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Afghanistan - Les Forces armées canadiennes en Afghanistan

Forces armées canadiennes

Afghanistan - Les Forces armées canadiennes en Afghanistan

Transcription

Étienne Aubé

Bon nous, c’est sûr qu’en Afghanistan, c’était suite initialement au conflit qu’il avait eu, l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 à New York, donc pour le « World Trade Center ». Par la suite il y a eu une invasion américaine de l’Afghanistan. Puis la coalition est rentrée là-dedans. En 2004 c’était avec l’ISAF qu’on était, mais c’était plus pour la sécurité. Puis en 2009, par contre, c’était une mission offensive contre les insurgés à Kandahar.

Dominic Larocque

Il est arrivé, je ne me souviens pas exactement de la date, mais à un moment donné on s’est fait dire que le bataillon se préparait à être déployé en Afghanistan, qu’il y avait des formations plus spécifiques pour les missions en Afghanistan. On commençait les entrainements, ce qui était quand même assez court dans mon cas, ça faisait quelques mois que j’étais là seulement. Ils ont bâti un bataillon pour le déploiement, et j’en ai fait partie sur une base totalement volontaire.

Natacha Dupuis

En 2007, je suis sur une liste de 10% pour être déployée en cas d'accident ou de chose comme ça, pour un escadron qui est déjà en Afghanistan. Je reçois l'appel que je pars dans 2 semaines pour aller remplacer quelqu'un qui était blessé.

Jean Vachon

L'Afghanistan c'est long aller là. On part de Québec, on se rend, après ça on a atterri en Allemagne. Ça c'est pas tous les « flights » qui sont allés pareil. Nous autres, c'est un avion nolisé civil. Je ne me souviens pas c'est quelle compagnie, je pense c'est Air Canada nous autres. On est tous en militaire, je suis habillé en tan, comme ça mais tan, habit du désert comme on voyait à la TV de l'Afghanistan. Il y en a qui l'ont fait direct, il y en a qui ont atterri à différentes places. Moi mon vol a moi c'était d'ici, puis je pense c'est Leipzig, en Allemagne, de l'Allemagne après ça jusqu'à Dubaï, et de Dubaï jusqu'en Afghanistan.

Dominic Larocque

Je n’avais jamais vraiment sorti de chez nous, j’avais jamais vraiment vu d’autres pays, d’autres continents. On part du bataillon en autobus, toute l’unité ensemble, on s’en va à l’aéroport de Québec, on embarque dans un avion militaire, civil, mais militaire, puis on est envoyés à Dubaï pour quelques jours, un ou deux jours, le temps de faire la transition.

Natacha Dupuis

Mais quand je suis arrivée à Dubaï, j'ai appris le décès d'un collègue qui était là.

Dominic Larocque

Par la suite on embarque sur un avion militaire Hercules, plus de type, pas combat, mais plus militaire opérationnel, avec tout notre équipement, avec nos armes, prêts pour le combat. On atterrit à Kandahar un ou deux jours après Dubaï.

Étienne Aubé

Oui, définitivement. Oui, oui, c’était un gros choc culturel. C’était la première fois en réalité que j’allais dans des pays, bien, on va se dire, c’est musulman à cent pour cent. Donc on arrive là-bas, c’est les prières dans les « speakers ». Il y a ça, tu sais. Il y a la culture qui n’est pas occidentale du tout non plus là.

Jean Vachon

Puis c'est long, le décalage horaire est très long, c'est 8h30 l'Afghanistan le décalage horaire, fait que le temps de revenir dans la routine; quand t'arrives là-bas, c'est comme une autre planète, mais quand tu arrives à Kandahar, KAF, qu'on appelle Kandahar Air Field, quand t'arrives à KAF, c'est une « ville » dans l'Afghanistan. C'est tellement gros, il y a du trafic, il y a des rues, il y a des arrêt stop, c'est immense comme place puis c'est vraiment tout ce qui est troupes de l'OTAN, fait que c'est gros, gros, gros. Fait que tu as ton petit secteur canadien, nous autres on avait notre petit secteur, puis quand tu arrives là bien là tu reçois ton équipement, puis après ça tu reçois, ceux qui restent sur le camp ont leur chambre, après ça tu reçois des briefings qu'est-ce qui se passe, les derniers jours, qu'est ce qui s'est passé, les morts, des choses comme ça, des tirs de roquettes, des attaques, tu fais des mini pratiques encore comme on trouve, on appelle ça des IED, des Engins Explosifs Improvisés, t'as des mini pratiques encore puis après ça, quand ton temps est venu, là tu t'en vas où t'es supposé aller. Fait qu'ils nous ont envoyé sur une FOB, une base avancée d'opération, qu'on appelait dans ce temps-là c'est Masum Ghar.

