Histoire - Service des Juifs canadiens au cours de la Seconde Guerre mondiale
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Service dans la Force aérienne
Bien que l’Aviation royale canadienne ait d’abord eu des politiques de recrutement qui comprenaient des éléments ethniques et de citoyenneté restrictifs, surtout pour les officiers, un nombre impressionnant de Canadiens juifs devinrent aviateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En fait, près de 5 900 Juifs s’enrôlèrent finalement dans la Force aérienne, soit 2,6 pour cent de l’enrôlement total de ce corps à une époque où les Juifs ne constituaient que 1,5 pour cent de la population totale du Canada. Le devoir qu’ils avaient si résolument cherché à accomplir pouvait cependant être particulièrement dangereux. Environ 250 Juifs comptaient parmi les quelque 18 000 membres de l’Aviation royale canadienne qui perdirent la vie pendant le conflit.
Les aviateurs juifs canadiens participèrent aux opérations dans tous les grands théâtres de la guerre aérienne, mais beaucoup, comme Dave Waterman (disponible en anglais) de Calgary et Meyer Greenstein de Toronto, firent partie du Bomber Command. Opérant à partir de bases situées à l’est de l’Angleterre, les équipages d’avions effectuaient des bombardements périlleux au-dessus de l’Allemagne et de l’Europe occupée, cherchant à détruire des cibles telles que des usines et des ponts. Effectuant souvent des raids nocturnes à bord de gros avions de guerre quadrimoteurs, comme les bombardiers Halifax et Lancaster, ils traversaient bravement les barrages d’artillerie antiaérienne allemande et les tirs meurtriers des avions de combat ennemis. Les faibles chances de survie en faisait l’un des postes les plus dangereux qu’un militaire pouvait assumer pendant la guerre, et 42 pour cent de ceux qui servaient dans le Bomber Command ne survécurent pas à leur période de service… ce qui donne à réfléchir. Michael Jacobs, de Montréal, qui effectua sa période de service en réalisant plus de 30 frappes aériennes au-dessus de l’Europe avant de perdre la vie dans un accident d’entraînement en Angleterre en février 1943, parlait sans doute pour bien d’autres soldats lorsqu’il écrivit à sa femme Sue : « Mon Dieu, parfois j’ai peur dans ces avions ».
Les aviateurs juifs avaient en effet fait bien plus que leur part dans ce poste difficile. Certains, comme le pilote Clifford Shnier originaire du Manitoba, faisaient partie des équipages « Pathfinder » qui ouvraient la voie lors des missions nocturnes du Bomber Command. Ces hommes naviguaient au-dessus de milliers de kilomètres carrés de campagne assombrie afin de trouver leurs cibles en contrebas pour la principale force de bombardiers qui suivait. Albert Garshowitz, de Hamilton, en Ontario, faisait partie des équipages sélectionnés pour participer aux missions de bombardement très importantes, mais exceptionnellement dangereuses des « Briseurs de barrages » en mai 1943; ces missions consistaient à endommager les barrages allemands dans la vallée de la Ruhr afin de causer des dégâts importants et de couper l’alimentation électrique de l’industrie lourde de guerre qui y opérait.
Des membres juifs de la Force aérienne servirent au sein d’équipages d’avions bombardiers. Il est toutefois intéressant de noter que de nombreux Juifs devinrent navigateurs ou observateurs aériens. Ceux qui avaient obtenu de bonnes notes en sciences à l’école secondaire ou à l’université – une cohorte comprenant de nombreuses recrues juives – étaient souvent dirigés vers ces métiers spécialisés qui s’appuyaient beaucoup sur les mathématiques. Leon Kagna (disponible en anglais), d’Edmonton, Nathan Issacs, de Toronto, et Ray Silver (disponible en anglais), de Windsor, en Ontario, occupèrent tous ces types de rôles au Bomber Command.
Les aviateurs juifs servirent aussi en dehors du Bomber Command. Certains, comme Bill Zelikovitz, d’Ottawa, et Nathan Berger, de Montréal, volèrent à bord d’avions de transport Dakota servant à larguer des parachutistes alliés en France occupée à l’aube du jour J. D’autres membres d’équipage des Dakota canadiens, dont Norman Cohen (disponible en anglais) de Toronto, servaient à l’autre bout du monde au sein d’escadrons de transport de l’Aviation royale canadienne en Birmanie, menant des opérations contre les forces japonaises en Asie du Sud-Est. Des aviateurs, comme Tim Pervin de Montréal et Lawrence « Duke » Abelson d’Ottawa, volaient également avec des escadrons de chasseurs pour combattre les avions de chasse ennemis afin d’obtenir le contrôle aérien.
Le commandement de l’aviation côtière, qui veillait à ce que les avions de guerre alliés frappent les cibles ennemies en mer, est un autre domaine dans lequel les aviateurs canadiens ont servi. Les aviateurs Alfred Brenner de Toronto et Sydney Shulemson (disponible en anglais) de Montréal, hautement décorés, patrouillaient le ciel au large des côtes de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, afin d’attaquer les navires, les avions de guerre et la marine marchande allemands. La bataille de l’Atlantique fut au cœur de la Seconde Guerre mondiale, et le commandement de l’aviation côtière y joua un rôle important pour aider les Alliés à prendre le contrôle des mers.
