-avions d'escadre, pour ne nommer que quelques-uns de nos voisins, et beaucoup d'autres navires entrant et sortant du port. Le NSM Puncher a passé la plus grande partie de son temps en haute mer à asséner un coup dur à tout ennemi qu'il pouvait rencontrer. Dans les eaux nordiques, il faisait froid, et nous pouvions être sur le pont d'envol durant de longues heures d'affilée. Le cuisinier de service venait nous voir avec un grand contenant de kia (chocolat chaud) et, si nous avions manqué le repas, il nous donnait quelques biscuits de mer - qui étaient vraiment durs. J'ai toujours cru que si nous nous en étions servis comme boulets de canon, ils auraient fait davantage de bien.

La Marine royale s'est toujours assurée que chaque navire de guerre fonctionnait à efficacité maximale. Pour cette raison, tous les navires devaient respecter un calendrier et retourner à la base aux fins d'entretien. À la fin d'avril 1945, le NSM Puncher a reçu l'ordre de retourner à Glasgow pour un entretien de routine en cale sèche. Ceci signifiait que nous aurions droit à cinq jours de congé. Nous avons quitté Scapa Flow fiers d'avoir participé aux opérations consistant à protéger les routes des convois de fournitures vers la Russie. Au cours de la dernière année, plus d'un million et quart de tonnes de cargaisons ont été transportées jusqu'en Russie en passant par le cercle polaire arctique. La flotte territoriale réunie, seulement au cours de la dernière année, a coulé 28 navires ennemis et en a brûlé, fait échouer ou endommagé 57 autres. Cinquante-cinq avions ennemis ont été détruits et 31 possiblement détruits. Au moins cinq sous-marins allemands ont été coulés et huit autres ont probablement été coulés ou endommagés. De plus, à l'aide de nos forces de frappe, de nombreux ports occupés par les Allemands le long de la côte norvégienne ont été gravement endommagés. Nous avons perdu quatre escorteurs et au moins neuf navires marchands.

Le Puncher étant maintenant en cale sèche à Glasgow, l'équipage avait cinq jours de congé. Mes amis et moi-même nous sommes rendus à Londres qui, à l'époque, était encore bombardée. À n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, des sirènes signalaient un raid aérien. Nous pouvions entendre les bombes volantes, mais quand leur moteur s'arrêtait, elles tombaient tout droit et lorsqu'elles frappaient la cible, il se produisait une terrible explosion. Des milliers et des milliers de personnes vivaient et dormaient dans les métros sous la ville - des familles complètes, des nouveau-nés, etc. Il fallait faire attention où on mettait les pieds de façon à ne pas marcher sur quelqu'un. Ils vivaient là-dessous à l'abri des bombes, et la plupart des maisons avaient disparu. Londres a reçu une terrible raclée. Au début de mai 1945, j'étais à Londres, en Angleterre, et j'ai eu toute une expérience. L'Allemagne et l'Europe avaient déposé les armes et, le jour de la Victoire en Europe, j'étais près du monument de Nelson dans le Trafalgar Square, à Londres, en Angleterre. Quelle fête! Les gens poussaient des acclamations, certains se tenaient debout hébétés, d'autres s'étreignaient, le visage inondé de larmes, et d'autres pleuraient carrément. La guerre était terminée.

Toutefois, le ministère de la Défense nationale devait signaler que de nombreux sous-marins allemands étaient toujours introuvables, et la Marine devait donc poursuivre ses opérations dans l'Atlantique avec son plein effectif de guerre jusqu'à ce que tous les sous-marins allemands aient été dénombrés. Plus de soixante­dix pour cent des membres de l'équipage du NSM Puncher se sont portés volontaires pour servir dans le théâtre du Pacifique contre le Japon. Le capitaine Bidwell avait reçu un avis relatif à sa nomination à venir sur un nouveau porte-avions d'escadre, le NCSM Magnificent, et il a dit que tous les volontaires du Puncher venaient avec lui. La plupart des membres de l'équipage du pont d'envol ainsi que moi-même étions volontaires. La Marine royale du Canada joignait tous ses effectifs à ceux de la Marine royale et de la US Navy pour mettre fin à la guerre au Japon. Durant ce temps, le NSM Puncher avait reçu l'ordre de se rendre dans la mer d'Irlande afin de former un nouvel escadron de Firefly à envoyer en Extrême-Orient. Notre escadron de Barracuda était formé pour se battre dans l'Arctique, mais non sous les tropiques. Nous avons donc formé les pilotes de Firefly au large de l'île de Man. Entre les exercices, nous nous ancrions au large de Douglas, l'île de Man, et plus tard au large de Bangor, en Irlande. La capitulation imprévue du Japon en août 1945 a tout changé. Nous sommes retournés à Glasgow où des couchettes, provenant de la base navale du NCSM Niobe, ont été soudées au pont en acier de notre pont hangar. Nous étions maintenant un navire de transport de troupes.

