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Les mémoires de Gordie Bannerman

Le regroupement et le recyclage

Le Corps d’armée canadien a été dispersé dans diverses aires de repos et mis hors de combat le temps que les soldats se regroupent et s’entraînent, et il était à espérer, qu’arrivent des remplaçants et de l’équipement. Les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu durant cette période, comme la dysenterie s’était répandue dans toutes les unités. Tellement d’hommes ont dû être transportés à l’hôpital, plusieurs ont succombé à cette maladie, si bien que la situation est devenue inquiétante. J’étais sergent de service à ce moment-là au poste de commandement régimentaire et je partageais une tente avec le sergent-major régimentaire, Jim Murray. Victime d’une violente attaque de dysenterie, il était devenu extrêmement malade. J’ai demandé que notre médecin militaire, le capitaine Strashin, vienne l’examiner. Il a conclu qu’il fallait évacuer le SMR vers l’hôpital. Mais Jim Murray était un homme fier, et il a refusé de quitter le régiment et de se déclarer impuissant devant la maladie. Les jours défilaient et la possibilité que Jim Murray meurt à mes côtés était un souci de tous les instants.

Il fallait intervenir. Un soir, le SMR s’était tellement affaibli qu’il pouvait à peine parler ou boire une gorgée d’eau. Il était au seuil de la mort et je le savais. Je me suis dirigé vers notre poste de secours où j’ai aperçu le bombardier Joe Deshane, le médecin-chef responsable. Je lui ai expliqué que le SMR devait être transporté à l’hôpital sur-le-champ, et qu’il devait demander à son chauffeur de stationner le camion à l’arrière de notre tente. Nous nous empresserions, son chauffeur et moi, de charger le SMR et son lit dans le véhicule pendant que Joe échangerait quelques mots avec le SMR. C’est ce que nous avons fait. Le bombardier Deshane a expliqué comme convenu au SMR que nous l’amenions à l’hôpital. Le médecin du poste sanitaire d’évacuation s’étonnait qu’on avait pu laisser Jim dans cet état pendant si longtemps. Il a appelé un prêtre pour qu’il administre les derniers sacrements. Le médecin a diagnostiqué une péritonite aiguë avec déshydratation aiguë; Jim était à l’article de la mort. Il s’est pourtant remis de sa maladie, mais il n’a jamais retrouvé sa forme et n’est pas retourné au combat.

Tous les militaires quel que soit leur grade étaient bien informés sur la manutention des explosifs, qu’il s’agisse de leurs munitions ou de celles des autres. La règle voulait qu’on laisse les mines ou tout autre explosif dont nous savions peu de choses aux ingénieurs. À l’une des aires de repos, un de mes bons copains, Bob Anderson, passait près d’un camion quand des soldats à l’arrière du véhicule lui ont crié de venir voir une amorce de plus près. Bob a jeté un coup d’œil et leur a recommandé de ne pas y toucher. Les gars retiraient les amorces de projectiles de 20 mm de diamètre. Bob a eu à peine le temps de s’éloigner de quelques pieds que le son d’une explosion a retenti. Il s’est retourné et a vu l’artilleur Jeffery qui tenait sa main levée; l’explosion lui avait arraché un ou deux doigts. Ç’a été pour lui une leçon qui a mis fin à sa vie de soldat. Nous avons tous fait des bêtises, oh que si, et leur avons survécu.

Un concours de circonstances a fait que le colonel Armstrong m’a annoncé le 22 juillet 1944 que j’étais relevé de mes fonctions de sergent-major dans le régiment, mais que je pouvais coudre à mon uniforme la couronne enguirlandée d’un sob2. J’avais été promu au poste de sergent-major de la troupe Fox et devais dorénavant faire rapport au capitaine Brown, le commandant de la troupe Fox. Près de quatre ans s’étaient écoulés depuis mon enrôlement dans l’armée. Le sergent-major d’artillerie, Bill Lloyd, était impatient de me féliciter et m’a remis la couronne enguirlandée en laiton, cousue à une bande de poignet. Cette bande, je l’ai porté au fil de tous ces mois, quand nous n’étions pas en tenue de combat.

Vers la fin de juillet, le roi George VI a fait un voyage incognito en Italie, où il s’est rendu sur le champ de bataille de Cassino. Une centaine de nos officiers et militaires d’autres grades ont assisté à la cérémonie où le roi George a remis au major Mahony du régiment de Westminster une Croix de Victoria pour bravoure sous le feu ennemi durant la traversée de la rivière Melfa. Quiconque avait rencontré le major Jack Mahony s’entendait pour dire qu’il méritait toutes les récompenses qu’on puisse lui offrir. Je pense qu’à cette occasion, le lieutenant Perkins du Lord Strathcona Horse a été décoré de l’Ordre du service distingué. Jamais encore un lieutenant n’avait obtenu cet insigne, généralement réservé aux officiers supérieurs à partir du grade de major. Ils méritaient tous les deux ces récompenses.

En route pour la ligne Gothique
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