Dans le cadre du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, plus de 132 000 recrues des forces aériennes des pays du Commonwealth du monde entier s’entraînèrent au Canada, loin du ciel dangereux du territoire tenu par l’ennemi. Alors que la plupart des aviateurs juifs voulaient faire partie d’un équipage d’avions, ceux qui étaient rejetés pour des raisons médicales (comme une mauvaise vue), y compris Leo Guttman de Montréal, se retrouvèrent à assumer des rôles importants comme celui de mécanicien dans les bases du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique. En raison d’une blessure à l’œil subie dans sa carrière de hockeyeur avant la guerre, Mitch Pechet (disponible en anglais) de Cupar, en Saskatchewan, servit d’instructeur de vol pour former les jeunes aviateurs qui allaient combattre l’ennemi. Il joua également pour les équipes de hockey de l’Aviation royale canadienne. Certains aviateurs juifs, comme Maurice Lipton de Sydney, en Nouvelle Écosse, occupèrent également des postes clés de direction. Après avoir gravi les échelons pour commander un escadron de chasseurs de nuit en Écosse, Maurice Lipton revint au Canada pour diriger tout l’entraînement aérien qui eut lieu dans notre pays au cours des dernières phases de la guerre. À la fin de la guerre, il reçut la prestigieuse Croix de l’Aviation.
Le Royal Air Force Ferry Command attira également des aviateurs juifs comme Sam Donen de Winnipeg. Des équipages du Royal Air Force Ferry Command pilotaient des bombardiers nouvellement construits de l’Amérique du Nord vers l’Europe, où ils pouvaient être utilisés dans la lutte contre les Allemands. Ces avions survolaient l’Atlantique Nord ou une route plus au sud, mais toujours au-dessus d’eaux isolées où les marges d’erreur étaient minces. Certains membres d’équipage perdirent d’ailleurs la vie en raison de conditions météorologiques difficiles ou de difficultés mécaniques au cours de ces voyages dangereux et sur de longues distances.
Pendant tout ce temps, le personnel au sol s’occupait des tâches importantes qui permettaient aux avions de rester en l’air. Sans des hommes comme Israel Yamron (disponible en anglais) de Winnipeg, stationné sur l’île de Vancouver, qui aida à l’entretien d’hydravions militaires, les opérations des forces aériennes auraient été interrompues. D’innombrables Juifs jouèrent également d’autres rôles de soutien, notamment Melville Neuman de Regina, qui entretenait des émetteurs radio au Cap-Breton, en Nouvelle Écosse, et Rose Goodman de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, qui œuvrait à titre d’officière de la Division féminine de l’Aviation royale canadienne. Elle servait comme adjudante au sein d’une base aérienne à Claresholm, en Alberta.
Il fallait en effet beaucoup de courage pour parcourir le ciel face à tant de dangers, mais les aviateurs juifs relevèrent non seulement ces défis, ils y excellèrent. Certains d’entre eux, comme Bill Novick (disponible en anglais) et Sydney Shulemson de Montréal, Melville Isenberg (disponible en anglais) de Toronto et Harry Knobovitch de Montréal, reçurent la Croix du service distingué dans l’Aviation, une décoration « ...décernée aux officiers et adjudants pour un ou plusieurs actes de vaillance, de courage ou de dévouement au devoir accompli pendant des opérations aériennes actives contre l’ennemi ». Joe Bodnoff, mitrailleur aérien d’Ottawa, reçut la Médaille de l’Aviation pour avoir aidé à couler le sous-marin allemand U-1244 au mois de juin 1944 et pour ses actions immédiatement après. Lorsqu’après avoir été abattu, son Canso s’écrasa en mer à la suite de la contre-attaque du sous-marin et il essaya de maintenir ses compagnons d’équipage en vie dans un canot pneumatique dans la mer du Nord glaciale au large des côtes de la Norvège. Lorsque les hommes furent finalement repêchés 21 heures plus tard, trois des huit hommes, dont le pilote David Hornell, étaient morts de froid. Hornell reçut par la suite la première Croix de Victoria décernée à un membre de l’Aviation royale canadienne.
Le saviez-vous?
L’entraînement au vol pendant la Seconde Guerre mondiale se déroulait peut-être loin de la menace d’une action ennemie, mais il était tout de même très dangereux pour nos aviateurs. En effet, quelque 460 recrues canadiennes perdirent la vie dans des accidents d’avion qui se produisaient dans les bases du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique partout au pays. Au moins 20 Juifs faisaient partie de ces malheureux, dont Norman Kendall de Toronto, qui perdit la vie en juin 1942 lorsque son avion s’écrasa dans une grange du sud-ouest de l’Ontario.
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