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Une orpheline courageuse

La force francophone

Une orpheline courageuse

Transcription
UNE ORPHELINE COURAGEUSE J'suis née en Gaspésie... Les Méchins, comté d'Matane, en 1922. Mon père était un Bouchard, ma mère une [Inaudible], pis on était cultivateurs. Puis comme y avait pas... c'tait toujours des filles qui naissaient mon père était découragé – j'faisais l'ptit gars d'la ferme [rires]. Alors, j'tais habituée à suivre le commandement des hommes, pour remplacer, parc'que y'avait trop d'filles, y'avait pas d'gars. Ça fait que, mon père est décédé en 1932, j'avais dix ans... neuf ans, puis comme on avait trois fermes qui fallait que tout' marche, que j'étais l'ptit gars d'la ferme, pis qui savait tout', [les pommes de terres], alors au lieu d'aller à l'école, [inaudible] j'ai arrêté l'école, j'guidais les hommes : Ça, c'pour l'avoine... Ça c'est pour l'orge... Les patates vont là... » J'guidais les hommes su' ma ferme. Quand ma mère est morte, moi, en '36, on est restés orphelins. Là, la ferme rev'nait à mon grand-père Bouchard... Onésime Bouchard, qui avait fait la guerre des Boers, qui était vétéran, qui « mangeait » d'l'armée, qui m'a expliqué tout c'qui s'passait. Alors, lui, là, y a pris la charge... la ferme rev'nait à lui. Alors, après, c'était mon oncle [inaudible] Bouchard, le frère de papa, qui rev'nait sur la ferme avec ses enfants, et nous, fallait être placés. Alors, dans c'temps-là, c'était que les plus jeunes ont été adoptés. Un, y porte le nom de [inaudible], l'autre, le nom de... tout' différents noms. Y'n avait pas un qui était du même nom... Puis, comme on était trois qui restaient, les plus vieilles, les filles, on s'est en allées à l'orphelinat d'Rivière-du-Loup. Puis l'orphelinat, quand que... c'qu'y a... on faisait du ménage, on étudiait, quand qu'le ménage était fait, pis comme on avait pas d'parents, on avait personne pour s'occuper d'nous autres, ben c'est pas nous autres qui avaient la cote d'amour. Même si c'était les religieuses du Bon-Pasteur qui y avait là, dans l'temps, là... Alors, moi, une journée, quand y a eu l'congrès eucharistique là dans les années '40 ça, j'pense, à Québec – j'suis v'nue... On m'a dit que j'avais gagné le prix pour v'nir à Québec. Alors, j'suis v'nue au congrès. On logeait chez un sous-ministre qui avait une grosse propriété une maison d'campagne et tout. Alors on est restés là... Moi, y m'ont gardée pour l'temps des vacances, disant que j'aidais dans maison. J'tais bien correcte, t'sais. J'aidais à vaisselle, pis tout ça. J'faisais l'ouvrage, pis c'tait pour l'temps des vacances au lieu d'm'en aller à l'orphelinat. Quand est v'nu l'temps, au mois d'septembre, pour retourner à Rivière-du-Loup à l'orphelinat, [inaudible] a dit : « Attend, la religieuse va v'nir. » La religieuse est arrivée, pis a dit : « Tu va rester ici... », pis a dit : « Tu vas travailler. » Ben moi, j'ai dit tout bonnement : « J'vas rester ici... », pis j'travaillais... Y avait déjà trois servantes dans maison, pis j'ai dit : « C'correct, mais si j'reste ici, j'veux être payée... » Chez nous, mon père, on payait les ouvriers, chez nous, pis j'tais habituée. Alors là, la religieuse, elle m'a dit : « Compte-toi chanceuse qu'on t'garde pour ta nourriture... T'es juste une orpheline... Tu vaux pas plus cher. » Ça, Monsieur, c'est gravé là pour la vie. « T'es juste une orpheline. Tu vaux pas plus cher. » C'est comme si j'avais d'mandé la permission de v'nir... Tu restais toute seule. Ça fait mal, hein ? Alors, j'ai resté là, pis j'travaillais comme servante avec la [inaudible] de bonne, pis tout' ça. Quand qu'la guerre s'est déclarée, pis que l'armée, pis tout' ça, pis que y avait tout' ça pis j'voyais, pis eux autres, leurs garçons, y'n a deux, trois qui sont allés dans l'armée, tout' ça. Pis une bonne journée, moi, y avait l'Chronicle-Telegraph y lisaient l'Chronicle-Telegraph, dans l'temps – c'tait marqué : Join the Army. Mais j'viens d'la Gaspésie j'suis une orpheline, j'suis pas intelligente, mais j'sais lire l'anglais. C'tait marqué : Join the Army. Pis j'prends l'nom, moi, pendant qu'tout' est parti, là... la bourgeoise était partie magasiner, lui y était un sous-ministre, y était parti à son bureau, pis j'ai pris l'adresse. J'ai déserté, avec une p'tite robe ici, pis en guenille. J'ai été su' la citadelle... au pied d'la citadelle, là... J'ai été m'enrôler. J'suis arrivée, j'ai dit : « Moi, j'suis une orpheline. J'travaille pour ma nourriture, mais j'vaux plus cher que ça. Pis j'm'en vais dans l'armée. » Pis elle m'a dit : « Quel âge que t'as ? » J'ai dit :« J'ai dix-huit ans. » A dit : « Si tu veux travailler, pis étudier, pis [inaudible], y a d'l'av'nir pour toi dans l'armée. » A dit : « Viens t'en ici à soir, à sept heures. » J'ai dit :« Ben, j'peux pas. Faut qu'j'arrive à huit heures pour que j'serve le souper. » A dit : « On va t'attendre jusqu'à huit heures. » J'ai parti, j'ai donné mon nom, ma date de naissance et tout, où j'étais née, Les Méchins, comté d'Matane, 19 octobre 1922, pis envoye donc. Quand qu'j'ai arrivée, j'ai pas dit à bourgeoise, j'ai servi l'souper comme d'habitude, j'ai tout' ramassé, mais moi j'avais un p'tit sac de papier brun, avec une jaquette, une paire de bas, pis trois, quatre guenilles là-d'dans. J'avais pas d'linge, j'avais rien. Pis y m'avaient dit qu'elle n'avait pas d'besoin... Une vieille robe de chambre, pis une vieille jaquette. En tous les cas, c'était un sac de papier brun, pis quand que j'ai été finie, j'ai rentré dans l'bureau du boss, pis y dit : « Où tu t'en vas ? » « J'm'en vais dans l'armée. » Y dit : « La bourgeoise le sait-y ? » J'ai dit :« Non... » Y dit : « Quand est-ce ? » J'y dit : « J'ai été m'enrôler après-midi, pis j'm'en vais. » Y dit : « Vas t'en, passe par en arrière, pis j'vais arranger ça. » Y a été ben gentil. Alors, moi, j'ai parti par la p'tite porte de cuisine, en arrière, traversé la cour, pis j'me suis en allée su' la citadelle à pied, j'ai fait tout' les rues à pied, mais y m'avaient dit qu'y étaient pour m'attendre, eux autres. Quand j'suis arrivée, j'avais un lit, pis l'lend'main matin à huit heures, j'ai passé au « quartier-maître ». J'ai sorti du « quartier-maître », j'avais deux uniformes, un kit bag, j'tais habillée, j'me prenais pour la princesse [rires]. J'avais un nom, pis un numéro : W5124. J'tais la cent-vingt-quatrième fille à m'enrôler au Québec. J'avais un nom, pis un numéro, j'tais un être humain comme tout l'monde. J'tais p'us une orpheline, ni un déchet d'la société, comprenez-vous ? Moi j'avais pas d'mandé que mes parents meurent, j'ai pas d'mandé d'rester tout' seule. Mais j'ai dit : « Si Dieu y m'a laissé tout' seule, si Saint-Pierre, en haut, a décidé de m'laisser tout' seule, c'est parc'que j'tais capable de m'déniaiserv, d'me runner tout' seule... Pis sacrez-moi la paix... »
Description

