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Des milliers de volontaires

La Première Guerre mondiale

Joseph Bomberry (à gauche) et George Buck, de la réserve des Six-Nations de Grand River, comptaient parmi les quelque 4 000 Autochtones canadiens qui quittèrent leur foyer pour se joindre au Corps expéditionnaire canadien pendant la Grande Guerre. (Woodland Cultural Centre)

Pendant quatre brèves années, nos fils ont combattu dans les tranchées européennes à côté des leurs, nos sangs s'entremêlant tout comme ils s'étaient entremêlés d'une manière différente au cours des quatre cents dernières années. C'est dans la mire de leurs fusils et tourmentés par le grondement des canons que quatre mille de nos frères autochtones, aujourd'hui grands-pères, découvrirent la patrie européenne. Des centaines y furent inhumés, loin de leur terre natale. Ces guerriers autochtones surent très bien se défendre et défendre la cause des Alliés. ... Ils furent de courageux, intelligents et fiers porteurs du bouclier.6

La réponse

Un sur trois : C'est dans cette proportion que les membres des Premières Nations canadiens, aptes au service, et d'âge militaire, se sont enrôlés au cours de la Première Guerre mondiale.7 De nombreux Autochtones vivaient dans des régions reculées du pays où le bruit des canons d'Europe résonnait à peine. Néanmoins, environ 4 000 d’entre eux quittèrent leurs foyers et leurs familles pour se battre dans un conflit international qui faisait rage sur les champs de bataille européens.

Un an après le commencement de la guerre, Duncan Campbell Scott, sous-surintendant général au ministère des Affaires indiennes, fit part de la réponse des membres des Premières Nations au parlement :

Je suis heureux d'attirer l'attention sur le fait que la participation de la Grande-Bretagne à la guerre a suscité des expressions de loyauté de la part des Indiens et qu'ils ont offert de verser des contributions à l'égard des dépenses générales de guerre ou du Fonds patriotique. Certaines bandes ont également offert les services de leurs guerriers si nous en avions besoin.8

Scott fit des déclarations semblables dans les rapports annuels des Affaires indiennes au cours des cinq années qui suivirent, à mesure que ses employés à travers le pays signalèrent une augmentation continue du nombre des recrues et des dons en argent provenant des réserves.

Le lieutenant James Moses d'Oshweken, dans la réserve des Six-Nations, servit dans les services de l'infanterie et de l'aviation. En 1918, l'avion à bord duquel il faisait de l'observation fut abattu en France. Le pilote et l'observateur furent portés disparus. (Russ Moses)

Malgré ces rapports, on ne connaît pas le nombre total de volontaires autochtones.9 À la fin de 1915, les fonctionnaires régionaux du ministère des Affaires indiennes reçurent l'instruction de remplir et de présenter les formules de rapport d'enrôlement des Autochtones. Toutefois, dans ses rapports annuels, Scott précisa que tous les Autochtones qui s'étaient enrôlés n'avaient pas tous été identifiés comme tel. En outre, comme son ministère s'occupait principalement des membres des Premières Nations, les dossiers tenaient rarement compte des Inuit, des Métis et des autres Autochtones canadiens qui s'étaient portés volontaires. Il en était de même de l'enrôlement dans les Territoires et à Terre-Neuve (qui ne s'était pas encore joint à la Confédération). On peut dire sans se tromper que plus de 4 000 Autochtones se sont enrôlés.

Au gouvernement du Canada, dirigé par le premier ministre Robert Borden, on ne s'attendait pas à ce que tant d’Autochtones se portent volontaires. Au début, le gouvernement avait espéré décourager l'enrôlement des Autochtones et il adopta une politique qui interdisait le service des Autochtones outre-mer. On croyait en effet que l'ennemi percevait les Autochtones comme des « sauvages » et que ces derniers feraient ainsi l'objet de mauvais traitements s'ils étaient faits prisonniers.10 La politique ne fut toutefois jamais appliquée de façon rigoureuse et elle fut abandonnée à la fin de 1915 à cause du grand nombre de demandes d'enrôlement de la part des Autochtones de même que du besoin pressant de plus de troupes pour les Alliés.

L'appui des collectivités autochtones à l'effort de guerre des Alliés ne fut pas du tout unanime. Par exemple, certains conseils de bande refusèrent d'aider l'effort de guerre des Alliés à moins que la Grande-Bretagne ne leur reconnaisse le statut de nation indépendante. (Statut qui ne leur fut pas accordé.)

Cinq volontaires autochtones de la Saskatchewan. Joseph Dreaver (dernière rangée, à l'extrême gauche) devint plus tard chef de la bande des Cris de Mistawasis et se porta également volontaire pour servir lors de la Seconde Guerre mondiale, tout comme Louis Arcand (première rangée, à droite) de la bande des Cris de Muskeg Lake. (Gladys Johnston)

Après l'instauration de la conscription - le service militaire obligatoire - par le gouvernement du Canada en août 1917, nombre de chefs autochtones pressèrent le gouvernement d'exclure les Autochtones. Dans le passé, lors des négociations des traités avec les Autochtones, certains chefs de l'Ouest avaient demandé et reçu la garantie du gouvernement britannique que les Autochtones ne seraient pas tenus de se battre pour la Grande-Bretagne si celle-ci entrait en guerre.11 Le gouvernement se fit rappeler ces promesses nombre de fois. En janvier 1918, un décret fut adopté pour exempter les Autochtones des fonctions de combat.

