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Avril 1915 — Mont de Cats

Le 9 avril

La campagne tout autour est très belle. Ce matin, nous avons marché jusqu'au sommet du Mont de Cats, une colline s'élevant à environ cinq cents pieds au-dessus du niveau de la mer. La vue est magnifique. On peut voir au loin la frontière belge et, tout près alentour, des petits hameaux et des clochers élancés à moitié dissimulés derrière des peupliers. Les toits rouges des maisons contrastent agréablement avec les tons de vert et de brun de la campagne luxuriante. De larges routes pavées de pierres blanches s'étirent par-delà les collines tels de longs rubans bordés de peupliers jusqu'à perte de vue, au-delà des ailes des moulins à vent qui s'agitent dans le lointain.

À la vue de ce coin de paradis, il est difficile de se rendre compte que des canons rugissent et des hommes agonisent à quelques milles à peine.

Au sommet du Mont de Cats se trouve une abbaye datant du Moyen-âge qui a, depuis peu, été convertie en hôpital. Il y a également ici une vieille charpente de moulin à vent qui n'a pas servi depuis longtemps.

Juin 1916 — Troisième bataille d'Ypres

Le 7 juin Poste de secours avancé, « Abris dans le remblai du chemin de fer »

Nous, c'est-à-dire trois sections de brancardiers, sommes arrivés ici cet après-midi. La route d'Ypres était jonchée de débris de guerre : fusils, pièces d'équipement, avant-trains, wagons de ravitaillement et chevaux morts. Des canons de tous calibres sont rassemblés près d'ici, et on entend le tir constant des petites armes. Le poste de secours, creusé dans le remblai du chemin de fer, est presque à l'épreuve des obus.

Le 14 juin

Nous travaillons sans arrêt depuis quarante-huit heures, mais le combat fait encore rage et les blessés tombent tellement vite que nous ne suffisons pas à la tâche. Il a plu toute la semaine. Dans les tranchées, nous pataugeons dans l'eau et la boue jusqu'aux genoux et, en certains endroits, jusqu'à la taille. Il y a des morts et des blessés partout : dans les tranchées, dans les cratères d'obus et le long des chemins détrempés. Nous avons transporté deux mille blessés depuis le début de l'attaque, mais des centaines d'autres sont en train de mourir de froid à un mille d'ici, et nous ne pouvons pas nous y rendre. Ceux qui sont déjà ici doivent attendre leur tour à l'extérieur du poste de secours.

Ce soir, la 3e Ambulance de campagne doit nous relever. Ces douze heures de repos seront bienvenues, car nous sommes tous épuisés.

Mont de Cats

Septembre 1916 — La Somme — Un combat aérien

Le 11 septembre

À elles seules, les prouesses quotidiennes des aviateurs suffiraient à nous désennuyer. L'âge de la chevalerie n'a jamais connu de tournois plus grandioses que ceux que se livrent, sans effort apparent, ces chevaliers du 20e siècle dans l'arène bleue du firmament. Ce matin, j'ai assisté à un imposant duel opposant une escadre britannique à une escadre allemande. Elles ont combattu là-haut dans les nuages pendant environ trente minutes, à la grande satisfaction d'un public d'environ un quart de million qui, échelonné le long de la ligne de front, les acclamait d'une voix puissante. Le combat était centré sur deux appareils qui manoeuvraient comme des aigles hostiles. Ils s'élançaient, dans un va-et-vient incessant au-dessus des spectateurs ébahis, chacun essayant d'amorcer une attaque en piqué sur l'autre. Enfin, « notre homme » a eu le dessus; faisant feu de sa mitrailleuse meurtrière, il a terrassé son adversaire qui s'est écrasé en flammes et dans un épouvantable grondement de tonnerre, comme l'ange de Milton que « le Souverain Pouvoir jeta flamboyant, la tête en bas, de la voûte éthérée ».

Pendant le combat, la circulation au sol s'était interrompue et l'activité guerrière s'était arrêtée comme réglées par un mouvement d'horlogerie. Après, les roues recommencèrent automatiquement à tourner—les attelages se remirent à patauger péniblement sur les routes, les hommes reprirent les fusils qu'ils avaient mis de côté ou rentrèrent dans les rangs ou continuèrent leur repas ou leur jeu de cartes, et les colonels regagnèrent leurs abris.

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