Dominic Larocque

On a atterri à Kandahar, un ou deux jours après Dubaï. On a passé, encore là, dans le temps, je ne me souviens pas exactement combien de temps, mais un court laps de temps à Kandahar, à l'aéroport, quelques petites formations de base, côté sécurité, sur le camp, un peu la tendance de ce qui se passe présentement là-bas. Puis après ça on est envoyés, pas au front, on est envoyés sur les postes avancés. Nous on n’était pas à Kandahar, on était plus au sud, dans le district de Panjwai. On était dans le, communément appelé, le bastion des talibans. J’avais les yeux gros, je veux dire j’absorbais tout ce que je voyais, tout ce que je pouvais assimiler. Voir du désert comme ça pour la première fois, la chaleur. Quand on était à Dubaï, on est arrivés le soir, je me rappelle on était dehors après minuit puis il faisait en haut de 50 degrés Celsius, c'était du jamais vu. Après ça, à Kandahar, tout est nouveau, à la base, tu voyais plein de nations, tout va très vite. Première mission, ça va tellement vite que tu n’as pas le temps de tout réaliser ce qui se passe, t’es rendu au front. C’est rendu à ton poste avancé, c’est là que tout commence, l’entrainement tout commence, les procédures qu’on a pratiqué autant sur le cours de recrue que sur le cours de fantassin, les « shifts » de garde, les patrouilles, les opérations, ça commence là!

Natacha Dupuis

Quand je suis arrivée en Afghanistan, c'est lui que j'ai remplacé, la personne qui était décédée. Ça c'était pas facile parce que là j'arrivais dans une troupe endeuillée, une troupe aussi qui était tissée très serré. C'était de faire sa place, pas trop prendre de place non plus, mais il fallait que je fasse ma place quand même. C'est une place difficile à prendre, la place de quelqu'un qui est décédé au combat, c'est pas facile. J'ai fini la mission avec eux, il restait 2 mois à la mission. J'ai été affectée comme chauffeur du Coyote.

Jean Vachon

Rendu en Afghanistan, on dirait que je me sentais prêt. Il y a des étapes, ça c'est fait, ça c'est fait, je suis rendu là. Ma propre sécurité, un moment donné ça a fait, c'est pas vrai que je vais avoir peur tout le long et que je vais anticiper au cas où je meurs ou que j'aille peur, puis à la fin du tour, si je meurs rien qu'à la fin du tour, je vais avoir passé un tour malheureux tout le long pour mourir et si je meurs pas, tabarouette, j'ai passé tout ça pour ça. J'ai dit non, au jour le jour. C'est la seule fois dans ma vie, vivre le moment présent, ça je le vivais pour vrai. Me lever le matin, c'était là. Puis j'ai trouvé ça beau l'Afghanistan, parce que justement, j'étais capable de me dire c'est beau. Un lever de soleil, wow, un coucher de soleil, même affaire, c'est dont bien beau. C'est vraiment beau, des montagnes avec un petit paysage vert et un gros soleil, le soleil a l'air gros, tu vois la grosse boule et ça descend, je trouvais ça beau. Mais dans la région où on était, oui, c'est beaucoup de sable et de montagnes de même mais il y a de la végétation pareil, parce les champs, il y a beaucoup de champs, oui, il y a du pavot, mais quand au mois de juin, c'est fini le pavot, mai-juin, c'est pour ça qu'on appelle ça la « fighting season », la saison des combats, parce que ceux qui récoltent le pavot, les récoltes de ça pour faire de l'argent, bien là il y en a plus, fait qu'il y en a beaucoup, bien astheur, ils vont dans les talibans, les choses comme ça, ils ont le temps de venir nous tirer.

