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A.D. HUFF

Le navire : Cargo à deux ponts de 410 pi de longueur et 6 219 tonneaux de jauge brute; construit en 1920 par Ames Shipbuilding & Dry Dock de Seatle (Washington). Premier nom : West Jester. Lorsqu'il a coulé, il appartenait à l'Atlantic Transportation Co. de Montréal et avait été affrété par la Canadian International Pulp and Paper Co., également de Montréal.

Coulé par le croiseur lourd Gneisenau le 22 février 1941 dans l'Atlantique, à 610 milles à l'est de Terre-Neuve. Deux morts.

Ce cargo classique a eu une histoire assez mouvementée. Baptisé West Jester, il fut renommé Oran (par la Oriental Navigation Atlantic transportation Co. de New York) puis San Anselmo, par un autre armateur américain. Il porta ce nom jusqu'à ce qu'il soit vendu à l'Atlantic Transportation Co. en 1940 et affrété par la Canadian International Pulp and Paper Co (CIP). De nombreux navires marchands ayant été coulés par l'ennemi, d'autres furent réquisitionnés, le A.D Huff parmi eux. Armé par un équipage en grande partie canadien, le U fit un ou deux transports, en convoi, vers la Grande-Bretagne. En décembre 1940, faisant route vers le Canada, il reçut deux bombes pendant une attaque aérienne; l'une arracha une des ailes de la passerelle et l'autre, fort heureusement, n'explosa pas. Il arriva à Halifax endommagé, mais ne fut réparé que rapidement aux chantiers maritimes, et la passerelle ne fut pas remplacée. Par contre, un canon de quatre pouces fut installé, si vieux que les munitions étaient couvertes de vert-de-gris, relate un marin.

Une fois prêt, le Huff alla à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) prendre un chargement partiel de minerai de fer, puis à Dalhousie (Nouveau-Brunswick) pour prendre sa cargaison normale de papier journal pour la Canadian International Pulp and Paper Co., ainsi que des poteaux pour les mines de charbon du Pays de Galles, puis revint à Halifax attendre le prochain convoi. Il arriva sain et sauf en Angleterre, remonta la Tamise et déchargea sa cargaison. Lesté de gravats provenant des bombardements de Coventry, il reprit la mer à la mi-février 1941 et se rendit sans encombre jusqu'au milieu de l'Atlantique, où les bâtiments du convoi se séparèrent le 21 février. En effet, à cette époque, il n'y avait pas de sous-marins allemands dans la partie ouest de l'Atlantique. Le A.D Huff faisait donc route vers Halifax seul, à seulement 8 nœuds. Son commandant, un ancien second récemment promu commandant de bord, qui venait de s'engager dans la Marine, Hugh McDowall, prévoyait arriver à Halifax quelques jours plus tard. Il y avait à bord 42 membres d'équipage, parmi lesquels un matelot de DEMS qui serait le servant de l'unique canon monté à l'arrière.

Même si l'équipage avait été prévenu par radio de la présence possible d'un navire ennemi dans les environs, il ne pouvait pas faire grand chose. Le 22 février, en fin de matinée, un petit avion biplan survola le A.D Huff et laissa tomber un message. C'était Arado, l'avion de reconnaissance du cuirassé de poche Gneisenau, et le message ordonnait au navire de s'arrêter. Le capitaine n'en tint bien entendu aucun compte et continua sa route à « toute vapeur », soit à environ 8 nœuds. Le temps était calme et aucun autre navire n'était en vue, mais à 12 h 44, heure locale, les vigies signalèrent un navire à l'horizon, vers l'arrière. Presque immédiatement, un coup de canon retentit et deux énormes éclats d'obus tombèrent dans le sillage du A.D Huff, tout près du navire. Le commandant continua à faire route vers l'ouest, à vitesse maximale, mais en l'espace d'un quart d'heure, l'ennemi était visible. C'était un bâtiment de grande taille, de type croiseur lourd, qui tirait sur le A.D Huff avec ses canons de 11 pouces. Le capitaine lança des bouées fumigènes – en pure perte – et ordonna un tir du minuscule canon de 4 pouces, mais le canonnier refusa, sans doute avec raison. Un récit très coloré décrit le Capitaine McDowall, sur la passerelle, pointant son pistolet sur l'équipe du canon et hurlant « colonial cowards » (sales lâches de coloniaux) pour encourager les hommes à défendre son navire, mais ce récit est d'origine douteuse.

Le A.D Huff se trouva pris sous une pluie d'obus et fut touché à plusieurs endroits, le plus gravement sur le guindeau qui se trouvait sur le gaillard d'avant, jonchant le pont d'éclats dangereux. Le Gneisenau s'était rapproché et ne tirait plus qu'avec son canon de 5.9 pouces. En effet, son commandant, le Kapitan-zur-See Otto Fein, jugeait inutile de gaspiller ses tirs de 11 pouces à une aussi faible portée. Il semble que le A.D Huff ait été touché 32 fois en tout, dont deux fois à la salle des machines, avant que le capitaine donne l'ordre de mettre les embarcations à la mer. Le radio, George Shaker, qui était employé de la CIP, avait bien essayé d'envoyer le signal de raid, R-R-R-R, mais les opérateurs du Gneisenau avaient brouillé le signal. Le Gneisenau attendit que les embarcations se soient éloignées, puis il s'approcha du A.D Huff et le coula. Deux hommes avaient péri dans le bombardement de la salle des machines, le 4e mécanicien et un pompier, et le second du navire était gravement brûlé. Deux des quatre canots de sauvetage du Huff, emportant 40 officiers et matelots, s'éloignèrent l'un après l'autre et, sur l'ordre du capitaine, les hommes se mirent à ramer en direction de Terre-Neuve, à 600 milles à l'ouest, mais le cuirassé allemand s'approcha et recueillit tous les naufragés.