Clarence Mitchell sur le pont du Puncher

Naviguer sur l'Atlantique tous feux de position allumés, pour la première fois depuis que je m'étais joint à la Marine, a rendu cette journée mémorable. Nous sommes arrivés à Halifax, le 3 juillet 1945. Le NSM Puncher était de retour de sa mission avec la flotte territoriale britannique dans l'Atlantique, la mer du Nord et les eaux nordiques éloignées. Nous avons accosté pour la première visite dans un port canadien depuis plus d'un an - le plus gros navire manœuvré par la Marine royale du Canada à entrer dans le port de Halifax. Sur les ponts étaient alignés des milliers de soldats en plus de notre propre équipage, puisque tout l'espace disponible avait été utilisé pour retourner le personnel de l'armée, de la marine et des forces aériennes. Le NSM Puncher a participé à la démobilisation hâtive de milliers de troupes retournant au Canada, et ce, jusqu'en 1946, moment où le navire a été retiré du service. J'ai servi sur le NSM Puncher à peine un an et demi, depuis le moment de sa construction jusqu'à la fin de la guerre. Puis, j'ai été amené à la caserne maritime du NCSM Peregrine à Halifax où j'ai passé rapidement un examen médical, puis transféré au NCSM Prevost à London, avec une escale à Strathroy pour profiter de jours de congé que j'avais accumulés. Je suis arrivé chez moi le 20 septembre 1945. Le défilé en l'honneur du retour au pays s'est formé sur la rue Frank, en face de l'hôtel de ville. J'étais debout à regarder le défilé lorsque le maire de Strathroy, Walter Bolton, qui était le frère de ma grand-mère, m'a fait entrer dans le défilé. Nous avons marché jusqu'au parc Alexander, où une bague a été remise à chaque ancien combattant. Après plus de soixante ans, j'ai toujours la mienne.

Comme la guerre a eu lieu il y a maintenant de nombreuses années, un grand nombre d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale décèdent. Avant que tous les anciens combattants quittent ce monde, nous devons faire savoir aux générations à venir ce que nous avons accompli. Les vrais héros de la bataille de l'Atlantique étaient les marins de la marine marchande qui ont dépassé leurs limites en traversant un passage dangereux après l'autre.

J'écris ceci, non dans le but de me louanger ni de me glorifier, mais à la mémoire des centaines de milliers de personnes qui ont combattu et sont mortes pour la liberté du Canada. Nous, les Canadiens, vivons dans le plus beau pays du monde entier. Arrivé au NCSM Prevost, à London, en Ontario, j'ai été libéré de la Marine le 6 novembre 1945.

Clarence Mitchell de retour à Strathroy juste avant
salibération

NOTE D'INTÉRÊT

J'étais payé 1,30 $ par jour. Tout le temps passé dans les eaux occupées par l'ennemi, j'avais une prime de danger de 25 cents par jour. J'envoyais la moitié de ma paie à ma mère.

D'après les notes de Clarence Mitchell écrites entre décembre 2005 et mars 2006.

Clarence Mitchell est né le 18 juin 1924 dans une ferme près de Cairngorm, en Ontario.
Il s'est enrôlé sur le NCSM Prevost, à London, en Ontario, le 29 juin 1942.
Il a été libéré du NCSM Prevost, à London, en Ontario, le 6 novembre 1945.
Transposé et révisé par Vaughan et Carol MacPherson, de mars à mai 2006.
Clarence Mitchell est membre de la filiale de la Légion 116 Sir Arthur Currie, Strathroy.

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