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Histoire - Service des Juifs canadiens au cours de la Seconde Guerre mondiale

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Surmonter les difficultés

Livret du calendrier juif pour les militaires canadiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Photo : Domaine public

Livret du calendrier juif pour les militaires canadiens pendant la Seconde Guerre mondiale.
Photo : Domaine public

Le fait d’être juif – et militaire – au sein d’une société canadienne à prédominance chrétienne comportait autrefois un certain nombre de défis. Le Canada de la fin des années 1930 et des années 1940 n’était pas aussi inclusif qu’il ne l’est aujourd’hui. Par exemple, il existait des quotas pour les étudiants juifs dans de nombreuses universités de notre pays ainsi qu’une discrimination ouverte à l’embauche dans de nombreux domaines de travail. L’histoire tragique du MS Saint Louis, un navire transportant plus de 900 passagers juifs d’Allemagne cherchant refuge contre la persécution à laquelle ils étaient confrontés chez eux, illustre malheureusement les attitudes antisémites trop répandues au Canada de l’époque. Le navire se vit refuser l’accès à notre pays et ceux qui se trouvaient à bord furent contraints de retourner en Europe où beaucoup d’entre eux périrent dans les camps de concentration nazis.

C’est dans ce contexte plus large que de nombreux bénévoles juifs canadiens furent confrontés à l’antisémitisme officiel et non officiel après s’être présentés à leur bureau de recrutement local. Il fallut parfois beaucoup de persévérance pour porter l’uniforme et certains corps de l’armée présentaient plus d’obstacles que d’autres. Malheureusement, l’expérience du jeune Monte Halparin de Winnipeg (qui allait plus tard devenir célèbre en tant qu’animateur de jeux télévisés sous le nom de Monty Hall) n’était pas unique. Lorsqu’il essaya de s’enrôler dans le corps blindé au campus de l’Université du Manitoba, on lui fit remarquer : « Je ne crois pas qu’on prenne des Juifs ».

Au départ, l’Aviation royale canadienne avait une politique qui limitait expressément l’enrôlement aux recrues de « descendances européenne et britannique pures ». Ces lignes directrices étaient parfois utilisées afin de catégoriquement rejeter les volontaires juifs et les autres volontaires racialisés (surtout ceux n’ayant pas obtenu leurs papiers de naturalisation) avant que ces règlements discriminatoires ne soient levés en 1942. À cela s’ajoutait une forte tradition britannique et une conscience de classe au sein de la Force aérienne, ce qui rendait généralement difficile l’enrôlement ou l’ascension dans les rangs de ceux qui n’étaient pas d’origine britannique. Malgré ces conditions, près de 6 000 Juifs canadiens servirent dans l’Aviation royale canadienne.

Les preuves suggèrent que la Marine royale canadienne était le corps le plus difficile à rejoindre pour les volontaires juifs; moins de 600 Juifs canadiens y furent acceptés. Au départ, des politiques de recrutement restrictives semblables à celles de la Force aérienne avaient été mises en place et à cela s’ajouta des liens durables avec la Royal Navy britannique et des attitudes démodées à l’égard des différentes classes sociales, ce qui rendit l’entrée dans les rangs des officiers particulièrement difficile pour les Canadiens juifs voulant assumer des rôles de leadership. De jeunes Juifs, comme Edwin Goodman et Ben Dunkelman de Toronto, furent refoulés par la marine, bien qu’ils aient été d’excellents candidats potentiels. D’ailleurs, Ben Dunkelman, ancien élève du prestigieux Upper Canada College et héritier de la riche famille propriétaire de Tip Top Tailors, était un marin de plaisance et possédait son propre yacht sur la baie Georgienne, mais même cette expérience antérieure ne lui permit pas de vaincre la discrimination du bureau de recrutement de la marine.

L’Armée canadienne, elle, présenta le moins d’obstacles formels aux jeunes Juifs et Juives désirant se porter volontaires ou à ceux et celles appelés à servir leur pays en uniforme. Cela dit, même après avoir surmonté les embûches potentielles pour s’enrôler avec succès dans n’importe quel corps de l’armée, les Juifs rencontrèrent souvent des attitudes antisémites chez certains de leurs collègues de l’armée. Parfois, des insultes, des disputes et même des bagarres physiques éclataient après que des propos haineux aient été prononcés et que certains Juifs durent se défendre. Il faut noter, cependant, que les vétérans juifs ont fait remarquer que, malgré les préjugés qu’ils ont subis pendant qu’ils portaient l’uniforme, ils venaient rarement de ceux avec qui ils servaient directement. Le stress du champ de bataille ou le fait d’être dans un bombardier à des milliers de mètres au-dessus du territoire ennemi avait une façon de rassembler même les groupes d’hommes les plus divers et de faire disparaître les différences perçues.