Étienne Aubé

Nous, dans le fond, les règles d’engagement, je peux en parler, c’était, en ce moment-là, je ne me rappelle plus exactement c’était quoi le chiffre de la règle d’engagement, mais c’était un cadre de mission offensive. Donc, aussitôt qu’on sentait notre vie en danger, ou celle de quelqu’un d’autre, on avait le droit de prendre action directement. Quand venait le temps, soit de tirer sur l’ennemi, ou d’engager une procédure quelconque, on communiquait avec la chaine de commandement, puis on avisait de la situation. Rapidement, l’info découlait, si on voulait de l’artillerie sur une position, ou si on se faisait engager directement. C'est jamais nous qui allait engager l'ennemi parce qu'on savait pas qui était l'ennemi, donc on pouvait pas. Puis la majorité des gens là-bas sont armés, par principe, par sécurité, donc c'est pas parce qu'il y avait quelqu'un d'armé qu'on se mettait à tirer dessus automatiquement, ça marchait pas comme ça. Souvent on attendait qu’ils engagent, par la suite on était capable de l’identifier et de riposter. On n’engageait pas n’importe qui, n’importe quand. Ce n'est pas comme ça que ça marche.

Natacha Dupuis

Mon deuxième tour en Afghanistan, on a eu beaucoup de pertes, c'était en 2009. J'étais là en 2008-2009. Puis c'était des années que ça brassait pas mal, un mort ici, un mort là, des blessés. À la fin du tour j'ai calculé que j'ai vu à peu près 13 véhicules sauter. Il faut imaginer que sur les 13 véhicules, à chaque fois qu'il y a un véhicule qui saute, il y a au moins des blessés, des fois des décès. C'est pas évident. Avoir peur, je serais menteuse de dire que je n'avais pas peur parce que à chaque fois que tu sors, même quand tu ne sors pas et que tu es dans un petit FOB, des petites bases opérationnelles dispersées et on est pas beaucoup là-dessus. On se faisait attaquer là-dessus, on recevait des roquettes. Le 20 mars 2009, on est partis sur une mission de quelques jours. On a couché sur le top d'une montagne, on faisait de la surveillance pendant la nuit. Le matin, on « wrappe » tout ça, on saute dans nos véhicules. On a pas eu le temps de descendre la montagne que le véhicule derrière le mien a sauté sur un engin explosif improvisé. Ça a été catastrophique. Toute une journée. Puis après cette journée-là, c'était plus pareil. J'en ai vu et j'en ai vu, mais ça c'était trop.

Étienne Aubé

Donc on est arrivés là dans le village de Nakonay le 15 juillet au matin à la première lueur. On a commencé, dans le fond, le nettoyage du village. On avait des couloirs de 100 m par, je pense, 2 km, environ. Chaque compagnie avait son couloir, chaque peloton. On a trouvé, la première journée, beaucoup de caches d’armes. On a trouvé des explosifs, des composants de bombes improvisées. On s’est fait engager. On voyait que la place était pas sécuritaire, ça faisait longtemps que Nakonay avait pas été occupé par nous, dans le fond, pas été patrouillé, ou quoi que ce soit. Le lendemain matin, quand on est entrés, on a trouvé plein de composants d’explosifs, de composants de bombes aussi. Au début, je pensais avoir trouvé peut-être une fabrique de bombes improvisées. J'ai demandé aux gars de sortir. Par la suite j'ai continué à investiguer par moi-même. J'avais des chiens avec moi, j'avais une unité canine qui sentait l'explosif. Le chien s'assisait quand il sentait. L'endroit était contaminé, il y en avait partout, fait que le chien s'assisait tout le temps, il était inutile. Mon détecteur de mines sonnait partout, il y avait plein de douilles, ça aussi c'était inutile, donc j’ai continué ma recherche, dans le fond, ma « search », par moi-même. En faisant les procédures, j’ai mis le pied sur un engin explosif improvisé.