Mme Bouchard parle de son enfance souvent très difficile et comment elle en est venue à s’enrôler dans l’Armée.

Jeanne Bouchard

Mme Bouchard est née le 19 octobre 1922 à Les Méchins, Québec. Ses parents sont agriculteurs. Son grand?père a participé à la guerre d’Afrique du Sud. Après le décès de ses parents, elle suit un cours commercial au Couvent du Bon?Pasteur. À 18 ans, elle s’enrôle à La Citadelle de Québec et devient ainsi la 124e femme québécoise à s’enrôler. Au cours de son engagement, elle suit une formation à Toronto en sténographie et dactylographie. En soirée, elle poursuit ses études en langues et en comptabilité. Sa formation la mène à occuper un emploi comme administratrice de la guerre; elle est donc affectée aux registres. Lors de son service à Québec, elle est principalement affectée à la gestion des rations ainsi qu’au service de la paye. Mme Bouchard est démobilisée le 24 janvier 1946, mais elle demeure active au sein de la Légion de Québec.

Catégories
Médium :
Vidéo
Propriétaire :
Anciens Combattants Canada et Témoignages d'honneur
Durée :
6:56
Personne interviewée :
Jeanne Bouchard
Guerre ou mission :
Seconde Guerre mondiale
Emplacement géographique :
Canada
Branche :
Armée
Unité ou navire :
Service féminin de l’Armée canadienne (CWAC)
Grade militaire :
Caporal suppléant
Occupation :
Administratrice

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