Les militaires juifs ressentirent d’autres fardeaux subtils et moins subtils lorsqu’il s’agissait d’observer leur foi religieuse personnelle. Bien qu’il y ait finalement eu 16 rabbins parmi les aumôniers de l’Armée canadienne, les services religieux hebdomadaires catholiques et protestants du dimanche étaient les seules options dans de nombreuses bases et parfois, les Juifs subissaient aussi des pressions de la part de leurs supérieurs pour y assister ou étaient punis pour avoir refusé d’y assister. L’obtention d’un congé pour les principales fêtes juives ou pour célébrer d’une autre façon ces événements spéciaux constituait un autre défi au début de la guerre, mais en 1943, des permissions spéciales étaient souvent accordées pour permettre aux militaires juifs de bien les observer, soit sur la base, soit dans les synagogues voisines.

Dans la mesure du possible, les aumôniers et les militaires juifs organisaient des funérailles respectant la religion des personnes décédées. Les pierres tombales des Juifs militaires étaient marquées différemment de celles de leurs camarades non-juifs dans les cimetières au pays et à l’étranger. Qu’il s’agisse de tombes individuelles de Canadiens juifs enterrés dans des endroits éloignés comme le Ghana et le Soudan, ou de petits groupes rassemblés dans de vastes cimetières de guerre canadiens comme Bény-sur-Mer près de Juno Beach et Cassino en Italie, la plupart de celles-ci étaient gravées avec l’étoile de David (bien que plusieurs hommes juifs aient été enterrés sous une croix par erreur). De plus, les pierres tombales comportaient typiquement un passage hébraïque au bas, signifiant : « Que leurs âmes entrent à tout jamais dans la vie éternelle ».

Ben Dunkelman (à gauche) à Toronto pendant la guerre. Photo : Ontario Jewish Archives

Ben Dunkelman (à gauche) à Toronto pendant la guerre.
Photo : Ontario Jewish Archives

Un autre défi plus logistique auquel les membres du service juif devaient faire face était d’essayer de suivre un régime casher. En effet, de nombreux vétérans juifs de la Seconde Guerre mondiale ont parlé des choix difficiles que cela impliquait. Bien que l’Armée n’eut pas fait grand-chose pour accommoder ces restrictions alimentaires, la communauté juive canadienne compléta leurs ravitaillements en envoyant des paniers de nourriture occasionnels et des repas faits maison dans les synagogues. De Vancouver à Halifax, les communautés juives locales avaient également à leur charge des clubs ou des cantines pour les militaires juifs où ceux-ci pouvaient se procurer un repas casher, et où les aumôniers juifs distribuaient de la nourriture comme du matzah (pain sans levain) aux troupes du front, surtout pendant les fêtes religieuses comme Pessah. Alors que de nombreux Juifs évitaient du mieux qu’ils le pouvaient les offrandes non casher, certains en venaient à accepter la dure réalité qu’ils devaient enfreindre les règles ou souffrir de famine dans une armée où le porc était fréquemment au menu.

Au sens plus large, l’expérience militaire des militaires juifs reflétait en grande partie celle de leurs camarades non juifs, mais les croyances tordues de l’ennemi qu’ils combattaient signifiaient qu’ils avaient un fardeau supplémentaire à prendre en considération : que se passerait-il s’ils se faisaient capturer? L’ampleur de la politique odieuse de l’Allemagne nazie contre les Juifs était bien connue lors du débarquement des Alliés en Normandie, et les Canadiens de cette confession étaient, à juste titre, très inquiets du traitement qu’ils subiraient s’ils étaient faits prisonniers de guerre. Naturellement, certaines recrues choisirent de ne pas indiquer qu’elles étaient juives pendant le processus d’enrôlement afin qu’il soit plus difficile pour les ravisseurs potentiels de connaître leurs racines. D’autres décidèrent de changer leur nom, comme George Holidenke de Montréal qui s’enrôla sous le nom de George Holden, tandis que d’autres, comme Saul Shusterman de Toronto, jetèrent carrément leur plaque d’identité (communément appelée médaille d’identité) indiquant leur religion avant leur capture.

Il ne s’agissait là non pas d’une situation hypothétique; on estime que 85 militaires juifs canadiens furent faits prisonniers de guerre pendant le conflit. Ils faisaient souvent de leur mieux pour garder leur religion secrète, mais certains, dans un acte de fierté et de défi, en informaient même directement les gardes de leur camp. Parfois, leurs compagnons de guerre non juifs intervenaient pour empêcher leurs compagnons de couchette juifs d’être séparés et d’être potentiellement envoyés dans des camps de concentration.

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