Dominic Larocque

Mais c'est arrivé à quelques reprises qu'il a fallu engager l'ennemi parce que on voyait les « splashes » de départ, on voyait les roquettes, des choses comme ça, on était plus en mesure de répondre aux tirs. 2007 a été une année assez difficile en général pour nous, pour l'Armée canadienne, le Royal 22e Régiment. J'ai perdu quelques amis là-bas, dont un assez rapidement, au début aout en fait, je crois que c'est le 19 aout pour être plus précis. J'ai perdu un de mes premiers chums avec qui j'avais fait tous mes cours de recrue, mes cours de fantassin. C'est là vraiment que la réalité a frappé, dans le sens où on était plus en entrainement, tu sais, on pense souvent que dans des films, les super-héros, il n’a pas personne qui va mourir ici, ça va tout le temps bien se terminer pour tout le monde, c'est à ce moment-là qu'on a fait face à la réalité et que ça pouvait arriver à n'importe quel d'entre nous. Puis par la suite c’est arrivé à quelques-uns de mes autres confrères, jusqu’à temps que ça m’arrive à moi, le 27 novembre. En fait, on était à Sperwan Ghar, puis la veille, il ya un des postes avancés qui s’était fait attaquer. Le lendemain matin, on s’en allait les ravitailler, on s’en allait les supporter. Quand on est partis, honnêtement, moi je ne me souviens de pas grand-chose de tout ça, c’est ce que je me suis fait raconter. Il y avait probablement, de mémoire, juste une ou deux routes qui se rendent là, que les talibans savaient, qu’ils avaient miné les routes. De mémoire, on savait qu’il y avait quelque chose sur la route, on avait arrêté. J’étais le premier véhicule, on avait arrêté le convoi, on avait fait notre procédure, vérifier s’il y avait pas de bombe avec les détecteurs, les « mine detectors ». Les gars ont rien trouvé, ils ont fait avancer le véhicule et ça a adonné qu’il y avait effectivement une mine, une bombe artisanale qui était sur la route. C’est notre véhicule qui a roulé dessus.

Natacha Dupuis

Il restait un bon 2 mois de la mission après. Comment j'ai fait pour finir, j'en ai aucune idée. J'ai fait mon possible. Vraiment, déjà là je me souviens, ça allait pas bien.

Jean Vachon

On verra avec l'histoire, dans une couple d'années d'ici, ils commencent à faire des études, l'Afghanistan ça a rien donné, puis tout, mais moi je peux vous dire que ou est-ce qu'on était, ça a marché. Est-ce qu'aujourd'hui ça marche encore, je ne sais pas, ça a peut-être retombé aux mains des talibans, « whatever », mais quand on était là, moi je le voyais le concret. J’avais des chums qui étaient amers, maudit pays, on a perdu du monde, il y a eu des morts, c'est ça qui est dur avec les gars, sont morts pour rien. Ça donne rien. Moi je dis bien non, c'est du concret, on voit que ça marche. D'un village fantôme à un village avec du monde. Moi, ça marche, je l'ai vu. C'est pour ça dans ma tête, moi je dis, succès.

Natacha Dupuis

J'ai été porte-parole pour la Course de l'Armée l'année dernière. Ça a été une super de belle expérience. Ça me permet, ça ouvre la vitrine de parler du syndrome post-traumatique. C'est encore un peu tabou, il y a beaucoup qui a été fait, mais c'est pas encore complètement accepté, je dirais dans l'armée et dans la culture et faire certain qu'on a toute l'aide qu'on a besoin. On sait que le taux de suicide est même plus élevé que le nombre de décès qu'il y a eu en Afghanistan. C'est important de travailler pour que ça s'en aille en diminuant, parce que c'est un fléau.

Étienne Aubé

Initialement, lors de mes déploiements, je pensais que j'allais à la guerre. Je pensais que j'allais faire la guerre. Je me suis rendu compte que c'était une toute autre chose rendu là-bas. C'est pas du tout ce que c'est en réalité. Comme tantôt, comme je disais, le 10% de l’aspect guerre, c’est vraiment représentatif du pourcentage des missions que j’ai faites, comparativement à toute l’aide humanitaire qu’on a pu apporter, ou faire une différence dans une vie de quelqu’un qui en a de besoin. Parce que c’est du monde souvent très mal pris qu’on va aller aider. Ce monde-là, j’ai vu concrètement ce qu’on fait comme armée, au sein des Forces canadiennes. C’est gigantesque. On a vraiment changé la vie de gens là-bas, directement.
Description

Collection d'entrevues avec des vétérans des Forces armées canadiennes racontant leur expérience du service militaire en Afghanistan. Les vétérans de ce vidéo sont : Étienne Aubé, Dominic Larocque, Natacha Dupuis et Jean Vachon.

Catégories
Médium :
Vidéo
Propriétaire :
Anciens Combattants Canada
Date d’enregistrement :
10 septembre 2018
Durée :
18:31
Guerre ou mission :
Forces armées canadiennes
Emplacement géographique :
Afghanistan
Campagne :
Afghanistan

Droit d’auteur ou de reproduction

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Date de modification :