Relativement bien traités par les Allemands, les marins du Huff furent logés trois ponts au-dessous du pont supérieur, dans un grand espace réservé aux prisonniers. Ils y rejoignirent l'équipage du cargo Lustrious, coulé le jour-même, et avant la fin de la journée, les marins de deux autres navires coulés vinrent se joindre à eux, certains gravement blessés. Dans un cas, après avoir coulé un pétrolier, le commandant du Gneisenau, ayant appris qu'il y avait encore des survivants dans l'eau, avait fait allumer ses projecteurs afin de repêcher les naufragés. Trois jours plus tard, les prisonniers furent transférés sur le ravitailleur-prison Ermland à bord duquel se trouvaient déjà les marins du Canadian Cruiser. L'Ermland patrouilla un peu plus longtemps puis mit le cap sur La Rochelle, en France, où il arriva le 31 mars. Après quelques jours dans une horrible caserne de l'ancienne Légion étrangère, tous ces prisonniers furent emmenés en Hollande et en Allemagne dans des wagons de chemin de fer dont on avait enlevé les sièges. Plusieurs hommes, dont le manœuvrier du A.D Huff et le matelot de 2e classe Percy Coe, réussirent à sauter du train près d'Aachen. Presque tous les fugitifs furent recapturés par la suite, mais ces deux réussirent à gagner Greenoch, en Écosse, en passant par la France libre, l'Espagne et Gibraltar. Ils arrivèrent à Greenoch le 14 août, près de six mois après l'attaque de leur bâtiment. Ce n'est qu'alors que les Alliés surent ce qui est arrivé au A.D Huff. Le reste de l'équipage passa 14 mois au Stalag XB puis fut transféré au camp de prisonniers de la marine et de la marine marchande Marlag und Milag Nord, près de Bremerhaven. C'est là que les hommes furent libérés, le 27 avril 1945, par les Highlanders de la 2e Armée britannique.

Le Gneisenau était un croiseur lourd de 771 pieds et de 31 800 tonnes, armé de neuf canons de 11 pouces et de 12 canons de 5.9 pouces, qui pouvait atteindre une vitesse de 32 nœuds. À l'époque, il était commandé par le Capitaine de vaisseau Fein et avait un équipage de 1 800 hommes. C'était le jumeau du Sharnhorst, avec lequel il était venu de Kiel le 28 décembre 1940, sous le commandement du Contre-amiral Günther Lüdjens. Endommagés dans la tempête, les deux bâtiments durent rebrousser chemin, mais ils repartirent le 23 janvier en passant par la Norvège, avec l'intention d'entrer dans l'Atlantique entre l'Islande et les îles Féroé. Ayant rencontré une flottille de croiseurs britanniques en patrouille, ils firent demi-tour, contournèrent l'Islande et entrèrent dans l'Atlantique par le détroit du Danemark. Cette opération avait pour but d'empêcher le passage des convois, essentiels au ravitaillement des Alliés. Les deux cuirassés allemands rencontrèrent le convoi HX-106, faisant route vers l'est, mais s'aperçurent qu'il était protégé par le cuirassé NSM Ramillies, encore formidable malgré son âge, et ses canons de 15 pouces; ils disparurent donc prudemment. Deux semaines plus tard, le 22 février, ils rencontrèrent les navires dispersés du convoi dont faisait partie le A. D. Huff et ils coulèrent cinq navires au total. Se doutant bien que les représailles ne se feraient pas attendre, ils partirent pour la côte d'Afrique avec leurs deux ravitailleurs. Ils coulèrent d'autres navires marchands, remontèrent vers la route des convois où ils connurent d'autres victoires et arrivèrent à Brest le 22 mars, après deux mois en mer.

Après un carénage à Brest, le Gneisenau et le Sharnhorst se préparaient à partir pour un autre raid sur les convois de l'Atlantique, mais les avions de la RAF réussirent à torpiller le Gneisenau pendant qu'il était au mouillage dans la rade, puis à le toucher avec quatre bombes successives pendant qu'il était en cale sèche. Le Gneisenau ne ferait plus jamais la guerre en mer. En février 1942, le Gneisenau, le Sharnhorst et le Prinz Eugen quittèrent Brest et tentèrent une audacieuse – coûteuse et embarrassante pour les Britanniques – remontée de la Manche et rentrèrent en Allemagne. Le Gneisenau fut de nouveau touché par une bombe pendant qu'il était en cale sèche à Kiel. Il ne reprendrait jamais la mer. En avril 1945, à la fin de la guerre, il fut coulé volontairement à l'entrée du port de Gdynia.

DISPARUS : William A. Smith Roy Tustain

SOURCES : Hughes & Costello, The Battle of the Atlantic; documents officials : British Vessels Lost at Sea; Lloyd's Registers, 1922 et 1938-39; interview du manoeuvrier Ernest Shackleton; Parker, Running the Gauntlet; von der Porten, Pictorial History of the German Navy in World War II; Lenton, German Surface Vessesl 1; Ruge, Der Seekreig; Kemp, Escape of the Sharnhorst and Gneisenau; discussion avec George Shaker, novembre 2000; D HIST (note).

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