Introduction
Un demi-siècle dans le contexte de la vie trépidante que nous menons, c'est long. Les Canadiens vivent dans un pays privilégié et ils oublient peut-être trop facilement les grands événements qui leur ont permis d'évoluer et de prospérer dans un climat de liberté. Nombreux sont ceux qui oublient même l'importance du rôle que leurs compatriotes ont joué lors de la plus grande invasion navale de tous les temps, l'attaque des Alliés en Normandie, le 6 juin 1944 et la longue et épuisante bataille qui suivit dans la campagne normande.
Cet été-là, pendant dix semaines de chaleur étouffante, les soldats inexpérimentés de la 1re Armée canadienne affrontèrent un ennemi puissant et subirent ainsi qu'infligèrent de lourdes pertes. La campagne de Normandie prit fin au cours de la troisième semaine du mois d'août. Les armées nazies avaient subi une défaite cuisante et les régiments canadiens y avaient grandement contribué. Entre-temps, l'armée de novices était devenue une force militaire extrêmement efficace. Voici son histoire.
Transcription - Vidéo du jour J – Des héros se racontent
Geoff Corry : Vous savez que quand on a 19, 20 ou 21 ans on se croit invincible.
On nous avait beaucoup avertis que nous allions subir des pertes humaines effroyables.
Raymond Tanner : Quand nous nous sommes préparés pour le jour J, on nous a donné des photos de l'endroit où nous allions atterrir et de l'endroit où nous devions nous rendre, dès que nous avions atterri ainsi que de la direction à prendre.
Robert Graham : Et nous avons reçu des francs français On nous a pris nos livres de solde. On ne nous a laissé que nos plaques d'identité et, bien sûr, à cette époque il y en avait trois Une était à l'épreuve du feu, une autre était destinée à la Commission des sépultures et la dernière devait être placée dans votre bouche par vos camarades d'armes si vous aviez été tué par balle ou à la suite d'une explosion afin que la Commission des sépultures puisse savoir qui vous étiez.
John Hall : Nous étions en train d'embarquer sur le navire, il se trouvait plus loin, et quand je l'ai vu et je lui ai fait un signe de la main qu'il m'a retourné en me disant « Au revoir John ». C'est la première personne que j'ai vue morte sur la plage.
Charles Fox : La Manche était recouverte de navires. Vous auriez pratiquement pu la traverser à pied en passant d'un navire à l'autre.
Ivan Doherty : Tout avait été bien planifié à l'avance; on avait indiqué l'endroit où les navires de débarquement devaient se rendre ainsi que le lieu où les autres navires devaient jeter l'ancre et utiliser leurs armes lourdes.
Earl Gray : Le dragueur de mines devait passer en premier pour effectuer le déminage afin que les navires de débarquement et d'assaut ainsi que les autres navires qui suivaient puissent atteindre la tête de pont sans trop de problèmes.
Dennis Goodwin : Les hommes nettoyaient leurs fusils, affûtaient leurs baïonnettes et leurs couteaux afin de s'assurer que tout était en ordre et que leur équipement était en bon état.
Robert Graham : Nous étions des terriens et tout le monde était malade sur le chaland de débarquement d'infanterie. Celui-ci est un tout petit navire.
Fred Rogers : Les barges se déformaient, pliaient, grinçaient, gémissaient et tout était trempé, l'eau passait par-dessus bord, oh quel gâchis.
Albert Clevette : Et nous en sommes arrivés au point où nous nous moquions de savoir où nous étions, nous voulions juste débarquer, quitter ce navire.
James Edwards : On pouvait les voir en train de regarder vers le bas afin de s'assurer qu'ils larguaient leurs planeurs directement sur les lignes ennemies et, bien sûr, les Allemands les abattaient.
Norman Wright : Le jour J, nous avons atterri en plein milieu des lignes ennemies. Pendant la descente en parachute, j'entendais les coups de feu.
Harold Hague : Ce n'étaient pas nous qui les intéressions, mais plutôt, les gros navires qui arrivaient après nous et qu'ils voulaient couler.
James O'Neil : Et puis la première déflagration, « Boum! » J'ai regardé et le navire s'est fendu en deux et la poupe s'est retrouvée, toute entière à la verticale.
Dennis Goodwin : Depuis les grands navires de débarquement, vous montiez dans une petite embarcation, les péniches de débarquement. Les petits navires étaient descendus à l'aide de corde, l'échelle se trouvait sur le côté du navire.
Peter Buote : La situation était difficile. Un homme a été écrasé entre le navire et la péniche de débarquement alors que nous tentions d'embarquer.
John Hall : Pratiquement tous nos bateaux ont sauté sur des mines ou ont dû repartir tellement il y en avait. Mais je me souviens qu'à bord de notre navire, l'un des gars s'est mis à l'avant et a posé son pied sur l'une de ces : mines et nous a repoussés, sinon nous aurions sauté nous aussi.
Albert Clevette : Ensuite nous avons été touchés sur la rampe et cela l'a soudée d'un côté :, la maintenant fermée, un char était le premier véhicule à sortir, et il a heurté la rampe, ils ont desserré les câbles et il a heurté de nouveau la rampe, ce qui l'a débloquée et elle s'est abaissée, nous permettant ainsi de sortir.
Fred Rogers: J'ai regardé le premier automoteur partir, et j'ai attendu de voir si l'avant du véhicule se relèverait. Cela a été le cas, et chacun d'entre nous à bord de la barge est arrivé à terre sans problème.
George McLean: La péniche de débarquement à côté de nous a été directement touchée et, bien entendu, la plupart des militaires qui étaient à son bord sont morts. Elle a brûlé jusqu'à la carcasse.