Pour ce qui est de l'enrôlement volontaire cependant, l'enthousiasme des Autochtones fut évident à travers le Canada. Certaines réserves perdirent presque tous leurs jeunes hommes. Par exemple, seulement trois hommes aptes au service et d'âge militaire parmi les Algonquins de la bande Golden Lake restèrent dans leur réserve.12 Environ la moitié des Micmacs et des Malécites aptes à l'enrôlement au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse s'enrôlèrent et, quoique peu nombreuse, la collectivité de File Hills en Saskatchewan offrit presque tous ses hommes aptes à l'enrôlement. En Colombie-Britannique, tous les hommes célibataires de la bande Head of the Lake âgés de 20 à 35 ans se portèrent volontaires.

À Winnipeg, on rapporta dans un journal que « trente descendants des Métis qui combattirent aux côtés de Louis Riel en 1869-1870 ... viennent de s'enrôler à Qu'Appelle. Ils sont tous membres de la Société des Métis canadiens-français de cet endroit. Leurs noms sont inscrits dans le parchemin d'honneur de la Société. »13

Les nouvelles de la guerre ne se rendaient pas facilement jusqu'à certaines collectivités autochtones du Canada. Les réserves du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et des régions du nord des provinces comptaient moins de réseaux de transport et de communication avec le reste du Canada. Souvent, les Autochtones de ces régions n'étaient pas au courant de la guerre ou il leur fût difficile de s'enrôler. Néanmoins, au moins 15 Inuit - ou des personnes d'ascendance inuit - du Labrador se joignirent au 1st Newfoundland Regiment.14 En outre, environ 100 Ojibwa des régions isolées au nord de Thunder Bay, en Ontario, se rendirent au centre de recrutement le plus proche, à Port Arthur ou à Fort William.15 Bon nombre servirent dans le 52e Bataillon d'infanterie légère canadien et au moins six d'entre eux se méritèrent des médailles pour bravoure.

William Semia ne parlait ni français ni anglais lorsqu'il s'enrôla dans le 52e bataillon. C'est un autre volontaire autochtone qui lui apprit l'anglais dont il se servit plus tard pour diriger les exercices des pelotons. (Bibliothèque et Archives Canada / C-68913)

Une recrue du 52e, William Semia, un trappeur de la Compagnie de la Baie d'Hudson et membre de la bande Cat Lake dans le nord de l'Ontario, ne parlait ni anglais ni français quand il s'enrôla. Peu importe, il apprit l'anglais auprès d'un autre volontaire autochtone et, plus tard, il arriva souvent qu'on lui confia la tâche d'entraîner les pelotons.

Malgré l'opposition de son conseil à l'enrôlement des membres de la réserve, la collectivité des Iroquois des Six-Nations de Grand River au sud de Brantford, en Ontario, fournit plus de soldats que n'importe quelle autre collectivité autochtone du Canada. Environ 300 d'entre eux allèrent au front. En outre, les membres de cette réserve, la plus populeuse au Canada, donnèrent des centaines de dollars pour aider les orphelins de guerre en Grande-Bretagne et pour apporter d'autres types de secours aux victimes de la guerre.

Nombre des volontaires de la réserve des Six-Nations furent d'abord membres du 37e Haldimand Rifles, un régiment de la milice active non permanente établi dans la réserve. Ce régiment fournit la plupart des membres du 114e Bataillon d'infanterie canadien, pour lequel on avait fait du recrutement dans la région. Cinquante Mohawks de Kahnawake au Québec, de même que plusieurs Mohawks d'Akwesasne, se joignirent aux recrues de Grand River dans cette unité. Des Autochtones de l'ouest de l'Ontario et du Manitoba en devinrent aussi membres. Finalement, deux compagnies du bataillon étaient entièrement composées d’Autochtones, y compris les officiers. En reconnaissance de sa forte composition d'Autochtones, le bataillon adopta un emblème composé de deux tomahawks croisés en-dessous de la devise For King and Country (Pour le roi et le pays). De plus, les membres de la Ligue patriotique des femmes des Six-Nations brodèrent des symboles iroquois pour donner un drapeau distinctif au bataillon.

Peu après son arrivée en Grande-Bretagne en 1916, le 114e fut dispersé pour servir de renfort. Nombre de ses membres se retrouvèrent dans le 107e Bataillon, une unité de Winnipeg composée entre autres de centaines d’Autochtones des Prairies, et qui devint d'abord un bataillon de pionniers16 et qui fit ensuite partie d'une brigade de génie comptant plus de 500 Autochtones.17

La Ligue patriotique des femmes des Six-Nations brodèrent ce drapeau pour le 114e bataillion d'infanterie canadien. Le bataillon avait la permission de le porter avec le drapeau du roi et celui du régiment.

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