Hough Nordlund : Tu ne pouvais pas descendre si tu ne les repoussais pas. Je n'ai pas eu à le faire; il y avait des personnes devant moi qui ont dû le faire ou des personnes qui l'ont fait pour eux. C'était comme triste. Et beaucoup d'entre eux ne sont jamais arrivés sur la plage.
Peter Buote : L'eau était trop profonde par endroits, les gars ont coulé. Ils ne pouvaient pas refaire surface, avec un poids de 65 livres sur le dos et plus même pour certains. Je me rappelle en particulier d'un homme portant une mitrailleuse Bren, toutes ses munitions et son paquetage. Cela devait peser plus de 100 livres.
Tom Settee : Nous avons sauté à l'eau. Nous avions de l'eau presque jusqu'aux épaules, et vous savez, nous devions marcher dans l'eau. Nous portions une mitrailleuse Bren ou un fusil. Vous deviez les tenir en l'air et marcher dans l'eau.
Earl Gouchie : Mais ce bateau est monté sur le sable, il a glissé dessus comme si de rien n'était, il n'a jamais été secoué et je me suis juste mouillé un pied lorsque j'ai atteint le rivage. Mais la première chose que j'ai vue, c'était un corps flottant dans les vagues au bord du rivage, sur la plage.
Earl Gray: C'étaient des hommes courageux. Les premières troupes d'assaut à avoir mis le pied à terre ont véritablement été les héros du jour J.
Paul Ducharme : Mon char à ma droite était juste à côté de moi, avec les deux ensemble. Il a heurté une mine sur son flanc droit.
Donald McKnight: Mais dès qu'ils ont découvert que nous étions sur la plage, ils ont commencé à nous tirer dessus, alors nous avons bougé très rapidement.
Keith Brown: Un obus de mortier a touché le premier canon de la troupe Able. Bien sûr, chargé de munitions, dans le bon sens, « Swooosh ».
Robert Graham : Ces chars à fléaux ont fini par arriver. Ces fléaux ont fait exploser des milliers de mines sur toute la plage, ce qui nous a permis de dégager tout un passage pour que nous puissions passer.
Earl Gray : Les Allemands avaient installé une grande barricade là-haut. Ils avaient un tablier, une mitrailleuse et un abri fortifié et dès que les soldats arrivaient sur la plage, tils pouvaient les viser et les massacrer.
Leo Dionne : Puis, quand nous nous sommes tournés pour rentrer, j'étais à côté de Richard [Carien], mon ami. Il a été tué à ce moment-là.
John Hall : Mais il y avait des blessés partout, hurlant et criant. Des corps flottants dans l'eau, et tout ce que vous pouvez imaginer.
Harold Hague : Quand vous êtes en train de mourir, quand ces types mouraient, c'est ce qu'ils disaient, tu sais, « Maman, maman ».
Fred Rogers : Notre mission consistait à marcher devant le convoi et à déplacer les cadavres que nous risquions d'écraser. C'était ma première vision de la guerre.
John Toney : Vous dépendiez les uns des autres et si ce lien n'avait pas existé, nous aurions été complètement perdus dès le début.
Joseph Ross : Le caporal suppléant de notre groupe, il m'a arrêté. J'étais sur un chemin, et juste devant moi se trouvait une mine. Il m'a sauvé la vie.
Peter Buote : Une fois que nous avons dépassé ces postes qui avaient été pris, on nous a dit de nous retrancher et une autre compagnie est passée dans nos rangs et ils ont continué la bataille.
Albert Clevette : Nous sommes allés aussi vite que possible sur la route jusqu'au pont, nous avons trouvé l'endroit, le petit village et nous l'avons pris. Nous avons été pris dans une fusillade.
Earl Gouchie : Mais quand nous sommes finalement entrés, montés sur les chars, nous avons juste... Nous avons contourné de nombreux endroits, nous ne nous sommes pas arrêtés pour rien. Plusieurs fois, nous nous sommes trouvés sous le feu de l'artillerie ennemie.
Leo Dionne : On a entendu les bombes, on a entendu leurs sifflements, le bruit des balles et des fusils. On ne sait jamais, personne ne sait quand il va être touché parce que celui qui va vous avoir, vous ne l'entendrez pas.
Donald Thompson : Je remontais la route et ce type m'a fait signe de la main et je me suis dit : « C'est un geste bien amical », et je lui ai fait signe à mon tour. En fait, il ne cherchait pas à être amical. Il me criait de m'arrêter, parce qu'un peu plus haut, sur la route, se trouvaient les Allemands.
Raymond Tanner : Elle tenait une brassée de roses, elle l'a jetée sur le char et une des roses est tombée dans la tourelle. Je l'ai ramassée et je l'ai mise sur le tube du canon et elle y était quand nous l'avons perdu.
Fred Rogers : Nous nous sommes ensuite déplacés vers le sud de Banville pour y installer nos mitrailleuses. C'est le point le plus à l'intérieur des terres à avoir été atteint ce soir-là. Je pense que nous étions à sept milles des plages.
Georgina Seeley : Nous n'avions pas un seul patient. Mille deux cents lits vides, remplis de bouillottes. Après avoir parlé à cet homme, j'ai regardé par la fenêtre. Il y avait des ambulances à n'en plus finir. Les mille deux cents lits ont été occupés, chacun d'entre eux. Incroyable, n'est ce pas?
Harold Hague : Tu sais, c'est terrible de tenir quelqu'un dans ses bras, quand il est en train de mourir.
Leo Dionne : On ne peut jamais aller se coucher le soir sans penser aux gars qui sont morts. Ils m'ont sauvé la vie. Ils ont gagné la guerre. Ce sont eux, pas moi qui ont gagné la guerre. Ils ont donné leur vie pour leur pays, c'est aussi simple que cela.